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22 octobre 2010

Shelia, Atlas Sound sweet obsession for love & death - a fall & winter dark hit

Shelia  (Live at the Natural History Museum in Los Angeles, 01/08/2010)
by Atlas Sound (2010)
preview for the Deerhunter concert - October, 28th, 2010 - Wonder Ballroom in Portland, Oregon

J'ai déjà un peu parlé de Deerhunter, de mon impatience à les voir en concert fin octobre, à Portland. Délicatement shoegaze d'après leurs anciens albums, et un dernier album apparemment complexe, riche, dense, fascinant : de belles promesses pour un joli concert, à n'en pas douter.

Mais persistent également de profonds souvenirs des quelques titres d'Atlas Sound, projet solo du chanteur Bradford Cox, entendus l'hiver dernier. Deux, trois titres, pas plus, mais réécoutés, répétés, murmurés encore et encore assis sur un canapé, enveloppé d'un pull, deux paires de chaussettes aux pieds, morceaux chantonnés en marchant doucement vers la cuisine, puis en retournant m'asseoir une assiette à la main. Certainement les deux ou trois morceaux que j'ai le plus écouté vers décembre 2009, par leur profondeur simple et enveloppante, cocon mélancolique et rebondissant, des couvertures dans lesquelles j'aimais à traîner quand le ciel s'éloignait gris et la neige tombait, faisant frissonner mon regard peu habitué au Canada, à l'asphyxie blanche de la nature hivernale.

Deux ou trois chansons très écoutées, dont une plus écoutée encore, fascinante. "Shelia". Une berceuse au lever du lit, un bâillement en sortant les jambes de la couette, trébuchant doucement, hésitation ensommeillée du matin ; hésitation macabre, essoufflée, où va-t-on ? Mais hésitation juste pour prendre son élan, peut-on croire, une petite chanson pop s'élance, déclaration d'amour simple, guillerette ; trois quatre phrases, un prénom féminin, rien de plus, mais il n'y a rien à ajouter en général pour tisser une simple tapisserie pop, surtout quand on peut jouer avec les sonorités du prénom.

Un prénom et des petites déclarations que l'on peut chantonner à mi-voix, souffler sans presque les dire, juste en les pensant, quelques notes parsemées dans le silence de la pièce & de la moquette : les boucles  de musique envoûtantes ne se sont pas éteintes dans l'esprit, pourquoi faudrait-il les chanter également ? Les paroles suffisent, des mots à câlins, pour bercer un bébé délicatement nerveux, pour calmer sa copine au détour d'un petit cauchemar nocturne ; douces mélodies vocales en complément de câlins, serrer fort & tendre. Nous partagerons nos vies ensemble, nous n'aurons pas froid.

Même pas froid dans la mort, car nous mourrons ensemble, bien ensemble.

Voilà la bifurcation terrible de Shelia, berceuse à chantonner encore et encore, chanson douce pour câlin, morceau pop pour s'assurer d'amour éternel ; car rien ne rassure vraiment autant quand il s'agit de penser à la mort. Bradford Cox ne modifie en rien son élan, ses déclarations fidèles, ses boucles de guitare cotonneuses et réconfortantes, et glisse la mort dans la partie, presque sans en avoir l'air, progressivement. Une mort associée à l'amour & au couple, le soutien ultime, le soutien face à la détresse, à la disparition solitaire, le besoin d'une présence forte quand le gouffre approche, un besoin qu'il faut chanter sans fin, de plus en plus vite, laissant paraître plus fort l'obsession. Je ne m'arrêtais jamais pour chanter, berçant toujours, n'interrompant pas le câlin, comptant sur le ton des paroles malgré le désespoir des mots. 
Shelia, berceuse d'espoir malade et désespéré, d'amour fidèle projeté vers la mort, morceau qu'il faut chanter jusqu'au bout aux êtres chers, pour se réchauffer l'un l'autre sur les canapés hivernaux.

Bradford Cox est plutôt familier de la mort, étant atteint d'un syndrome génétique, touché par une certain faiblesse, un doux désespoir. Mais laissant les paroles venir sur ses chansons, ne les sentant vraiment qu'après coup. Ses réflexions sur Shelia sont ainsi passionnantes à lire dans cette interview de Pitchfork (en dessous de la dernière photo...) Chanson d'amour tournée seulement vers le soutien, le besoin d'un autre pour accompagner vers la mort ; une tendresse presque non-amoureuse, détachée, pure affection, sans question de désir, de sexe ; un morceau d'amour parfaitement et purement asexuel. Et dont il a pris conscience de la portée une fois touché par la pneumonie, paniquant durant les moments d'étouffements, l'alitement désagréable et à l'issue lointaine.

