27 novembre 2010

Le fusil de chasse au CNA, douceur japonaise au théâtre



Le fusil de chasse 
adapté d'un roman de Yashushi Inoué
mis en scène par François Girard - Avec Marie Brassard et Rodrigue Proteau
présenté au Théâtre Français du CNA Ottawa du 23 au 27 novembre 2010



   Fasciné par le large dos du chasseur
   Je regardais, je regardais
   (...)
   Et l'étincelant fusil de chasse,
   Pesant de tout son poids sur le corps solitaire,
   Sur l'âme solitaire d'un homme entre deux âges,
   Irradie une étrange et sévère beatué,
   Qu'il ne montra jamais
   Quand il était pointé contre une créature


C'est un poème sur la chasse, la description d'un chasseur. Poème publié dans un magazine de chasse par le narrateur, publication incongrue : il ne connaît rien à la chasse, et qui lit des poèmes dans un lectorat de chasseurs ?

Pourtant, quelques semaines plus tard, le poète reçoit une lettre, un homme écrit qu'il se reconnaît dans le chasseur solitaire du poème. Le chasseur décrit, c'est lui. Pour se justifier, il joint 3 lettres, 3 longues écrites par des femmes et adressées à lui, 3 lettres qui l'ont plongé dans la solitude. Lettres de sa femme, de sa maîtresse, de la fille de sa maîtresse, lettres comptant un adultère, une vie de mensonge, de vérités découvertes, lettres d'amour & de solitude.

Le fusil de chasse est un roman de Yashushi Inoué publié en 1949; un classique de la littérature japonaise. Texte majoritairement épistolaire, ces 3 lettres de femmes, leurs voix réfléchissant sur l'amour à partir de cet exemple, 13 ans d'amour entre un homme et la cousine de sa femme ; en creux, cet homme, ce chasseur, qui a tout perdu à la lecture de ses lettres, terriblement solitaire, totalement silencieux dans le texte, juste dessiné en creux dans les paroles de ces femmes.

L'adaptation théâtrale laisse donc entendre ces 3 femmes, 3 longs monologues, offert par la même comédienne qui s'ajuste au ton des 3 figures. Collégienne surprise de découvrir cet amour secret, épouse au bord de l'ivresse après 13 ans de douleur, maîtresse diaphane car bientôt emportée par la maladie. Marie Brassard se glisse dans le texte, les mots doux et discrets d'Inoué, les paroles discrètes de ces femmes, leurs hésitations, leurs réflexions, les rares sursauts d'intensité. Le texte est un superbe morceau de littérature, mais des mots magnifiques à entendre et à dire, roman épistolaire se prêtant parfaitement à l'adaptation scénique, au grain d'une voix qui s'écoule doucement.

La scénographie s'affiche dénudée et minimal, un minimalisme revendiqué par le metteur en scène. Espace carré au centre de la scène, telle une scène dans la scène, un tatami. Au fond, rideau mis transparent, présentant trois bandes de textes en japonais - les 3 lettres. Derrière ce rideau, un personnage solitaire, silencieux, qui ne dira mot du spectacle, bougeant simplement très lentement, tel un fantôme ; le chasseur solitaire, le destinataire des lettres. Lumière faible sur le plateau, atmosphère sombre. Ambiance au bord du rêve, des paroles de fantômes, une parole d'aveu entendu à distance, la distance de la lettre et du souvenir.

L'ambiance d'ensemble déroule une douce cohérence avec les propos, écrin agréable, plutôt modeste & simple. Mais la modestie minimale révèle parfois son ambition, le système un peu trop compliqué qui la sous-tend, l'envie mêlée de "faire minimal" et "faire profond" - envies parfois en compétition. Ainsi, ce plateau, cet espace carré central : il évolue d'une lettre à l'autre, d'une femme à l'autre, d'un acte à l'autre. Carré d'eau à nénuphar pour la collégienne, damier rempli de galets pour l'épouse, plancher de bois pour la maîtresse. Recherche intéressante et envoûtante, pour sûr, mais dont les évolutions risquent parfois de distraire l'attention du spectateur : est-ce vraiment de l'eau ? sur quelle épaisseur ? où vont les galets ? et comment le système de lattes de bois a-t-il été installé ? La virtuosité des transitions & évolutions du plateau brise ponctuellement le minimalisme, source d'interrogations pour le spectateur sans vraiment servir le texte. Un système aussi brillant était-il nécessaire, même rendu possible par les budgets du Centre National des Arts ?

Mais cette remarque est certainement dû à mes modestes expériences de mise en scène universitaire, petite jalousie face aux moyens du théâtre public ! Cela ne doit pas autant surprendre le spectateur moyen, j'imagine, même amateur de théâtre.

