25 novembre 2011

Jackie - tant de choses à proposer, et rien à en retirer. Jackie.

Jackie. Jackie sur scène à Ottawa.
Oui, Jackie.

Jackie, bien sûr. Jackie Kennedy.
Quelle autre Jackie ?

L'assemblage joue sur les stars. Jackie Kennedy l'icône. Dans un texte d'Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature. Mis en scène par Denis Marleau, ancien directeur du Theâtre frnçais au CNA, habitué d'Avignon, récemment passé par la Comédie Française. Avec Sylvie Léonard, actruce multiprimée.

Mais l'important, oui, c'est Jackie. Jackie, la Jackie, son long monologue.
Sa présence.
Sa silhouette, son image. Une telle figure, une image médiatique, dont tout le monde a capté l'image, la photo, ici, ailleurs, depuis des années. Une femme d'image, et la mise en scène embrasse l'aspect médiatique frontalement : un caméraman la suit sur scène, pour maintenir en permanence un gros plan sur grand écran Noir et Blanc en fond de scène ; la femme en interview, en représentation, et son image transmise, ses lèvres mobiles immenses, ses sourires, ses regards contrôlés à la caméra - en contrepoint de ses paroles - l'image et le verbe.

Oui, un flot du verbe, comme d'infinies tirades cousues les unes aux autres par coutures imperceptibles ; comme un seul immense monologue d'une heure cinq, presque sans reprendre son souffle au coeur des mouvements. Un ton presque doux, posé, comme plat, à la limite du neutre ; une presque voix blanche. Pourquoi pas ? 
C'est un spectre qui s'adresse à nous, une figure du passée, un personnage qui ne cache son statut de morte. Seule survivante - selon la légende du clan Kennedy décimé et riche en tragédies ; survivante même morte, la dernière, seule qui à continuer tout droit.

Et peut enfin s'exprimer. Sortir du cadre de l'image et des couvertures de magazine, et parler, parler, partager enfin sa condition de première dame ; première dame, l'expression consacrée, si creuse, et si vraie : celle vue en premier, en permanence.

Voilà tout un beau programme. Tout est bien assemblé, les symboles bien amenés : le côté médiatique, renforcé par des photos jaillissant sans fin des magazines qu'elle feuillète, et le flot de parole, le jaillissement, la profondeur caché qui parle toute seule, comme inarrêtable. Et pas n'importe quelles paroles, les paroles de Jelineck, la poète des femmes tiraillées, écrasées par la société et les désirs conventionnels dont elles ne peuvent se détacher.

Et tout cela n'a aucunement capté mon attention.
Jackie, lançant sa glossolalie de manière étouffée, puis prenant pied tout doucement par les répétitions, comme une parole tournant en boucle là-bas, on ne sait où, pour faire continuer son show, même si c'est enfin un show intime.

Jackie évoquant ses robes, son obsession du vêtement, sa seule marque. Glissant des paroles sur les autres Kennedys, sur la cervelle de Jack s'échappant après le coup de feu ; glissant une obsession sur Maryline - bien sûr, comment ne pas en parler, Maryline ?

Enfin, il y avait certainement bien plus que tout cela, mais je n'ai pas écouté plus d'un tiers de la pièce. Une pièce dont le rythme m'a semblé bien monocorde ; choix conscient, je n'en doute pas, figure sous contrôle toute sa vie, et revenant des morts : pas étonnant que la parole soit offerte égale, souvent égale. Une mise en scène dont les jeux de regard entre public et caméra ne m'ont pas intéressé ; encore un choix de mise en scène maîtrisé, pour offrir un peu de variation, et souligner le côté médiatique et la connaissance de Jackie de ce jeu. Une mise en scène dont le soin des costumes et des accessoires m'a paru fort superficiel, flattant le petit public, proche des obsessions bêtes des biopics de cinéma ; force est de constaté, avouns-le, que retrouver autant de numéros du magazine Life, autant de robes parfaites, est un jolie travail d'accessoiriste et de costumière.
Un spectacle dont le texte lui-même ne m'a jamais donné envie d'être suivi, d'en suivre les variations et les méandres ; oui, Jack, oui, les Kennedy, oui, la première dame et ses toilettes, oui, les fausses-couches, oui, Maryline - and so what ?

Non, Jackie Kennedy ne m'intéressait pas vraiment auparavant, et le spectacle ne m'a pas offert d'angle d'accroche pour m'y intéresser. Ne m'a pas proposé d'ouverture à approfondir sur le statut de la femme bourgeoise des années 50-60, sur le jeu médiatique, sur la politique américaine, sur le goût du paraître.

Beaucoup d'éléments assemblés, et si peu au final.
Jackie, voyons.



23 novembre 2011

Kim Kilpatrick conte sa vie de femme aveugle : toutes ces choses supers, et ces choses sombres aussi

La lumière s'éteint à son entrée en scène.
La voix s'élève, conteuse.

La lumière ne se rallume pas pendant les 5, 10 premières minutes. Histoire contée dans la pénombre.

Ainsi début le spectacle de Kim Kilpatrick, "Voler dans l'ombre : Histoire d'une Femme aveugle" (Flying in the Dark: A Blind Woman's Story). Premier spectacle complet de la conteuse d'Ottawa, membre bien connue de la scène de la ville et des amateurs d'Ottawa Storyteller. On peut entendre souvent ses histoires, leur ton léger, l'humour, le pouvoir de l'expérience vécue, souvent surprenante. Kim raconte des histoires autobiographiques avec un parfait sens du conte, et une belle capacité à mettre en valeur son sujet : ses expériences de femme aveugle. Toutes les choses super liées au fait d'être aveugle, comme le dit le titre de son blog, Great Things About Being Blind ; et aussi, bien sûr, les réactions surprises, la tendance de certains à sous-estimer les capacités des aveugles, surjouant l'empathie naïve jusqu'à la condescendance.

La première partie du spectacle offre ainsi un parfait exemple du style de Kim, l'univers poétiques et drôle de ces histoires. Un spectacle sur sa vie de femme aveugle - alors tout commence donc par les expériences de jeunesse, sa puissante imagination, ses premières petites luttes avec la stupidité des autres, que ce soit une voisine la traitant de bébé ou une institutrice lui interdisant toute activité dangereuse - à savoir, toute activité. Le flot du récit est fluide, porté par les images, petite fille rêvant de dragons sortant d'oeufs en chocolat, choisissant les couleurs des feutres à leur parfum. Et bien sûr, les grandes premières, première journée dans sa nouvelle école à la maîtresse compréhensive, la lecture en braille sous les couverture, le premier trajet seule dans la rue avec sa canne blanche - pour aller acheter des chewing-gums.