Toute cette densité d'émotions apparaît dans cette version live de Shelia, dénichée sur Youtube. Le morceau s'étire plus encore que dans la version studio (7 minutes ici, 3:30 sur le disque), boucles reprises sans fin, voix modulée en écho sur les syllabes du prénom. Quelques éléments posés côte à côte, guitare, deux-trois phrases et un prénom ; obsession épaisse et cotonneuse pour les mélancolies humides & grises.


14 mars 2010

Des pingouins pour évoquer le bruit de Fuck Buttons ?

Surf Solar
by Fuck Buttons (2009)

La lumière émerge du bruit ; flot d'images naissant sous les coups de sons non mélodiques.

Longtemps, la Noise Music m'a fasciné par écrit, sans que j'en écoute vraiment ; un pure plaisir de lecture rock grâce à des critiques de qualité. Quelques descriptions éclairées m'avaient laissé rêveur, parlant de Jesus & Mary Chain comme un mélange des Beach Boys avec du bruit blanc, évoquant le caractère sensuel des couches de larsen de My Bloody Valentine. Je trouvais cet alliage de Noisy Pop prometteur et riche de signification, le goût de chantonner une mélodie claire tout en écoutant les battements fous d'un coeur éperdu et violent. Je songeais à cette musique tissée sur du bruit, j'en écoutais un peu ; j'y rêvais surtout.

Peu à peu, mon oreille a doucement apprivoisé ces assauts, inconsciemment. Je ne m'en suis rendu qu'en Allemagne, lorsque que mon voisin est venu frapper chez moi un samedi matin, agacé. "Vous avez un problème avec votre machine à laver ou quoi ?". "Non, j'écoute juste un live de My Bloody Valentine". Le son était d'une qualité presque abominable mais je me perdais doucement dans ses couches & stridences, petite transe en faisant le ménage du week-end dans cette résidence étudiante trop sale.

Oh, je ne suis pas encore un spécialiste en la matière, je picore doucement les morceaux de bruit qui peuvent me tomber sous la main. Tels ces anglais extrêmes répondant au nom de Fuck Buttons. Rythmique minimale, souvent un unique battement, quelques bruits électroniques fortement saturés, répétés encore et encore, morceaux doucement longs aux variations infimes, progressives, dans lesquels on peut se perdre. A condition de ne pas être effrayé par l'austérité agressive de l'ensemble.

Je cherche toujours comment rendre de telles sensations par d'autres moyens. L'expressionnisme abstrait, façon toiles de Pollock : voilà qui fonctionne. Mais comment entremêler ces sensations par écrits, dans un simple texte ? Voilà un objectif d'écriture sur le long terme, une quête certainement vaine ; mais qui pourra peut-être ouvrir de nouvelles pistes, de nouvelles tentatives stylistiques, qui sait.

Mais les réalisateurs de vidéo n'ont pas totalement résolus la question non plus. Fuck Buttons ? Des pingouins tournant de manière hypnotique dans un aquarium ?


23 janvier 2010

Une jolie miniature touchante

VCR
by The XX (2009)

Vêtus de noir. La voix distante, des voix entremêlées ; timbre éraillé féminin, susurrement pâle, mâle sensible. Les dialogues se nouent doucement, intimes, simples ; touchants. Ne pas dire minimaliste, la facilité du terme, ses sous-entendus de miniatures donc de dérisoire ; mais choisir plutôt infinitésimal, comme dit Jean-Philippe Toussaint, l'infini comme infiniment petit & infiniment grand, entremêlés.

The XX, scénettes sensibles de quatre à peine adultes, quelques accords & quelques beats en petites fables. Fables murmurées entre amis les soirs de moral trébuchant, car les peines se partagent, dans des chambres éclairées d'une veilleuse ou sur un banc un peu sale. De petits griffonnages éparpillés autour du monde, grimpant, grimpant, et touchant tant de jeunes, les miniatures intimes chantées par toute une salle conquise, à Montréal ou ailleurs, assurément.

Les miniatures sont bizarrement devenues maîtresses du monde et hymne des joues blêmes, des cours de récré, des iPod. Parcours étrange, des notes sur l'agenda de sa meilleure amie sont devenues les slogans murmurés sans fin par les affiches et les couvertures mondialisées. Mais filmée en caméra tremblante, N&B ou couleur coulante, la miniature à mi-voix reste magnifiquement mignonne.