Plus que cette brillante démonstration technique minimaliste, on peut peut-être regretter quelques choix stylistiques un peu trop appuyés, légèrement trop surlignés. Le chasseur fantôme du fond de scène, illustrant un peu trop clairement les propos des lettres, figure peut-être trop présentes tout au long de la pièce, un peu systématique, au risque de ne pas offrir grand chose, si ce n'est la distraction du public ; mais c'est un arrière-plan, c'est un fantôme, le filigrane du texte, alors pourquoi pas ? 

Mais la mise en scène de la dernière scène pose un peu plus question. La dernière lettre, c'est celle de la maîtresse, la femme aimée pendant 13 ans, perdue dans la maladie, au bord de la mort. Dernier changement de costume, Marie Brassard ôte la robe rouge de l'épouse, la voici nue, accroupie dos au public. Vos paisible, lointaine, conte doux. Une boite descend du plafond. Elle contient des étoffes blanches, kimonos blancs - couleur de la mort. La comédienne ne se déplacera pas des dernières vingt minutes, passant peu à peu les couches de kimono, s'enroulant de divers ceintures, rubans, noeuds blancs, gardant les pieds plantés dans le sol et la voix douce, s'écoulant paisiblement. A la fin, elle se tait, une immense lumière se centre sur elle, terrible réflexion sur le blanc des étoffes enserrant le corps ; puis le noir. Bien sûr, le lent enroulement de bandelettes et ceintures dessine un joli costume japonais, et évoque la mort, par sa couleur, par sa staticitié, par la lenteur presque insupportable de ces gestes inarrêtable, une marche à la mort dans l'évolution douce de la maladie. Belle intention, exécution délicate, plutôt réussie, touchante pour le spectateur. Mais ne voit-on pas trop écrit : "je suis minimal & je suis japonais & je parle de la mort" ? N'est pas un peu trop surligné ?

Question de dosage, assurément, question de mon état d'esprit du soir, pour sûr. Dans une mise en scène minimaliste, pour un texte subtile, la moindre aspérité, le moindre changement de rythme devient grand, révélateur, source de surprise. Plus que des réserves sur la qualité du spectacle, mes remarques constituent surtout des interrogations personnelles, des réflexions sur mon ressenti et sur l'approche choisie par le metteur en scène. Car ce spectacle est un joli moment de théâtre et de littérature, au service d'un texte doux et envoûtant.


8 novembre 2010

A movie about Howl, Ginsberg and literary creation



Howl 
by Rob Epstein & Jeffrey Friedman, with James Franco & John Hamm (2010)
sortie française annoncée pour "prochainement" (janvier 2011 en Allemagne & Grande-Bretagne)


- That was Allen Ginsberg, man. He.
Bob Dylan quitte la fenêtre du regard et s'assied rêveur dans la limousine en marche, fasciné, ravi. Il vient d'échanger quelques mots avec Allen Ginsberg à travers la vitre de la voiture.

De manière assez surprenante, cette scène est celle que je retiens le plus du film I'm not there - le film de Todd Haynes sur Bob Dylan. Cate Blanchett / Bob Dylan bavardant avec Ginsberg dans une voiture en marche, échangeant quelques propos poétiques, et Dylan fasciné, fasciné, tellement émerveillé d'avoir pu faire cette rencontre. Le plus grand chanteur américain de l'époque, la star magnifique, ému comme un gosse pour avoir pu échanger deux phrases avec son idole, le poète fondateur de toute une génération.

Peut-être est-ce là un aveu assez naïf de mes limites culturelles, ma faible connaissance de la poésie Beat, de la Beat Generation ; de la poésie en générale. On a les passeurs qu'on mérite : un film sur une idole rock pour être introduit à un mythe littéraire du XXème siècle... Tous les chemins mènent à Rome, disons...

Depuis, j'ai lu On the Road de Jack Kerouac, j'ai recoupé avec mes souvenirs fascinés de The Electric Kool-Aid Acid Test de Tom Wolfe, où apparaît le personnage moteur de Neil Cassidy, toujours beat, toujours prêt à parcourir les routes et s'élancer dans vers les filles, les drogues, l'alcool. Une introduction progressive à la réalité de la Beat Generation, la légende et les anecdotes, mais sans trop goûter à la littérature elle-même. Je parcours doucement cette histoire littéraire, tentant une approche équilibrée entre biographie des protagonistes et les oeuvres elles-mêmes ; tout du moins c'est mon ambition, et le nouveau film Howl me permet de plonger un peu plus dans cette vague historique & créative.

Howl est le fameux poème d'Allen Ginsberg, débutant par les vers marquants I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked.... Ecrit en 1955, publié en 1956, et entraînant un procès en 1957 pour obscénité. Le film d'Epstrein et Friedman a pour objectif de rendre hommage au poème et à son auteur, de présenter le procès, et bien sûr, de faire entendre le texte lui-même, ce classique de la littérature américaine. Objectifs multiples qui donnent lieu à un dispositif assez simple mais plutôt ambitieux, assez casse-gueule, à la réussite inégale.