Les récits volent, les sourires flottent dans le public. L'imagination, la technique du récit, l'humanisme.

Mais le spectacle me surprend fortement dans sa deuxième partie. Pour réussie qu'ait été la première partie, elle ne m'avait pas vraiment surprise ; correspondant au style de Kim tel que j'avais pu y goûter une demi-douzaine de fois, drôle, moquant la bêtise avec douceur, presque optimiste - toutes ces choses super, super ; 30 minutes étirant et enrichissant en petits détails les tranches de 5 minutes que j'avais entendues.

Ou placer pourtant le début du deuxième acte par rapport à ces schémas et idées ?
Portraits esquissés de plusieurs héros ayant dépassé le handicap, Terry Fox courant à travers le Canada avec une prothèse à une jambe, Bethoven composant des musiques somptueuse comme si la surdité ne pouvait rien y changer ; portraits de grands modèles qui, tous, offrent des mots désabusés dès leur deuxième phrase. 
Kim ne sait plus faire entendre l'assurance de ses modèles.

La tonalité a basculé par ce système joliment trouvé, et la deuxième partie sera celle du doute, des moments d'angoisse, petits ou grands, des interrogations sur l'écriture, sur le message à véhiculer, sur la capacité à gérer le stress. Quelques minutes plus tôt, la maladresse bête ou méprisante se voyait ridiculisée par les compétences de Kim, son sens de la vie, son habilité à faire les choses par elle-même ; maintenant, le ridicule des stupides persistent, mais pousse la tête de Kim un peu plus sous l'eau dans ces moments d'inquiétudes...

Comment écrire ce spectacle ? Comment monter tout cela ? Comment assembler toutes ces choses super liées au fait d'être aveugle ? N'y a-t-il pas aussi des moments moins agréables ?

La première partie donnait du volume à l'image basique de la petite fille aveugle, donner vie et couleurs au schéma en deux dimensions. La seconde partie offre une troisième dimension d'un autre type, la profondeur souterraine, l'interrogation, les incertitudes et angoisses, le lot de tous, la condition humaine,  ses doutes.

Le récit se fait lui-même plus déstructuré, sautant d'anecdotes, de portraits rapides vers des séances d'écritures de groupe pour débloquer la création du spectacle ; surgissent des instants de la vie de tous les jours où l'angoisse de la création empiète sur les activités habituelles. Par touches, les mêmes commentaires bêtes réapparaissent, comme dans l'enfance, comme toujours ; "de quelle couleur sont vos boutons ?" demande une infirmière par téléphone, "médicaments anti-stress ? ma pauvre, tout doit être tellement stressant dans votre état" s'exclame la pharmacienne. Bêtise à faire peur plutôt qu'à faire pitié. Bêtise qui donne envie d'un câlin bien au chaud dans sa chambre, incapable du rire haut de l'enfance criant "mais si, je peux". Les choses liées au fait d'être aveugle sont aussi les interrogations du sujet moderne, comment aurait-on pu en douter ?

Cette profondeur sombre m'a fasciné - pourtant, dieu sait si j'avais aimé les histoires de Kim entendues auparavant, leur humour parfaitement temporisé. Son "style". Cela m'apprendra aussi, bien sûr, à proclamer "je connais son style" sur la foi d'une demi-douzaine de textes courts...
Qu'importe les limites de mon sens critique. Cette épaisseur, et cette bien jolie composition souple, donne une réalité moins idéalisée, plus nuancée, à son humanisme dynamique. Elles demanderaient à être écoutées de nouveau.


"Flying in the dark: A Blind Woman's Story"
Created and Told by Kim Kilpatrick (2 women productions)
November, 19th, 2011 - Café Molo,  Wakefield, Québec

23 mai 2011

Small Town Murder Songs, court mais magnifiquement assemblé

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Small Town Murder Songs 
     by Ed Gass-Donnelly (2011)

Quel intérêt y-t-il aujourd'hui à présenter l'enquête d'un meurtre au cinéma ? Un polar classique ?
Bien sûr, il y a toujours le suspens associé à l'enquête, ainsi que l'intérêt du fait divers comme reflet d'une société ; n'était-ce pas Sartre lui-même qui raffolait des faits divers ? Mais par delà la curiosité liée au thème, quel est l'intérêt de présenter une telle histoire au cinema ? Que montrer après Seven, après les écrans de télé déjà surchargés d'enquêtes en tout genre, plus ou moins malignes, plus ou moins bien réalisées ?

Il y a toujours le risque de se retrouver avec un résultat vide, scolaire, presque ennuyeux. Ce qui serait somme toute acceptable pour un écran privé, regardé d'un oeil distrait en finissant la glace du dessert après une journée un peu longue au boulot ; mais qui ne fait pas vraiment sens d'un point de vue cinématographique...

Bien sûr, les films policiers intéressants n'ont pas manqué ces dernières années, et sans même chercher longtemps, je songe à La Nuit Nous Appartient ou Le Petit Lieutenant ; l'angle parodique de Hot Fuzz est réjouissant, mais rappelle les difficultés d'une telle entreprise menée sous un angle sérieuse.  Le jeune canadien Ed Glass-Donnelly emprunte donc un chemin périlleux : petite ville rurale d'Ontario, une femme retrouvée nue et assassinée, un policier envoyé par la province pour assister le duo d'officiers locaux. Le tout agrémenté d'une histoire de rédemption, le flic un peu violent qui s'est récemment converti à la religion. Tout y est, rien ne manque pour un petit polar rural ; mais que pourra-t-on retenir ?

Dès les premiers écrans, l'oeil est accroché par la beauté des images. Les petits éléments narratifs se mettent en place, mais l'attention reste surtout en éveil face à ces superbes cadres, une photo léchée, à la fois lumineuse mais blafarde, un arrière-goût de ciel gris et de boue, un sens de l'espace ajusté. La réalisation est soignée, un soin pas si éloigné d'ailleurs de celui apporté aux images du plutôt superficiel Daydream Nation. Un autre exemple de film indépendant pour maniaque de l'image, bien réglé, assurément tourné en numérique, et la campagne d'Ontario résonne superbe à l'écran, assez fascinante.

