23 mai 2011

Small Town Murder Songs, court mais magnifiquement assemblé

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Small Town Murder Songs 
     by Ed Gass-Donnelly (2011)

Quel intérêt y-t-il aujourd'hui à présenter l'enquête d'un meurtre au cinéma ? Un polar classique ?
Bien sûr, il y a toujours le suspens associé à l'enquête, ainsi que l'intérêt du fait divers comme reflet d'une société ; n'était-ce pas Sartre lui-même qui raffolait des faits divers ? Mais par delà la curiosité liée au thème, quel est l'intérêt de présenter une telle histoire au cinema ? Que montrer après Seven, après les écrans de télé déjà surchargés d'enquêtes en tout genre, plus ou moins malignes, plus ou moins bien réalisées ?

Il y a toujours le risque de se retrouver avec un résultat vide, scolaire, presque ennuyeux. Ce qui serait somme toute acceptable pour un écran privé, regardé d'un oeil distrait en finissant la glace du dessert après une journée un peu longue au boulot ; mais qui ne fait pas vraiment sens d'un point de vue cinématographique...

Bien sûr, les films policiers intéressants n'ont pas manqué ces dernières années, et sans même chercher longtemps, je songe à La Nuit Nous Appartient ou Le Petit Lieutenant ; l'angle parodique de Hot Fuzz est réjouissant, mais rappelle les difficultés d'une telle entreprise menée sous un angle sérieuse.  Le jeune canadien Ed Glass-Donnelly emprunte donc un chemin périlleux : petite ville rurale d'Ontario, une femme retrouvée nue et assassinée, un policier envoyé par la province pour assister le duo d'officiers locaux. Le tout agrémenté d'une histoire de rédemption, le flic un peu violent qui s'est récemment converti à la religion. Tout y est, rien ne manque pour un petit polar rural ; mais que pourra-t-on retenir ?

Dès les premiers écrans, l'oeil est accroché par la beauté des images. Les petits éléments narratifs se mettent en place, mais l'attention reste surtout en éveil face à ces superbes cadres, une photo léchée, à la fois lumineuse mais blafarde, un arrière-goût de ciel gris et de boue, un sens de l'espace ajusté. La réalisation est soignée, un soin pas si éloigné d'ailleurs de celui apporté aux images du plutôt superficiel Daydream Nation. Un autre exemple de film indépendant pour maniaque de l'image, bien réglé, assurément tourné en numérique, et la campagne d'Ontario résonne superbe à l'écran, assez fascinante.

Mais le soin maniaque de la réalisation atteint quelques sommets saisissant par l'apparition de la musique, clouant le spectateur dans son siège. Des voix envahissent tout l'espace, une sorte de choeur gospel où flotte également la voix rauque d'un chanteur blues / country, mélopées saccadées ; offrant une atmosphère multiple, des échos de campagne nord américaine, les chants d'une foi mélancolique, un élan pieux mêlant nouveau et ancien testaments, appel à la rédemption christique mais aussi reconnaissance de la violence humaine, du meurtre. Le film se fait vidéo musical, montage de séquence courtes, clip de chanson où la lumière des plans se double de travellings réglés, de mouvements joliment tissés. L'effet est très fort. 

Voici le poids d'une légende locale, la matière de plusieurs articles du journal local, les histoires que raconteront les anciens dans trente ans, quand on fera vivre encore le souvenir du meurtre, "du" meurtre de la ville. Le poids d'une sorte de tradition orale, ce qui construit doucement l'identité d'une région. Voilà de quoi expliquer un peu l'intérêt porté à ce meurtre précisément, dans cette petite ville.

Car il faut bien être honnête, l'enquête ne réserve pas vraiment de rebondissements. Un témoin, un unique suspect, une paire d'interrogatoires, un seul détail pour dénouer le tout ou presque ; un dira poliment que la trame est minimaliste. L'enquête est assez décevante en soi, presque étriquée, et la durée du film donne envie d'en voir plus : 75 minutes à peine !

Glass-Donnelly a définitivement pris le parti de garder un intrigue simple, dont l'absence de rebondissements est presque caricaturale. Comme s'il semblait dire : il fallait un prétexte, mais laissez-moi filmer, laissez-moi assembler la musique, choisir les comédiens, les visages marquants, laissez-moi montrer. Car si la trame policière est assez anodine, si l'histoire de rédemption elle-même manque un peu d'envergure, il reste le souvenir de visages, de voix, de paysages ; groupe de paysans germanophones, cette grand-mère aux rides sublimes offrant le thé et montrant un ours en tricot, les commentaires d'une commère sirotant un café au lait dans le dinner du coin. Oui, on aimerait recevoir un peu plus de ce film, un peu plus d'histoire, mais on reçoit déjà de beaux moments d'humanité, la captation de la vie d'une petite ville d'Ontario, loin, perdue. 