15 janvier 2010

La Superbe, toujours magnifique, même dans un hangar

La Superbe
par Benjamin Biolay (2009)

La patine des vieilles industries résonne sombre dans mes oreilles, architecture toujours capable de m'hypnotiser. La friche industrielle, l'écho des vieilles révolutions et d'efforts anciens, un passé s'efface et laisse encore une trace dans quelques rues lointaines, anciens faubourgs souvent accolés aux centres villes par l'extension urbaine. Une sorte de grandeur & démesure résonne, oui, résonne, attirait mes photos lors de mes promenades de la Ruhr et capte encore mon attention, une poésie désuète et encore forte.

Tuyaux et immenses hangars et échafaudages immenses des industries sidérurgiques, fumant et brillant encore dans la nuit, dans le creux de Duisburg, du port de Dunkerque ou dans l'Est de Montréal. Les mêmes images sur le papier contant les enquêtes de William T. Vollmann au Kazakhstant : gigantisme démodée, inévitable, toujours vivant même démodé, oeuvrant toujours derrière l'économie numérique ou les finances.

La rouille zèbre les poutres d'une usine et voici un décor poétique où me perdre, un amas de teintes mortes, sales et surprenantes, loin de toute nature, source de rapprochements. Quel joli collage que de découvrir des prises d'escalade dans les anciennes réserves à charbon : la réhabilitation industrielle en immense mise en scène surréaliste portée sur un ton désinvolte, l'air de rien, un vieil ouvrier blasé.

Un tel décor doit même pouvoir accueillir d'autres oeuvres et d'autres émotions, carrière de métal se faisant scène, comme une carrière de pierre accueille le théâtre et les jolis textes en Avignon. La poésie, la danse et la musique dans les anciennes usines Clacquesin, dans une ancienne factory pour y étendre son pouvoir de fascination, une fois mêlée à une autre source de fascination.

Et voici donc un superbe Benjamin Biolay introduisant sa magnifique chanson dans les murs d'un long hangar. Une vidéo en un unique plan séquence, caméra flottant selon les pas de Biolay et les pas de danse, les étreintes et les boucles visuelles, un fil qui ne se relâche jamais, qui reprend toujours son souffle chaque fois qu'on le croit suspendu et s'arrêtant. A la manière des strophes de "La Superbe", surgissant sans fin et renouvelant les images sur un ton délavé, les jolies surprises, des éclaboussures, des raies de lumières éblouissantes passant par une verrière déglinguée qui a beaucoup vécu.


5 septembre 2009

Du disco abstrait par dessus l'Atlantique

Business acumen
by In Flagranti (2009)

Un duo à distance, un DJ à Brooklyn, son compère en Suisse, ils s'échangent des morceaux de son par Internet, ils constituent le duo In Flagranti. Tissage de longues plages disco instrumentales, quasiment instrumentales, un ou deux riffs sur des coups de cowbell.
Du disco abstrait des années 2000.


8 juin 2009

une sombre densité psychédélique pour les Horrors

Sea within the sea 
by The Horrors (2009) 

The Horrors, groupe NME s'il en est. Couverture en août 2006 soit 6 mois avant la sortie de l'album, articles péremptoires, description des fan et de leurs costumes gothiques, sauveurs du rock cela va sans dire, et pendant ce temps-là, en France ou aux Etats-Unis, les Horrors restent plutôt méconnus. Parfois évoqué pour ce fait de gloire, une vidéo réalisée par le célèbre Chris Cunningham, là aussi avant la sortie du moindre album. Difficile de les imaginer sortant vraiment des îles britanniques malgré leur 1er album apparemment honnête ; ils font la première partie des Artic Monkeys ou des Black Rebel Motorcycle Club, mais que pourront-ils créer à partir de leur mélange punk-gothique frustre ?

D'autant que l'on n'entend plus vraiment parler d'eux après mi-2007 : perdus dans de longues sessions d'enregistrement, le spectre du deuxième album prétentieux et toute la mythologie...

Mais la maturation semble avoir été bénéfique pour leur nouveau Primary Colours. Bien entendu, ils restent un phénomène terriblement anglais : le NME crie au génie, la liste de leurs concerts de l'été ressemble à un long tour de l'Angleterre dans tous ses recoins rocks. Mais les critiques étrangères sont bienveillantes, des toujours anglophiles Inrocks jusqu'aux très américains Pitchfork, et mêmes le fanzine canadien Exclaim!. Les Horrors ont lâché la bride à leurs pulsions psychédiliques sombres, les guitares hurlent toute leur réverb' et crie soudain leur sursaut punk, des claviers étranges papillonnent, et le chant navigue loin, loin, tout au fond de l'écho : noisy, goth, au synthétisme minimale, de jolis morceaux de cold wave encore dynamique. Leur Sea within the sea est ainsi un agréable morceau de bravoure de plus de 7 minutes, rugueux et rigide, droit, cotonneux et nébuleux, souriant bizarrement sur sa tout fin.