Mais le soin maniaque de la réalisation atteint quelques sommets saisissant par l'apparition de la musique, clouant le spectateur dans son siège. Des voix envahissent tout l'espace, une sorte de choeur gospel où flotte également la voix rauque d'un chanteur blues / country, mélopées saccadées ; offrant une atmosphère multiple, des échos de campagne nord américaine, les chants d'une foi mélancolique, un élan pieux mêlant nouveau et ancien testaments, appel à la rédemption christique mais aussi reconnaissance de la violence humaine, du meurtre. Le film se fait vidéo musical, montage de séquence courtes, clip de chanson où la lumière des plans se double de travellings réglés, de mouvements joliment tissés. L'effet est très fort. 

Voici le poids d'une légende locale, la matière de plusieurs articles du journal local, les histoires que raconteront les anciens dans trente ans, quand on fera vivre encore le souvenir du meurtre, "du" meurtre de la ville. Le poids d'une sorte de tradition orale, ce qui construit doucement l'identité d'une région. Voilà de quoi expliquer un peu l'intérêt porté à ce meurtre précisément, dans cette petite ville.

Car il faut bien être honnête, l'enquête ne réserve pas vraiment de rebondissements. Un témoin, un unique suspect, une paire d'interrogatoires, un seul détail pour dénouer le tout ou presque ; un dira poliment que la trame est minimaliste. L'enquête est assez décevante en soi, presque étriquée, et la durée du film donne envie d'en voir plus : 75 minutes à peine !

Glass-Donnelly a définitivement pris le parti de garder un intrigue simple, dont l'absence de rebondissements est presque caricaturale. Comme s'il semblait dire : il fallait un prétexte, mais laissez-moi filmer, laissez-moi assembler la musique, choisir les comédiens, les visages marquants, laissez-moi montrer. Car si la trame policière est assez anodine, si l'histoire de rédemption elle-même manque un peu d'envergure, il reste le souvenir de visages, de voix, de paysages ; groupe de paysans germanophones, cette grand-mère aux rides sublimes offrant le thé et montrant un ours en tricot, les commentaires d'une commère sirotant un café au lait dans le dinner du coin. Oui, on aimerait recevoir un peu plus de ce film, un peu plus d'histoire, mais on reçoit déjà de beaux moments d'humanité, la captation de la vie d'une petite ville d'Ontario, loin, perdue. 

Il n'est souvent pas besoin de grand chose pour justifier une envie de cinéma : l'envie de filmer certaines personnes et certains endroits.






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22 mai 2011

Capital Slam Finals: teaser video - on the road to the Ottawa Slam Championship...

Capital Slam Finals are coming soon: the Ottawa slam champion will be known on June 10th!

I have already published some pictures of the 8 finalists in a previous post, pictures shot during the semi-finals. I have published videos of the semi-finals performances by Rusty Priske and Sean O'Gorman. The idea of mixing the two approaches was rather obvious: assembling video clips from the 8 finalists in order to offer some teaser for the finals...

I had videos for 3 of the Capital Slam finalists. But thanks to Rusty, I was able to get into contact with Greg Boyd and Ragaeed who had shot other semi-finals performances. Perfect complement to get a taste of the competition to come. Thanks to them to make their videos available!

Don't miss the finals. In addition to the tough competition surrounding the Ottawa slam championship, the night will provide the 5 new members of the Capital Slam team...

CAPITAL SLAM FINALS
FRIDAY, June 10th, 6:30PM
Alumni Auditorium - University of Ottawa





If you want to check videos of full performances from Capital Slam semi-finals, check Greg's and Ragaeeb's Youtube channels...

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21 mai 2011

Alsatian Darn, Panda Bear recipes in 4 minutes of simple depth & space

Alsatian Darn
     by Panda Bear (2011)

Panda Bear, une longue histoire d'amour, un coup de foudre début 2007 par l'immense Bros, morceau de 12 minutes à samples, à étages, à couches, à échos - une chanson monde comme il y a des livres mondes, une oeuvre multiple dont les écoutes n'épuisent pas l'épaisseur, la capacité de renouvellement et de fraîcheur. J'en parlais le 31 décembre 2007 ici, et le texte n'a pas trop mal vieilli, même s'il ne pouvait prévoir que ma fascination pour Bros serait intacte début 2011...

La sortie de Tomboy était donc un événement : un nouvel album de Panda Bear !

Le précédent, Person Pitch, offrait généreusement 7 titres, dont 2 durait près de 12 minutes. Dans Tomboy, il y a 11 titres, dont 2 seulement dépassent les 5 minutes - et sans aller plus loin que 7 minutes. Un album pop de Panda Bear ?

Pas vraiment, d'autant que la musique de l'ami Panda est à diffusion lente, se laisse doucement apprivoiser, avec gentillesse, mais avec patience. Un album doux au flot léger et frais, avec toujours cette voix à la fois nimbée d'écho et à la belle clarté, avec toujours cette limpidité des sons, ces petites rythmiques répétées encore et encore avec d'infimes variations. C'est beau, c'est agréable, c'est un bel album à écouter un matin de week-end, ou un soir dans la lumière tamisée d'un canapé, ou pour une promenade aux pas paresseux entre le vert printanier des bourgeons ; un album pour rêveries paisibles, où l'esprit se laisse guider par les ondes pour inventer ses propres paroles ou tisser ses propres images.

J'ai déjà écouté Tomboy plus d'une douzaine de fois ; je garde toujours cette double impression, accueil agréable, poli, engageant, mais aussi ce léger sentiment d'insaisissable, de perpétuel dépaysement ; marcher sur une toile vaguement distendue, léger sentiment d'ivresse. Une petite perte de repères, dans le bon sens du terme, la liberté offerte chaque fois, jamais vraiment épuisée par la répétition. Preuve d'une certaine richesse de la musique ; ou d'un amour certain de ma part pour cette musique - donc d'une richesse que j'y trouve, ou que j'y crois trouver ; une musique aidant à l'invention. Laissant toujours la porte ouverte, et les fenêtre également pour quelques courants d'air dans les rideaux.