Commençons peut-être par la partie la plus sujette à caution. Les réalisateurs ont cherché à mettre le mieux en valeur - et donc à donner à voir la poésie. Aïe aïe aïe... Surtout avec un poème avec aussi imagé et énergique que Howl ; mais est-il possible transposer la poésie écrite à l'écran, quelle qu'en soit le sujet ? Régulièrement, la voie de Ginsberg résonne et apparaissent des scènes d'animation étranges, plutôt décousue, flux de lumière sortant de saxophone, pantin nus vaguement en 3D, taureau géant pour incarner le Moloch... Tout cela n'est pas désagréable, plutôt biscornu et étrange que véritablement irregardable ; mais sans vrai efficacité de cinéma, disons, parfois maladroit dans son envie de poser des images sur les vers denses, les mots saturés d'images et de rythme. Un professeur ne proclame-t-il pas dans le film que "la poésie n'est pas traduisible en prose" ? Pourquoi avoir voulu essayer à la traduire en images ?

D'autant que le reste du film est à la fois plus simple & modeste dans son approche, mais paradoxalement plus profond, plus fascinant. Avec un partie pris simple, presque basique : reconstituer, simplement reconstituer. Sur plusieurs axes en montage alterné : la première lecture de Howl dans une salle de San Francisco par Ginsberg lui-même ; une interview de Ginsberg barbu, racontant sa vie et évoquant la composition de Howl ; des scènes sans paroles de la vie de Ginsberg, telles qu'il les évoque dans son interview, et où on découvre Jack Kerouac, Neil Cassidy, son compagnon Peter Ornovsky ; le procès pour obscénité, passe d'arme entre procureur & défense par l'intermédiaire d'experts littéraires convoqués comme "témoins". Reconstitutions fondées sur une abondante documentation, photo d'époques, bandes enregistrées de l'interview, retranscription du procès.

Un tel soin de reconstitution peut sembler un manque d'ambition, un sorte de fétichisme pour les détails, un sorte d'approche documentaire TV ; certains enchaînement peuvent parfois rappeler les montages télé et leurs coupes rapides, leur alternance de témoin parlant face caméra et de scènes d'actions. Pas grand chose de plus qu'un essai écrit sur le sujet, joliment illustré. Ce n'est pas totalement faux, et la question de  transcription de poésie à l'écran reste d'une posée, vu le caractère peu concluants des passages animés & lyriques, vaguement expressionnistes.

Mais l'authenticité des témoignages et la puissance de leur contenu ne peuvent qu'exciter l'intérêt du spectateur.

Au procès, les échanges d'arguments littéraires s'enchaînent fascinants, entre littérateurs à l'ancienne et professeur sensible à l'énergie poétique de Ginsberg. On parle sens de la poésie, importance de l'originalité pour la valeur littéraire, poids de la durée et du temps pour évaluer la qualité d'une oeuvre ; tout amateur de littérature se trouvera à boire ses paroles, d'autant plus que l'efficacité de ses passages approche celle des films de procès à l'américaine. Les avocats n'hésitent pas à échanger les formules bien senties, le juge joue à merveille son rôle d'arbitre sage mais parfois ironique, la constitution américaine est citée : un délice.

Cette énergie s'affiche en couleurs, comme un bon film en technicolor, quand les scènes antérieures chronologiquement défilent en noir & blanc. Jolie cohérence avec l'absence de moyens de cette scène beat, introduite symboliquement comme fauchée, comme si elle pouvait seulement bidouiller quelques films en Noir & Blanc ou quelques clichés avec un vieil appareil photo. Les silhouettes de Kerouac, Cassidy, Orlovski défilent muettes comme sur un portfolio, présentant honnêtement leur statut de photos mises en mouvement à l'écran : nombreuses sont les scènes transposant des photos existantes, en noir et blanc - certaines affichées au cours du générique.

Mais le noir et blanc éclate encore plus fascinant dans la lecture reconstituée de Howl, la première présentation par Allen Ginsberg. Déclamant d'une manière un peu surjouée, un peu trop pesante, mais offrant un visage habité, des gestes justes, variant les rythmes, les pauses, jouant à plein de la musicalité du texte, cette fluidité qu'il a ciselé sur la machine à écrire. Comme souvent dans les lectures poétiques données par les auteurs eux-mêmes, dans celles auxquelles j'ai pu assister : lecteurs investis et connaissant leur texte et son rythme, mais sans avoir tout à fait la technique d'un véritable comédien.
La caméra s'attarde souvent sur les regards ébahis du public, les airs fascinés ou investis, les murmures de soutien ou les rires. Rien qu'une lecture public ; mais tout ce qu'une lecture en public peut offrir d'échange, de partage, de vie, d'intensité. Intensité parfaitement incarné par un James Franco habité, respectueux des intonations de Ginsberg dans ses paroles, cherchant à capter l'élan poétique du poète, alors dans sa plus grande fraîcheur.