5 juin 2009

Une magnifique demi-video dont la fin oublie la tonalité du morceau

Two weeks 
by Grizzly Bear (2009) 

Quatre silhouettes dans une petite église de bois. Quatre garçons bien peignés dans leurs amis du dimanche dérisoires, mèche instable, légèrement grasse sur leurs joues rondes. Une mince mélodie de piano, des choeurs entre en jeu, doux, ce doit être la chorale. Une voix placide se pose lentement et marche à son rythme entre les élans chantant.

La nouvelle vidéo de Grizzly se lance minimale, troublante, une atmosphère provinciale et mince, désuète dans son pull gris et ses pantalons de velours côtelés ; quatre figures étrangement souriante, rayonnante sans que l'on se devine pourquoi si ce n'est le goût du chant, singulièrement lumineuse ; une affiche peinte pour un savon des années où le bébé s'affiche potelé et aux rondeurs trop rouges. Des visages pleins l'écran et un jeu de regard très simple, sourire détendus et radieux mais insidieusement crispants, de doux bonds d'images suivant la tonalité légère du morceau, cristallin et fragile, nuancé, subtile.

Les images défilent en une mince scène déshumanisée, une installation chaleureuse mais distantes, à l'éclat insaisissable, pas vraiment partagé par le spectateur en quête de repère. Un jeu mécanique boisé, ballet d'automates du XVIIème siècle, robots organiques car faits de bois, de cuivre et de cuir ; voilà en quelques secondes une vidéo rappelant le décalage absurde et humaniste des films de Roy Anderson.

Mais la vidéo monte soudain trop vite une marche, convoque lumière intense et auto-inflammation dans une envie de progression mal maîtrisée. Les images veulent évoluer, trop raconter, changer trop vite ; le morceau évolue légèrement sur la fin, peut-être un peu plus mécanique, mais de manière infime, indécelable, deviné après plusieurs écoutes. La vidéo se fait trop démonstrative et perd la musique en route, tente de vivre sa vie et devient creuse : la fin ne fonctionne pas, il me semble, mais les deux premières minutes restent douces et délectables.


3 mai 2009

Petit conte gothique pour quand je serai grande

When I grow up 
by Fever Ray (2009)

Jeune fille debout sur un plongeoir, les cheveux longs tombant dans les yeux.  C'est une piscine de jardin, une maison sans étage certainement mais une grande piscine creusée dans le sol ; un peu sale, des feuilles éparpillées sur l'eau, et le ciel flotte gris, une lumière sombre tout autour. La jeune fille recule sur la plate-forme,  Converse blanches usées, tachées de bruns, lacets gris, elle recule vers l'eau en lui tournant le dos. Un défi enfantin, un jeu de peur, un t'es pas cap silencieux.

D'ailleurs, l'instant n'est pas anodin. Elle songe, tête rentrée dans les épaules et cheveux balayant le visage, elle songe à son avenir : quand je serai grande. Peut-on mieux lancer une chanson ? Une chanson de rêves enfantins, d'imagerie gothique pré-adolescente : quand je serai grande, je vais être garde forestier, courir dans la mousse sur des talons hauts, jeter le boomerang et attendre qu'il revienne.

Karin Dreijer Anderson de Fever Ray tisse un nouveau petit conte, les paroles d'une jeune adolescente songeant à l'avenir, mélange de naïveté et cruauté ; atmosphère renforcée par les vagues synthétiques de la musique, lente et longues mais presque ridicules par certaines sonorités électroniques basiques. On retrouve l'alliance du duo The Knife dont Karin Anderson est la chanteuse, les ambiances étranges et inquiétantes, l'écriture limpide et remplies d'images inquiétantes : ici, de simples strophes de 4 ou 5 vers, comme une comptine, à peine en décalage, grimaçant tout légèrement.

La vidéo transpose cet approche simple à la bizarrerie esquissée. Jeune fille simple, à peine pâle, sur une simple piscine d'une banlieue quelconque. Juste quelques rubans et fourrures surprenantes, des mouvements de danse un peu imprévu, et voici une scène dont l'atmosphère grandit, une diablerie, un appel innocent au sabbat, comme une adolescente au regard entouré d'un noir gothique au lycée du quartier. Que peut-elle vraiment se raconter, debout sur son plongeoir ?