Et voici maintenant une vidéo pour le titre Alsatian Darn, un de mes préférés de l'album, un qui me reste en mémoire au milieu de cette grande homogénéité.
Bon, la vidéo est d'un minimalisme basique assez frustrant, à la limite de l'onde d'accompagnement Winamp. Oui, c'est abstrait, des motifs répétés distordus par de sortes de vagues ; ce n'est pas très subtile et répète en gros traits "voici une musique abstraite et sensuelle, voyez comme je la représente !". Il y a bien quelques petites variations, un côté bricolé et basse définition plutôt attachant ; mais cela semblerait un peu bâclé par comparaison à la musique elle-même.

Alsatian Darn, c'est un petit précipité de Panda Bear, les rythmes entrant sur la pointe des pieds, une guitare répété, un son assez organique, jamais froid, et la voix qui murmure à l'oreille tout en restant dans une distance d'écho ; l'effet proximité / intimité / volume typique sur Tomboy. Le fil se construit, puis se distent ici, là, à droite ou gauche, rendant muet une composante pour accentuer l'autre, un jeu discret et fluide, comme des amorces de ponts. Jusqu'aux 3 minutes où Panda Bear commence à jouer avec l'expression Say What, le mot Say modulé en boule de caoutchouc souple, propice aux accents placés en différents points ; un petit climax, ces Say distendues résonnent souvent à mon oreille, un motif marquant, frappant, touchant. Et une fin de morceau lentement refermée, laissant un peu d'air et d'espace à la musique sans parole, comme on reprend son souffle, on détourne le regard pour profiter de l'instant juste une poignée de seconde, une conclusion de morceau propre et en pente douce.

Même si la vidéo n'est que basique, elle donne un bon prétexte - si besoin était - pour commencer à parler un peu de Tomboy...

15 mai 2011

Capital Slam semi-finals, more than only 8 poets

I's been a week now since Capital Slam semi-finals and I've already shown pictures of the 8 future finalists as well of the organizers. But other poets performed that night, starting with the 4 other semi-finalists: Vanessa Baker, Brad Morden, Grace Defined and Danielle K.L. Gregoire. And other poets shared their texts too, before the competition or after it: Sarah Mussa, Kimbit, OpenSecret and Chris Tse.

I don't have pictures for all of them, some of my pictures are not really good... But they are OK for sharing and remembering some moments of the night...

Vanessa Baker


Brad Morden


Grace Defined


 Kimbit


OpenSecret


Chris Tse

May, 7th, 2011 - Capital Slam semi-finals - Alumni Auditorium of the University of Ottawa
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14 mai 2011

Sean O'Gorman in video at Capital Slam Semi-finals

"Unpaid Wages" by Sean O'Gorman
     Capital Slam semi-finals - May, 7th, 2011 - Alumni Auditorium, University of Ottawa

I keep exploring the pictures and videos that I took during Capital Slam semi-finals last week. Obviously, some are not good enough to be shared, but some are surprisingly decent - as an pure amator photographer, I take the blame for the bad acquisitions, and I acknowledge the quality of my camera for the good ones...

But I am really happy with some videos, for instance the first minute of the first poem by Sean O'Gorman, entitled "Unpaid Wages". Sean is one of the people in charge of Urban Legends, the slam series taking part at Carleton University; a great poet, with interesting texts, nice rhythms, with a soft but deep way of performing. 
Sean finished 7th of the semi-finals and will take part in the finals on June, 10th.

Capital Slam semi-finals, don't forget the organizers


3 - 2 - 1 - Raise It!

That's the tradition at Capital Slam: fist up, countdown, 3-2-1, and the audience shouts "Raise It", giving support to the poet who is just about to perform.

That's part of the atmosphere a Slam night, part of the interaction between the audience and the poetry on stage. That's the power of live performance, the little specificity of live poetry, of spoken word, compared to the book of poetry you can sip slowly sitting on the grass. That's the power of slam and all the little details that keep the night alive in addition to the poetic juice that is delivered.

So just a couple of pictures as an overview of some details from the Semi-finals of Capital Slam.
Because a slam night, it's also the host for the night, Nathanaël Larochette in this case, introducing poets and gathering the scores from the audience. That's an official, doing the maths from the gathered scores, keeping an eye on the time since each poet is only allowed 3 minutes; Ruthanne Edward is perfect for the job, long-time slam organizer with Rusty Priske. That's also a DJ who provides musical atmosphere, a string of beats and tunes to keep the party going in all situations, and DJ Cosmo offered some nice musical moments last week.

Capital Slam, it's a team - a group of poets but also a team of organizers...

Nathanaël Larochette (host) - Rusty Priske & Ruthanne Edwards (organizers)
Before the start of the slam...

Nathanaël Larochette & DJ Cosmo

May, 7th, 2011 - Capital Slam Semi-finals - Alumni Auditorium of the University of Ottawa
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10 mai 2011

Captial Slam Semi-finals: photo set of the 8 finalists

As alrady presented in a previous post, Capital Slam semi-finals took place last Saturday (May, 7th). A great competition with 12 intense contenders - leading to 8 finalists. Here is a small photo set for the 8 chosen ones in order to start preparing the June 10th finals (with the semi-final scores).

1. LOH EL (57.4) 2. SENSE-SAY (57.3)
3. BRUCE NARBAITZ (56.6) 4. MACK CANNON (56.0)

5. PRUFROCK (56.0) 6. ELLE-P (55.8)

7. SEAN O'GORMAN (55.7) 8. RUSTY PRISKE (55.4)

I also have pictures for the 4 semi-finalist-but-non-finalists. I will include them in another blog post. But I don't want the 'other four' to think I despise non-winners: the competition was close last Saturday, so congratulations to Vanessa Baker, Danielle K.L. Gregoire, Grace Defined and Bruce Morden. Pictures will come soon for you too! 
I will also include some video clips of the poetry performances from the semi-finales. But this will need more editing and I'm not that used to video editing yet...

Here are larger pictures of the 8 finalists... Ranks matter since the scores from the semi-finals are kept and will be be added up to scores from the finals - hence semi-finals are crucial for the title, or even being in the top 5 to make it to the Capital Slam team...

1. LOH EL


2. SENSE-SAY


3. BRUCE NARBAITZ


4. MACK CANNON


5. PRUFROCK


6. ELLE-P


7. SEAN O'GORMAN


8. RUSTY PRISKE

All pictures taken during Capital Slam semi-finals
May, 7th, 2011 - Alumni Auditorium - University of Ottawa
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8 mai 2011

Rusty Priske at the Capital Slam semi-finales in Ottawa



'Darwin's Theory of Revolution'
      performed by Rusty Priske at Ottawa Capital Slam semi-finales, on May, 7th, 2011 

Slam, for performed spoken word, poetry pushed alive on stage, sharing its intensity & depth in front of an audience, the power of its living words.