Et cet élan apparaît de nouveau dans le Ginsberg plus âgé, plus reconnu, celui qui est interrogé par un journaliste devant une bande magnétique qui défile. Ginsberg a un peu plus de recul sur son texte qu'à l'époque de cette première lecture, on le sent, de même que sur son parcours lui-même, sur sa vie. Mais il offre des témoignages et commentaires aux mots magnifiques & intenses, investis, des éclairs de poésie transmis par le simple dialogue. Une leçon sur le sens de la poésie, le sens du geste poétique et le rapport à l'écriture, témoignage précieux qui ravira tous les amateurs d'interviews littéraire ; on reçoit des paroles riches comme une interview publiée dans la Paris Review, mais incarnées avec justesses, comme si l'on se trouvait dans la salle au moment de la discussion. Un chance précieuse et rare, devant laquelle il est difficile de bouder son plaisir si l'on aime les discussions esthétiques, si l'on apprécie la profondeur d'un auteur.

Du point de vue cinématographique, on peut interroger la réussite complète du projet : les reconstitutions sont admirablement réalisée, superbement jouées, joliment construites, mais les réserves sur les scènes animées symboliques demeurent. Pourtant, difficile de bouder son plaisir devant la richesse littéraire mise en mouvement à l'écran, fraîche, superbe, à l'élan réel. Je n'ai pas pu m'empêcher de tirer mon carnet en cours de film pour noter quelques citations, pattes de mouche gribouillées dans l'ombre de la salle obscure.

"Poetry is like a rythmic articulation of feelings."
Allen Ginsberg



En cherchant quelques liens sur Allen Ginsberg, j'ai découvert un précieux interview datant de 1966 - dans la Paris Review, bien sûr :



Quatre extraits du film Howl (2010)



6 novembre 2010

Da Capo Best Music Writing 2006, Dylan, atomic opera and Christian rock for fascinated readers

Da Capo Best Music Writing  2006 
Guest Editor : Mary Gaitskill  -  Serie Editor : Daphne Carr  (2006)


C'est une jolie institution que je découvre en parcourant les rayons des bibliothèques nord-américaines, ou même les libraires de tailles conséquentes : les anthologie annuelles, les best of de l'année - en livres. Il y a ainsi la fascinante série des Year's Best Graphic Novel, Comics & Manga, offrant un assemblage des BD fortes de l'année, par doses d'une demi douzaine de pages. Je reviendrai plus longuement sur assemblages de bandes dessinées, dont je parcours actuellement quelques ouvrages. Je me régale également des Da Capo Best Music Writing, regroupement de textes sur la musique - tous les genres, genres musicaux (classique, rock, hip hop) comme genres d'écriture (critiques, récits, interview). Un délice, rien que des bons textes, riches en découvertes.

Je n'ai pas lu ce volume 2006 en entier, je l'avoue ; je suis trop occupé à déguster les critiques rock de Lester Bangs, ce qui ferait beaucoup de lecture musicale en parallèle. Il faut varier les plaisirs. Mes les quelques textes explorés m'ont confirmé que l'écriture musicale est un genre magnifique, capable d'offrir plaisir esthétique, richesse de l'expérience et profondeur humaine, et ce même sans connaître les morceaux évoqués, même sans apprécier le genre musical décrit ; une véritable littérature.

Bien sûr, le livre propose des critiques assez classiques, même dans des formats étendus. La pièce d'ouverture du volume est une analyse détaillée de la chanson "Masters of War" par Bob Dylan - rien de très surprenant. Mais le critique Greil Marcus lance son texte en expliquant à quel point cette chanson est une mauvaise chanson (et on ne peut lui reprocher de ne pas aimer Dylan : Marcus a publié un long volume sur lui) ; le texte s'intitule tout simplement "Stories of a bad song"...  Le morceau est à la limite du mauvais goût avec sa phrase choc "I hope that you die" adressée aux puissants de ce monde. Marcus cherche à comprendre comment une telle chanson peut entrer en résonance avec le public, et surgir soudain comme un hymne, 40 ans après son écriture, par la faute de la deuxième guerre en Irak

Fort intéressant, mais rien de très surprenant jusqu'à présent, une belle analyse musico-sociologique autour d'une chanson. Mais d'autres textes sont plus surprenants & fascinants.


Ainsi, le second texte de ce Da Capo 2006 est une exploration superbe d'un opéra contemporain associé aux premiers essais nucléaires, "Doctor Atomic", créé en 2005 à San Francisco pour le 50ème anniversaire du feu nucléaire. L'opéra est centré sur la première explosion nucléaire, déclenchée le 16 juillet 1945 au Nouveau Mexique - le premier véritable compte-à-rebours de l'humanité ; il met en scène des personnages tels que le chercheur Openheimer, sa femme ou un général en charge des opérations. Le spectacle n'hésite pas à citer des poèmes de Baudelaire.