Slam, for poetry gathered in small competition. Open to anybody, any voice, any message - but in a competition. With rules, 3-minute time granted to offer style & meaning & much more; juges given marks; marks leading to winner for each night, leading to a year-long ranking, leading to a champion.
And since we are in North-America, championships are divided into regular seasons and play-offs, or sort of play-offs.

The semi-finales of Capital Slam took place last Saturday night at the Alumni Auditorium of the University of Ottawa. The 12 best poets of the year, performing 2 poems in front of a crowd of 200 people including 5 judges. Yeah, this is art, this is sport, this is art & poetry sport, man - and sport with goals, not sport for pure beauty of art (not only). The 8 best seni-finalists are qualified for the final, the 5 best finalists are selected in the Capital Slam team for the Canadian championship...

Do I need to remind you that the Capital Slam Team is the 2-time defending Canadian Champion? That Open Secret from Capital Slam just won the Canadian individual tittle? That Ian Keteku from Capital Slam won the World Title?...
This is sport, this is city-size competition, and much more: this is a competition showing maybe some of the best slamers on the great circus of performing poetry...

The night was intense, sure, no suprise. It was impressive to see faces and hear voices previously heard in much smaller conditions. The stage of the Mercury Lounge feels small & friendly compared to the Alumni Auditorium, and the crowd definitely pushes performers, adds intensity to words already born intense and vivid. Great energy exchange: this might be one of the basic definition of poetry for me, and I certainly received my share of energy & intensity yesterday.

Apart from the words themselves, that's really this intensity that struck me, and quickly made me eager to build portraits of the poets. Intense poem associated to intense poeple brings intense characters, wonderful pictures and flows on stage. It would be fascinating to draw such performers - but I stopped being good at drawing at the age of 11. I could try to write some portraits - could be an interesting exercice.
But I started with a more basic approach to portraits, a more instantaneous. I played with my new camera friend. Took some pictures, shot some videos, from my row in the middle of the audience.

Obviously, the quality is often poors (could you please stand still for a while, poets) But there might be some interesting pictures to share once I get rid of the bad ones... Which might take a couple of days...

But we can start with this video clip from Rusty Priske performace. This is its second poem of the night, entitled 'The Darwins Theory of Revolution'. Intense, I suppose you've understood my focus now - but also beautifully crafted and playing with sounds.

More videos and pictures to come next week!

You can check the names of the 8 finalists here. The final will take place on Firday June, 10th at the Alumni Auditorium of the University of Ottawa.


7 mai 2011

Daydream Nation, le bal des occasions manquées

Daydream Nation 
 by Michael Goldbach, with Kate Dennings, Reece Thompson, Josh Lucas and Andie McDowell (2011)

Une petite ville perdue aux Etats-Unis, tellement perdue que les ado du lycée se perdent dans les drogues les plus improbables pour tromper l'ennui. Caroline s'en est vite rendu compte à son arrivée dans l'établissement à la rentrée : le même malaise, la même atmosphère rance que dans tout établissement nord-américain, microcosme aux petits clans et aux petites rumeurs. Tellement stimulant pour Caroline, d'autant que l'ambiance de la ville est plombée par quelques assassinats de jeunes filles... Alors autant fumer un peu avec les jeunes les plus drogués, autant draguer le professeur de lettre qui est plutôt mignon...

Daydream Nation, première réalisation de Michael Goldbach, appartient à la grande catégorie des films de lycée américains, leur petit microcosme, les premières coucheries, la drogue. Sous-famille "cinéma indépendant", façon festival de Sundance ; les films d'ado à Sundance, c'est certainement l'un des genres les plus codifiés de ces dernières années, un territoire amusant où l'indépendance se fait grille remplie de cases à cocher : un ado malin n'ayant pas sa langue dans sa poche ? un ado un peu empoté pour contre-balancer ? une petite communauté un peu perdue, sans espoir ? quelques grammes de famille bourgeoise de banlieue ? une voix off pour raconter la trame avec humour et sarcasme ? de la musique indie cool, de préférence folk ?
Avec un peu de chance, le petit film à petit budget peut devenir un succès, drainant un gros public - c'est la recette Juno ou (500) Days of Summer, voire Superbad, même si ce dernier est un peu moins formaté. Cela peut donner quelques grands films comme Brick, quelques films pas désagréables comme Easy A ou Youth in Revolt, ou quelques belles purges comme Nick & Norah's infinite playlist. J'ai déjà évoqué ces idées ailleurs sur ce blog, j'espère ne pas trop radoter...

Le tout est de proposer un petit angle supplémentaire à la recette, un peu plus d'humour ou de folie, un angle légèrement différent - une personnalité, une motivation au projet ! Une raison pour faire ce film, une raison pour aller le voir et s'en souvenir, tout simplement.

Et ce Daydream Nation commence plutôt bien. Biens sûr, il y a la voix off prévisible de l'adolescente maligne et désabusée. Mais les plans s'enchaînent de manière élégante, une photographie recherchée, une ambiance bien dosée : voici un film qui louche vers les ambiances de David Lynch plutôt que la caméra tremblée cheap de Juno. C'est déjà un bon début, une preuve de recherche, de soin. Tout cela laisse flotter un arrière-goût de Lost Highway, jeune fille assassinée, white trash à sniffers de glue. Quelques idées sont prometteuses, tel un incendie industriel dont la fumée n'est pas éteinte pendant des mois.

Hélas... Hélas...

Hélas, l'histoire s'écoule bien maladroite. La jolie Caroline séduit le professeur, choisit un ado empoté comme couverture... Le professeur est finalement un peu fou, l'empoté finalement assez doux... Devinez où tout cela va-t-il mener ?

Alors oui, le scénario multiplie les petites scènes accessoires, les petits personnages secondaires - difficile de qualifier cela autrement que petit. Une certaine richesse, une certaine variété, certes, mais jamais approfondi, toujours laissée de côté après quelques minutes, des idées traitées superficiellement. Un jeune devenu paranoïaque après excès de drogues : 2 minutes, rien de plus. Un fête tournant en destruction de mobilier : quelques images arty et floues, rien de plus, aucun vrai déchaînement punk. Parents divorcés ou veufs qui flirtent un peu : 2 scènes, puis disparition des radars... Rien ne doit vraiment écarter la route du triangle amoureux, Caroline, professeur et ado à mèche (au look de l'artiste Panda Bear) ; interactions à plusieurs branches bien superficielles elles-mêmes : mince que reste-t-il au final ?

Le spectateur cherche son plaisir dans la qualité visuelle, le réglage des plans. Mais contrairement à au modèle Lynch ou même au fétichisme film noir de Brick, rien ne surgit du soin apporté aux ambiances sombres. Une beauté creuse, sans vrai malaise, juste un catalogue bien agencé. Les petits agacements surviennent peu à peu, pseudo-scènes de cul filmées floues et de manière identique, à 3 ou 4 reprises dans le film, dialogues un peu trop malins sans jamais créer d'empathie, manque général d'humour malgré l'envie de se montrer malin et spirituel... La petite satyre de l'écrivain raté, tellement prévisible... La construction en chapitres ou en scènes titrées, lorgnant vers la littérature, mais dont la recherche narrative rappelle finalement une application un peu scolaire des cours de Creative Writing...

Au final, le film est joliment filmé, plutôt bien joué, mais extrêmement mal dosé. Un dosage vers la sécurité : focalisons-nous sur l'histoire d'amour, saupoudrons de quelques idées un peu plus biscornues, mais jamais trop. Un dosage pour un succès publique, un dosage assez conventionnel. Un dosage qui joue l'allusion sur les aspects les plus sombres, pour induire un arrière-plan - mais au final laisse surtout un goût d'inachevé. Un dosage que l'on peut espérer prometteur pour les prochains films de Goldbach ; un dosage où l'on peut regretter toutes les pistes inexplorées.

Bon sang, quelle idée que ces passants portant des masques à gaz par crainte de la fumée industrielle, en plein milieu d'une petite ville ! Il y avait tellement mieux à en faire !


21 avril 2011

Jaloux, prometteur film québécois, dont la grâce disparaît peu à peu

Jaloux 
film de Patrick Demers, avec Maxime Denommée, Sophie Cadieux, Benoît Gouin (2011)

Rangement d'appartement d'un lendemain de fête. Le jeune couple se dispute un peu. Marianne a tout de même un peu fait la folle la veille au soir - mais elle a bien le droit de s'amuser un peu, non, et Thomas n'a pas grand chose à y dire. Quelques phrases volent, on connaît cela.

Bientôt, Thomas rêve dans la rue. Où va ce couple ?
Un petit week-end dans un chalet ne pourra pas faire de mal, quelques jours au grand air. Les activités, rompre le rythme, et il est trop bête de ne jamais avoir profité de l'offre de l'oncle Michel... Un si beau chalet au bord d'un lac... Il suffira de prévenir l'oncle et de récupérer les clés chez le voisin...

Un jeune couple qui se cherche et une maison de vacance loin, loin pour le week-end : oui, voici un petit drame psychologique à la québécoise, où le chalet au bord du lac joue le rôle de la maison de campagne qu'on emprunte. Il y a bien sûr un voisin un peu mystérieux pour aviver les tensions, il y a aussi un incident qui cloue le couple dans la maison, sans possibilité de sortie ; il y a une première nuit mystérieuse où l'alcool va troubler les souvenirs ; il y a de petits musiques classiques pour surligner doucement l'ambiance inquiétante. C'est une sorte de "Harry un ami qui vous veut du bien" en mode canadien, chalet et canoë.

Le cinéma d'auteur québécois n'est pas très différent du cinéma d'auteur français, surtout pour un jeune auteur comme Patrick Demers, dont c'est ici le premier film.

Mais si les effets transparaissent assez clairement, laissant l'impression de voire les coutures, force est de reconnaître que la première moitié du film fonctionne bien. Les scènes courtes s'enchaînent de manière rythmée, un petit jeu de flash back se met en place, l'inquiétant et mystérieux voisin est en effet agréablement mystérieux et inquiétant. Pas de problème, on se prend au jeu, et la maîtrise technique supporte bien le mouvement du film : en plus de flash backs bien dosés, de nombreux plans contemplatifs s'intercalent, plans de lacs ou gros plans sur une fleur, particulièrement bien captés. Les prises de vues sont majoritairement effectuées en focales courtes, très faibles profondeur de champs, et les images jouent souvent des effets de flous, une fleur nette perdue dans un contexte flou, des visages aux nettetés hétérogènes - l'étrangeté s'installe, les interrogations.

On sent donc poindre la jolie surprise, le petit film bien construit, un petit trésor qu'on se réjouira à citer : "Jaloux, quelle belle petite surprise québécoise."

Hélas, le joli dosage se déstabilise doucement au fur et à mesure que le film avance. Le film déroule son système avec trop d'application. Si les plans de nature restent beaux, vaguement dérangeants ou envoûtants, les flash backs se font trop systématiques, trop explicatifs, trop insistants sur la grande première nuit, sur les recherches concernant le voisin. Trop de logique dans cette histoire d'étrangeté, et l'espace d'imagination du spectateur se restreint, et l'ampleur de l'intrigue se révèle finalement assez limitée : "ah, le voisin mystérieux, c'était juste ça... Et ça va juste conduire à ça..." L'insistance à expliquer se fait agaçante, étriquée, d'autant que certaines autres scènes semblent plus maladroites, moins justifiées dans le scénario : l'équilibre ténu s'est perdu, il ne reste plus grand chose, la part d'inquiétude latente, de doute qui subsiste se trouve écrasée sous les petites explications.

Une forêt mystérieuse, superbement filmée, pour au final recevoir une histoire assez unidimensionnelle. C'est un peu dommage, peut-être lié au fait que quatre personnes soient créditées au scénario : trop d'idées, trop de brainstorming, conduisant à la perte de l'élan, du fil ténu ? Difficile de savoir, mais il serait passionnant de voir Patrick Demers appliquer ses talents de filmeurs à une histoire moins prévisible. 


9 avril 2011

Matters débute au Mavericks d'Ottawa avec PS I Love You

Matters  +  PS I Love You 
Concert at Mavericks, Ottawa - April, 6th, 2011

Il y a 10 jours, j'avais évoqué Diamond Rings, projet solo de John O'Regan. Sa métamorphose glam, ancien chanteur des post-punk D'Ubervilles devenu une sorte de Bowie glam, homme-orchestre portant le collant zèbres et le maquillage. Quelques jours plus tard, les D'Ubervilles annonçaient leur retour sur les routes, sous le nouveau patronyme de Matters. Avec un concert prévu aussitôt à Ottawa, dans le cadre d'une petite tournée canadienne de 4 dates avec le duo PS I Love You. Quelle chance !