Alex Ross tisse un superbe papier, partant de la réalité historique du site, des motivations du compositeur  John Adams ou de l'auteur Peter Sellars, pour présenter des scènes de répétitions, des interviews avec différentes personnes impliquées dans le projet ou inclure sur une analyse de la musique et de la scénographie. Un très long article à la structure mouvante, au contenu dense & riche, respectueux de la musique et des artistes, délicatement critique - un papier publié par le New Yorker, bien sûr, cette référence de l'écriture journalistique. Je n'ai pas encore entendu une note de cet opéra, mais cet article est certainement l'une des plus belles choses que j'ai lues cette année. Réjouissez-vous, l'article est lisible sur le site d'Alex Ross...


"He (Sellars) devises challenging, disorienting frames for drama, and then fills those frames with lavish knowledge of the characters' inner lives. If he sometimes seeks the unnattainable - at one point, he asked one of singers to "get Martin Luther king's entire 'I have a dream' speech in that melisma" - he never fails to provide the wealth of context and backstory that actors crave".




Un autre texte a fortement attiré mon attention, ma doucement aspiré dans son ambiance et son sujet. John Jeremiah Sullivan explore ainsi le phénomène des festivals de rock chrétien aux Etats-Unis, immenses barnums rassemblant des centaines de milliers de jeunes croyants autour de groupes au message Bible-friendly. Des campements à la Woodstock, mais on il serait difficile de trouver quelques drogues fortes ou même de l'alcool, et où le nom des groupes reste terriblement mystérieux pour l'amateur de musique rock "habituelle".

Le papier de Sullivan, Upon This Rock, est une magnifique pièce de gonzo journalisme, écrit à la première personne, centré sur les anecdotes survenant à l'auteur. Le début capte immédiatement l'attention : Sullivan cherche à comprendre les motivations des jeunes, et explore les forums Internet pour partager le camping-car de quelques uns... Pour aussitôt se faire taxer de pédophile et se voir menacer sur la majeure partie du web chrétien ! Le ton est lancé, l'auteur décrit ses angoisses à conduire un immense camping-car de 9 m de long, ses échanges amicaux avec des jeunes venus d'un état rural, son manque d'intérêt pour les groupes se revendiquant chrétien, à la musique inintéressante. Les groupes aux grandes aspirations esthétiques se gardent bien de mettre en avant leur foie, histoire de ne pas restreindre leur message : les groupes au label chrétien sont donc majoritairement mauvais... Analyse passionnante de cette population jeune, américaine & très pieuse, phénomène clé de la société US contemporaine.

Le papier parvient même à élever son niveau dans sa dernière partie, quand l'auteur évoque ses souvenirs d'ado investi dans les groupes chrétiens, l'attrait de tels échanges pour les jeunes, leurs motivations. Une superbe leçon de composition & de journalisme, de variation des points de vue & des angles d'approche : une démonstration à même de tirer l'écriture vers le haut.


And believe it or not, the Christian-rock establishment sometimes expresses a kind of approval of the way groups like U2 or Switchfoot (who played Creation while I was there and had a monser secular-radio hit at the time with "Meant to Live" but whose management wouldn't allow them to be photographed onstage) take quiet pains to distance themselves from any ambiguoues Jesus-loving, recognizing that this is the surest way to connect with the world (you know that's how they refer to us, right? We're "of the world"). So it's possible-and indeed seems likely- that Christian rock is a musical genre, the only one I can think of, that has excellence-proofed itself".



Link to the described articles

5 novembre 2010

Terrible Love by The National, with bits of live performance(s)

Terrible Love
by The National (2010)

J'ai déjà évoqué mon amour pour The National, plutôt longuement, ma fascination pour leurs performances live ; leurs chansons doucement émouvantes, patiemment construites, à l'énergie contenue, doucement libérée ; leur chanteur à la sensibilité instable & touchante. Leur nouveau clip vidéo est assez paresseux, collage de bouts de live, de moments en tournée, de vidéos de fans : rien de très inventif. Mais de jolis précipités de leurs performances, de leur engagement scénique, de leurs petites blagues. De quoi faire plaisir aux fans...




4 novembre 2010

Vargas Llosa joue avec une vilaine fille mais n'en fait pas grand chose

Tours et détours de la vilaine fille 
by Mario Vargas Llosa (2006)

Qu'elles sont séduisantes, ces deux petites chiliennes, outrageuses, comme elles dansent bien, qu'elles sont fascinantes ! Tous les garçons du quartier de Miraflores au Pérou les observent, les filles les jalouses, et Ricardo est fou amoureux de Lili, la plus spectaculaire, la meilleure danseuse de mambo. Quel beau pays que le Chili, si libre, si frais pour les regards adolescents. Mais en fait les deux chiliennes n'ont jamais rien vu du Chili, ce ne sont que de petites péruviennes pauvres, tentant d'infiltrer les riches familles de Miraflores. On découvre la supercherie, on les chasse. Bientôt Ricardo part à Paris, la ville de ses rêves, la seule vocation de sa vie ; qu'importe qu'on soit un modeste traducteur pourvu que ce soit à Paris.

Mais deux ans à peine passent et voici que la petite chilienne débarque à Paris. Devenue Camarade Arlette, prête à partir pour Cuba où doit la conduire une bourse d'entraînement à la révolution communiste. Premières retrouvailles d'une série qui durera toute une vie...

Vargas Llosa a reçu le prix Nobel il y a quelques mois, après avoir été longtemps cité durant les quinze dernières années ; pas une surprise. Je n'ai jamais lu de livres de lui, même si son nom résonne connu, un habitué des salons littéraires, des étalages de libraires en poche. J'aime bien lire les livres de prix Nobel, pour avoir au moins un repère - et espérant souvent tomber sur un chef d'oeuvre marquant. Cent Ans de Solitude ou The Golden Notebook ont constitué de véritables chocs esthétiques, guidés par le simple fait que leur auteur apparaissait dans la liste Nobel.

Hélas, les prix Nobel n'écrivent pas que des chefs d'oeuvre, surtout à la fin de leur carrière.

Petite erreur naïve de ma part d'avoir choisi un des derniers livres de Vargas Llosa. Un livre pas désagréable, bien écrit (tout de même, ce n'est pas un scribouillard), aux épisodes plutôt bien trouvés, de belles petites idées. Mais qui m'a laissé une terrible impression d'auteur en pilote automatique, se faisant doucement plaisir, mais sans vraiment proposer grand chose au lecteur. Un auteur facile, peu exigeant avec le contenu de son livre, pourvu qu'il soit doucement distrayant et lui permette de brasser quelques souvenirs.

Le gentil Ricardo retrouve ainsi sa vilaine fille de Lily, à peu près tous les 5 ou 10 ans, selon des schémas assez similaires. Elle le retrouve, lui explique ses problèmes, il est ravi de la retrouver même si les années le rendent mois poreux aux méthodes de la fille, plus cyniques ; il la couvre de mots doux, ils couchent ensemble, vivent un peu ensemble ; et elles s'échappent avec un riche personnage, car c'est cela qu'elle cherche, l'argent, en ex-petite fille pauvre voulant assurer sa vie. Schéma reproduit dans différents lieux, Pérou de l'adolescence, Paris des années 50, Swinging London des sixties, le Japon, le Madrid cosmopolite des années 80 : un vrai album de Tintin ou film d'Indiana Jones, chaque lieu offrant son petit regard sur l'air du temps, les hippies ou la Nouvelle Vague parisienne.

On comprend vite que Vargas Llosa joue avec ses souvenirs, ayant longtemps vécu à Paris, ayant sûrement passée par Londres. Mais chaque lieu ne correspond qu'à un chapitre, et chaque description paraît bien superficielle, à la limite du cliché : hé oui, il y avait des hippies à cheveux longs fumant des joints à Londres en 1965. On a même droit à la mort d'un peintre homosexuel du SIDA...

L'obsession amoureuse se trouve terriblement diluée dans ces enchaînements, ces bonds temporels pas tellement bien gérés. On ne touche jamais à la passion aussi profondément que dans Ada de Nabokov, autre roman passionné et voyageur, étiré sur la vie d'amants sans cesse séparés. On peut admettre que l'obsession ne soit pas vraiment le thème majeur du roman, finalement, mais plutôt l'interaction entre les deux personnages, plus focalisé en creux sur la course de la fille, jamais satisfaite, sa fuite en avant, son appétit pour l'argent, son goût pour la manipulation ; mais les amants qu'elle choisit sont là aussi passablement caricaturaux, haut gradé de l'UNESCO, propriétaire de cheval anglais, trafiquant japonais porté sur les pratiques érotiques pétomanes. Tout cela pourrait sembler burlesques, mais pas vraiment, juste léger, distrayant, mais jamais vraiment acide ou sarcastique.

Bon sang, où veut-il en venir ?

La critique du New York Times parue en 2008 évoque une réécriture de Madame Bovary, rien que ça. Le goût de Vargas Llosa pour Flaubert est connu, un de ses modèles littéraires, il a même publié un long essai sur le maître français. Mais les connexions avec Madame Bovary semblent bien tenues, la gentillesse de l'époux, la fuite en avant superficielle de la Bovary... Mouais... Pas facile de faire un vrai parallèle... Et on peut difficilement accuser mes mauvais souvenirs, mes lointaines lectures d'école : j'ai lu Madame Bovary il y a moins d'un an. Cette mauvaise ne parvient jamais à créer un rythme similaire à celui de Flaubert, un élan, pas même à générer une vraie empathie pour ses personnages. A la fin, la vilaine fille est cassée, physiquement détruite, et honnêtement, je m'en foutais.