J'étais donc curieux de découvrir ces nouveaux Matters, curiosité renforcée par ce contexte de "métamorphose inverse", un Diamond Rings débarrassé de ses accessoires et maquillage, jouant une musique certainement plus rock, moins synthétique. Curiosité facile à assouvir dans le Mavericks d'Ottawa, petite salle punk où les artistes traverse le public pour aller tranquillement installer leurs instruments. Voici donc John O'Regan à la ville, longue silhouette portant banal jean slim noir et blouson de cuir, larges lunettes à montures épaisses façon Budy Holly, casquette de baseball des Toronto Blue Jay. Un simple indie-rock kid sans fantaisie, et ses 3 compagnons de Matters sont tout aussi modestes visuellement, presque insaisissables dans leur uniforme jean and T-shirt uni. Le groupe est là pour jouer du rock, sans chichi.

Un rock carré, intense, à la rythmique précise, énergique, un indie rock bien impliqué. On sent bien l'influence post-punk, le rock fin 70s - début 80s, mais sans les accents dance punk qu'on peut associer maintenant au terme post-punk pour des groupes comme LCD Soundsystem ou !!!, sans le côté 'disco not disco'. Plus proche de ces albums du tout juste après punk, où la new wave se cherche encore, comme sur Crocodiles de Echo & the Bunnymen. Aiguisé, efficace, mais sans trop de formule, une recherche d'intensité et d'efficacité, où surgissent de jolies variations, des relances des sursauts. Les morceaux commencent souvent sur une mélodie simple et carré, un élan concis de rythmique et guitares, mais les chansons prennent souvent la tangente, des explosions instrumentales de quelques minutes où les guitares se font plus bruyantes, plus libérées. Quelques synthétiseurs surgissent aussi parfois, promettant une belle variété pour de futures disques.

Variété dans laquelle il sera intéressant de suivre les échos du glam de Diamond Rings. John O'Regan offre une belle prestation, dont le charisme s'est peu à peu libéré. Leader / chanteur impliqué, lançant les morceaux, au chant tonique, il mène sérieusement le groupe dans ses premiers morceaux, parfaite tête de pont indie rock. Mais sa présence se détend au grès des morceaux, ses mouvements se font plus habités dans les solo ou dans les reprises du chant après un passage instrumental, sa tête dodeline plus intensément, jusqu'à faire glisser la casquette Blue Jay, laissant apparaître la coup mi-rasée mi-longues mèches peroxydées de l'alter ego Diamond Rings. Son investissement dans la musique augmente encore d'un cran sur le single Get In or Get Out en fin de set. Libéré de sa guitare, expédiant les notes de clavier initiales, John O'Regan saute devant la scène, au milieu du public peu nombreux, se lance dans quelques pas de danse de ses longues jambes fines...

Beaucoup de promesses dans ce set d'une trentaine de minutes. L'enregistrement du premier album de Matters ne devrait pas tarder à commencer, pour une sortie possible à l'automne.

La prestation de Matters fut intense et prometteuse, mais il ne faut pas oublier qu'ils n'étaient pas les têtes d'affiche de la soirée. Le groupe principale n'était autre que PS I Love You, duo de Toronto apparemment ami de John O'Regan : Diamond Rings a ainsi chanté sur un titre de PS I Love You et a déjà tourné en leur compagnie. Il faudrait certainement plus de place pour présenter au mieux ce duo atypique, à la musique riche. Je me contenterai donc de quelques idées avant plus de détails dans le futur.

Mais il me faut au moins décrire l'impression laissée par le chanteur Paul Saulnier. Petite boule de 1,60 m  et certainement 160 kg, il promène son physique obèse sous une généreuse barbe rouse et de longues mèches maintenu par un bandeau de tennis rouge. Son installation de la scène laisse d'abord perplexe, figure maladroite qui peut à peine se baisser pour installer sa vingtaine de pédales d'effets. Mais sa dextérité musicale éclate vite au grand jour dès les premiers morceaux, des chansons assez courtes extrêmement saturées, terriblement bruyantes dans leur guitare. Son acolyte mène une batterie rugueuse mais riche, et l'on découvre un nouveau duo rock fascinant : comme des White Stripes qui auraient écouté Pavement ou Dinosaur Jr plutôt que rejouer le heavy blues de Led Zeppelin. Un duo noise un peu comme les Japandroid de l'ouest canadien, mais PS I Love You est beaucoup plus varié, plus riche dans ses musiques et son utilisation de la saturation, plus brillant dans son indie rock. Une richesse qu'il sera bon d'explorer un peu plus que par les 35 minutes du concert de mercredi dernier.

Mais une bien jolie soirée avec ces deux groupes d'Ontario !







Matters


PS I Love You






Bonus: Crocodiles by Echo and the Bunnymen (live from early 80s)

2 avril 2011

Un bon gros single de Big Beat : retro, mais hé, bien dansant

Ya Mama - by Fatboy Slim (2000)

Petite interrogation personnelle : à partir de quand une musique pop sonne-t-elle rétro ?

Par exemple, à quelle moment durant les années 80 la pop au synthétiseur est-elle devenue ringarde, datée, avant de faire un come back à la fin des années 90 ? Ou, posé autrement, et pour mon expérience personnelle : quand aura-t-on vraiment l'impression d'avoir des soirées rétro en écoutant des tubes des années 90 ? 
L'interrogation m'était venue sur quelques dance floors de mariage, où se succédaient des morceaux commerciaux des années 80, fun mais fortement datés. Les tubes de mes années lycées sonnaient-ils déjà datés ?

J'imagine que l'effet est plus marquant si l'on plonge dans des genres relativement définis et reconnaissables. Ce qui permet de songer à un bon candidat pour genre rétro des années 90, en particulier pour les soirées de mariage des années à venir : le Big Beat. Courant techno de la moitié des années 90, porté par quelques gros tubes, indéniablement fun - un très, très bon candidat par conséquent.