Ma seule interprétation du livre est une suite de petits plaisirs d'écrivain. Car certains passages sont très plaisants et bien trouvés, comme cette description d'un vieillard capable de guider la construction des digues brise-lames car il sait écouter la mère. Vargas Llosa a un joli carnet où il reste capable de noter des idées très intéressantes & agréables. Mais l'ensemble ne prend pas vraiment, ne conduit pas à grand chose, et surtout pas à la pirouette finale, d'une profonde paresse.

Le prix Nobel 2010 mérite une deuxième chance, il faudra goûter à ses ouvrages plsu reconnus.

2 novembre 2010

Deerhunter in Portland, wonderful moment of noisy indie rock


October, 28th, 2010 - Deerhunter in concert at the Wonder Ballroom - Portland, Oregon

Une vague, un élan métallique, lourd vrombissement d'écho, bourdon rugueux, les amplis sont prêts et les couches de guitares entament leurs sculptures, douces bourrasques, la rage contenue, la poésie du bruit et du rock ; un soulagement, un grand soulagement. Deerhunter vient d'entrer sur scène au Wonder Ballroom de Portland, ce jeudi soir, et enfin, je respire, je me détends. Le grand ramdam du bruit s'élance, je souris enfin, relâché.

Car il est des soirées où la nervosité s'invite malgré l'excitation d'un concert attendu, où les marche pieds se font désagréables, portés sur les trébuchements, et toutes les situations se font agaçantes. Fatigue, poids du décalage horaire, journée de conférence plutôt longue et peu concluantes, et mon humeur avait doucement dérapé ce jeudi. Comme grommelant, inquiet, courant vers la détente pour y trouver un soulagement, sans vraiment y dénicher l'apaisement. Le poulet était bon, pourtant, dans ce barbecue en face de la salle de concert, et la bière excellente, mais quelques résidus de panique grondaient, de mauvais rêves, de discussions inconcluantes et tristes. Je souriais, j'allais enfin voir ce concert de Deerhunter dans cette jolie petite salle, mais je n'étais qu'instable, épidermique, prêt à griffer à la moindre caresse mal portée, à la bousculade bête.

Comment expliquer autrement mon dégoût profond pour la première partie offerte par Real Estate ? Un petit rock propre, presque instrumental, doux, étiré, aux paroles rêveuses, et qui m'a pourtant paru d'une bêtise affligeante, d'une mollesse vulgaire et détestable. Pourquoi ces filles dansaient-elles aussi joyeuses autour de moi, ravies ? Un groupe de gamins avec un pull mou entrouvert, sans énergie, rêvant à peine et certainement pas à haute voix. Réveillez-vous, les gars, un peu de pêche, sortez-vous les doigts ! Quelques morceaux vaguement mid-mid-up-tempo (et le mot est faible) avait à peine éteint mes soupirs, mes envies de gueuler à la fin de chaque morceau. Bon sang, soyez jeunes !

Mais mes ondes négatives n'étaient certainement pas la seule explication de mon emportement, l'ami Lester Bangs n'y est pas étranger. J'ai passé les dix derniers à lire le recueil de ses critiques rock des années 70, le très joli Psychotic Reactions and Carburator Dung. Il y défend sans cesse l'énergie du rock, la pure énergie, l'emportement d'un Iggy Pop ou de quelques obscurs trifouilleurs d'électricité, gamin saturés d'ennuis, de frustration sexuelle & d'énergie brute. Un peu plus tôt ce jeudi, je m'étais régalé de ces emportements contre le jeune David Bowie, icône froide & rigide, trop distante, peu ouvert & honnête ; et pourtant j'adore Bowie. Mais le style ultra-rapide de Bangs avait déteint sur moi, plein d'emportement, d'imprécations, d'épithètes à rallonge : les gosses de Real Estate ne méritaient pas mieux qu'une baffe-et-au-lit, bon sang.

Lester Bangs, goutte d'eau de mon agacement ? Mais aussi, discrètement, source de mon salut léger. Les gamins mous de Real Estate rangent encore leurs jouets, je ressors mon recueil de Bangs, et deux jeunes devant moi se retournent. "Que lis-tu ?" "Lester Bangs, c'est assez fascinant" (je monte la couverture jaune presque psychédélique, le titre tellement peu clair). Ces jeunes doivent être encore plus jeunes que les apprentis dream-popper de Real Estate, ils ne doivent pas avoir 20 ans. Fille un peu grassouillette, queue de cheval, T-shirt simple, boucles d'oreille noires ; mec ébouriffé jusqu'à la barbe rousse ou blonde, lunettes aux montures banalement démodées, fringues un peu souples. On bavarde. Ils sont du coin, ils aiment la musique, aiment Real Estate, adorent Deerhunter ; le mec fait du skate : un skater, à Portland, comme dans le film Paranoid Park de Gus Van Sant, l'enfant du pays ! C'est donc bien une ville de skaters !