Le Big Beat, je n'y ai eu affaire qu'assez tard durant l'histoire du genre - premières soirées du collège où surgissaient les Prodigy, mais surtout la bande son tapageuse de Matrix en 1999. Le Big Beat avait la côte et touchait même les petits jeunes pas vraiment intéressés par la musique (mes révélations musicales datent d'un peu plus tard). Un son fun mais assez bourrin, prévisible, parfait pour porter les scènes spectaculaire d'un Matrix ou d'autres films d'actions se voulant contemporains. Rien de passionnant, mais un bon petit membre de l'inconscient pop collectif.

Mais il y a une demi-douzaine d'années, je suis tombée sur un blog intéressant, qui décrivait schématiquement l'historique du Big Beat. Je ne retrouve pas le lien, mais la trajectoire était belle. Genre prenant essor à partir de remix rapides de hip hop au début des années 90, tel ce titre de Bomb the Bass, Bug Powder Bust : rap énergique et punchy devenant instrumental étiré et psychédélique sous la patte des Chemical Brothers (alors Dust Brothers...) Tout un mélange de rythme, de sources et d'idées, étirées, bidouillés, avec quelques objectifs clairs : du rythme tonique, du fun, de la danse. Le genre grandit, gagne le public séduit par certains morceaux utilisant des guitares répétitives. Et très vite, le Big Beat devient mécanique et parodie paresseuse... Tout juste bon pour les bandes son de film d'action et de jeux vidéo...

Le site datait la fin de l'âge d'or du Big Beat à 1998. A peu près à la sortie de l'album You've Come a Long Way, Baby, l'album de Fatboy Slim au succès immense. C'est à peu près l'époque où le Big Beat m'a touché par le gros de sa vague commercial ; pas étonnant que le genre me soit apparu prévisible et presque monolithique... Déchéance que reconnaît tout à fait Damien Harris, patron du label Skint Records, où sortait les disques du Fatboy : "The sound became, and indeed remains, the compulsory soundtrack for action movie trailers and lost any sense of a cutting edge."

La trajectoire n'est pas surprenante, classique schéma façon "Vie et mort d'un genre pop". Mais comme tout genre pop, la partie immergée de l'iceberg reste à explorer, et il y aura certainement quelques trésors cachés à découvrir pour le novice peu éclairé (comme moi : non, je ne connais rien au Big Beat hormis une demi douzaine de titres).

Mais quoiqu'il arrive, malgré leurs accents faciles, les gros tubes Big Beat restent d'exquises invitations à la danse folle. Parfaitement illustrée par cette vidéo de Fatboy Slim, Ya Mama de 2000. Non, ce n'est pas du Big Beat de l'âge d'or, et oui, c'est assez prévisible. Mais cela correspond bien à notre point de départ, une petite madeleine sans prétention, aux accents vaguement rétro de "ouais, ça sonne vraiment 90s". Et cela rappelle le credo découvert sur le vieux blog comptant l'histoire du Big Beat : "passez un bon disque de Big Beat dans une soiée quelconque, et si les gens ne dansent pas, cassez-vous : rien ne pourra vraiment les faire danser ce soir".



Fatboy Slim - Ya Mama par jenemba




Bug Powder Dust by Bomb the Bass
album version above
Chemical Brothers remix below




30 mars 2011

Diamond Rings en ballade douce amère dans la nuit

It's not my party - by Diamond Rings (2011)

Février 2010, le théâtre d'Outremont accueille Owen Pallett pour un joli concert à Montréal. Les demeures bourgeoises d'Outremont sont entourées de neige, petits restaux agréables dans la rue où je déguste une soupe à l'oignon avec un kir : la soirée s'annonce douce et touchante avec le violoniste et ses chansons à tiroirs.

Mais la première partie s'ouvre surprenante sur une longue brindille insoupçonnée. Comme Pallett, un artiste solo, lançant les beats sur sa petite machine, puis pianotant sur le synthétiseur ou plaquant des accords sur sa guitare, des assemblages vaguement indie, assurément pop. La musique flotte agréable et détendue, rigolote, mais c'est l'aspect de ce personnage qui capte l'imagination. Immense silhouette longiligne et colorée, baskets vintage aux teintes violettes, collant zèbre sur ses baguettes de jambes, blouson en jean cintré, coupe peroxydée et maquillage mauve mi-Bowie, mi-années 80. Voilant une saisissante figure glam à l'humour intense, à la présence modeste, un personnage, une vision.

Je ne connaissais rien de Diamond Rings avant cette apparition. Pourtant, le personnage faisait le buzz depuis quelques mois dans le milieu indie. Et une histoire pas banale...

A l'été 2008, John O'Regan se retrouve à l'hôpital. Il est chanteur du groupe The D'Ubervilles, groupe post-punk de la scène de Montréal. Le séjour traîne un peu, le moral est bas, John O'Reagan se met à travailler sur des chansons à l'hôpital, avec les contraintes liées à ce cadre. Un véritable projet solo, par la force des choses, dont la teinte s'éloigne peu à peu de l'indie punk des D'Ubervilles. Car c'est en figure glam que John O'Regan sort de l'hôpital, Diamond Ring à la coupe de outrageuse, au maquillage appuyé, aux vêtements fluo sortis d'un magasin d'occasion ou de certains films d'Almodovar.

Une métamorphose assez fascinante, une petite légende indie, insuffisante à expliquer l'enthousiasme du public d'Outremont, ce soir de février 2010. Le public de la première partie s'embrase pour Something Else, tube qui a parcouru les blogs à l'hiver 2009-2010, petite bombe entêtante à l'efficacité imparable, au charme pop indéniable. La puissance du morceau est telle que je l'ai entendu sur une radio commerciale en décembre 2010...

Personnalité intrigante, tube pop pour prendre de l'élan, la trajectoire prend finalement son envol à l'automne 2010, avec la sortie de l'album Special Affections. Album salué par le monde de l'indie nord américain, notation enthousiaste sur Pitchfork, couverture du journal gratuit Exclaim! : un écho porté par la puissance des chansons, loin d'être des copies du tube Something Else, offrant une sensibilité douce, joliment écrite, cristalline, mouvante. Une complexité caché sous des ingrédients dépouillés, très simples, mais un maniement du song-writing assez fascinant...

La nouvelle video pour It's not my Party illustre bien ces différentes facettes. Ballade doucement entêtante, toute simple, aux écorchures discrètes, et la vidéo s'écoule à l'unisson comme une déambulation nocturne et mélancolique. Voir Diamond Rings serrer les manches de son anorak blanc dans la nuit est une image d'une superbe poésie urbaine.