On bavarde, on blague, on échange les anecdotes. Ils aimeraient bien aller à Paris, ils aiment bien la poutine, ce plat français. Hé, ho, hop hop hop, la poutine, c'est québécois, pas de telles bêtises avec le fromage en France - mais mince, vous avez de la poutine à Portland ? On rigole, on échange même les numéros de téléphones. Ils apprécient mes conneries, mes blagounettes, mes histoires balancées souriant, ce copain qui a fait ci, ce concert aperçu là-bas.

On m'écoute, je ne suis pas qu'une boule de fatigue & d'agacement. Je ne suis pas qu'une merde.

Mais c'est bien Deerhunter qui m'a définitivement détendu. Entrant sur scène contents d'être là, bavardant avec la foule, et branchant aussitôt les guitares sur "fort et SATURé", très saturé. Des nappes noise auxquelles je m'attendais, d'après les précédents albums, mais que je n'espérais pas voir durer toute la soirée. Leur dernier album Halcyon Digest joue plutôt sur les douces atmosphères, les petites cordes, des sons presque électroniques ; les nouvelles chansons sont toujours aussi belles, délicates & douces, mais parfaitement enveloppées de ces bourdons de guitare,  de ces drones saturés, offrant une perspective parallèle, un long grognement maintenu - et c'est magnifique, envoûtant. Un terrible exemple de pop et rock, de noisy pop dans mes rêves primitives, oscillations entre la fraîcheur d'un chant ému et la rugosité d'une électricité brute, à peine domptée en apparence. Ces faces extrêmes vers lesquelles on peut tourner un peu plus le regard parfois, si l'on veut saisir la caresse ou agripper la brute ; un alliage que je ne parviens toujours pas à rendre par écrit, hélas, mais sur lequel je vais continuer à travailler, mon défi d'écriture.

Néanmoins, malgré les limites de mes mots ou phrases plates, l'ivresse est là, le bonheur musical, le grand sourire.

D'autant que Deerhunter offre en live un aspect qui me plaît toujours, aspect certainement inconscient pourtant : le plaisir de découvrir de superbes personnages dans ces musiciens, combinaison de charisme, d'attitude bringuebalante, de fringues, de look négligé, de petits détails. Cet ensemble qui donne envie de ne pas quitter les silhouettes du regard, d'en observer les caractéristiques, de s'amuser à en dresser le portrait. Batterie au fond, presque invisible, mais détendu, chemise jaune ou orange avec trois boutons d'ouverts. Sur la droite, côté cour, Lockett Pundt, guitariste, qui chantera un ou deux titres, dont le premier du set ; alliance T-shirt plus chemise à carreaux ouverte, petite moustache, fine mais large, presque comme un accessoire de cinéma, très noire. Sur la gauche, côté jardin, Bradford Cox, le leader, la figure, le personnage, l'emblème, terriblement impressionnant. Long, mince, fin, la poitrine plate et les épaules carrés, presque pointus, d'où sorte des membres allongés, presque des bâtons pour bras ; une gueule vaguement cassée, un peu biscornue, une coupe au bol ; la gouaille dans les interventions, haranguant encore et encore les ingénieurs du son, parce que mince "on ne s'entend pas ici, on ne s'entend pas". 

Mais finalement, mine de rien, Joshua Fauver le bassiste m'a aussi fait profondément impression. Aucun micro, il ne chante pas, et pourtant debout en plein milieu de scène. Marchant parfois vers l'avant, parfois vers l'arrière, mais sans oscillation : il s'avance, ou il recule, flottant un peu, mais maîtrisant le flot. Rêveur, rêvant. Parfois la tête doucement penchée sur le côté, vers sa gauche, mais les yeux droits devant lui, ouverts ou infiniment fermés, à savoir à 95% ouverts ; délicatement entourés de cernes naturelles. Un sourire mince, un pull à bandes noires et grises, peu épais certainement. Il pianote sa basse, en balance quelques notes, la torture parfois un peu plus - le son s'échappe souvent vers des teneurs plus noise, plus bruyantes encore que le niveau de base. Mais Joshua se dresse toujours placide, comme une lueur gaie et douce, ravi d'être là, peut-être un peu timide, et encore, mais surtout appréciant joyeusement sa musique, y restant plongé face au public.

Quoiqu'il en soit, une magnifique équipe que ces Deerhunter, un superbe moment de rock indie doucement noisy, des morceaux dans lesquels se lover pour effacer les idées sombres. Piocher dans l'énergie du son comme dans la mélancolie de la voix, et monter les marches, monter, souriant peu à peu. Je flotte, je flotte, et je flotte encore un peu en y songeant, en regardant la jolie vidéo Noir & Blanc prise ce jeudi soir de Portland - vidéo diffusée le lendemain même par le grand Pitchfork, vidéo dont m'a parlé le skater ébouriffé quand je l'ai recroisé le lendemain même. Superbe musique, belle rencontre : je suis parfois chanceux dans mes petites plongées fatiguées.