Il n'est souvent pas besoin de grand chose pour justifier une envie de cinéma : l'envie de filmer certaines personnes et certains endroits.






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22 mai 2011

Capital Slam Finals: teaser video - on the road to the Ottawa Slam Championship...

Capital Slam Finals are coming soon: the Ottawa slam champion will be known on June 10th!

I have already published some pictures of the 8 finalists in a previous post, pictures shot during the semi-finals. I have published videos of the semi-finals performances by Rusty Priske and Sean O'Gorman. The idea of mixing the two approaches was rather obvious: assembling video clips from the 8 finalists in order to offer some teaser for the finals...

I had videos for 3 of the Capital Slam finalists. But thanks to Rusty, I was able to get into contact with Greg Boyd and Ragaeed who had shot other semi-finals performances. Perfect complement to get a taste of the competition to come. Thanks to them to make their videos available!

Don't miss the finals. In addition to the tough competition surrounding the Ottawa slam championship, the night will provide the 5 new members of the Capital Slam team...

CAPITAL SLAM FINALS
FRIDAY, June 10th, 6:30PM
Alumni Auditorium - University of Ottawa





If you want to check videos of full performances from Capital Slam semi-finals, check Greg's and Ragaeeb's Youtube channels...

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21 mai 2011

Alsatian Darn, Panda Bear recipes in 4 minutes of simple depth & space

Alsatian Darn
     by Panda Bear (2011)

Panda Bear, une longue histoire d'amour, un coup de foudre début 2007 par l'immense Bros, morceau de 12 minutes à samples, à étages, à couches, à échos - une chanson monde comme il y a des livres mondes, une oeuvre multiple dont les écoutes n'épuisent pas l'épaisseur, la capacité de renouvellement et de fraîcheur. J'en parlais le 31 décembre 2007 ici, et le texte n'a pas trop mal vieilli, même s'il ne pouvait prévoir que ma fascination pour Bros serait intacte début 2011...

La sortie de Tomboy était donc un événement : un nouvel album de Panda Bear !

Le précédent, Person Pitch, offrait généreusement 7 titres, dont 2 durait près de 12 minutes. Dans Tomboy, il y a 11 titres, dont 2 seulement dépassent les 5 minutes - et sans aller plus loin que 7 minutes. Un album pop de Panda Bear ?

Pas vraiment, d'autant que la musique de l'ami Panda est à diffusion lente, se laisse doucement apprivoiser, avec gentillesse, mais avec patience. Un album doux au flot léger et frais, avec toujours cette voix à la fois nimbée d'écho et à la belle clarté, avec toujours cette limpidité des sons, ces petites rythmiques répétées encore et encore avec d'infimes variations. C'est beau, c'est agréable, c'est un bel album à écouter un matin de week-end, ou un soir dans la lumière tamisée d'un canapé, ou pour une promenade aux pas paresseux entre le vert printanier des bourgeons ; un album pour rêveries paisibles, où l'esprit se laisse guider par les ondes pour inventer ses propres paroles ou tisser ses propres images.

J'ai déjà écouté Tomboy plus d'une douzaine de fois ; je garde toujours cette double impression, accueil agréable, poli, engageant, mais aussi ce léger sentiment d'insaisissable, de perpétuel dépaysement ; marcher sur une toile vaguement distendue, léger sentiment d'ivresse. Une petite perte de repères, dans le bon sens du terme, la liberté offerte chaque fois, jamais vraiment épuisée par la répétition. Preuve d'une certaine richesse de la musique ; ou d'un amour certain de ma part pour cette musique - donc d'une richesse que j'y trouve, ou que j'y crois trouver ; une musique aidant à l'invention. Laissant toujours la porte ouverte, et les fenêtre également pour quelques courants d'air dans les rideaux.

Et voici maintenant une vidéo pour le titre Alsatian Darn, un de mes préférés de l'album, un qui me reste en mémoire au milieu de cette grande homogénéité.
Bon, la vidéo est d'un minimalisme basique assez frustrant, à la limite de l'onde d'accompagnement Winamp. Oui, c'est abstrait, des motifs répétés distordus par de sortes de vagues ; ce n'est pas très subtile et répète en gros traits "voici une musique abstraite et sensuelle, voyez comme je la représente !". Il y a bien quelques petites variations, un côté bricolé et basse définition plutôt attachant ; mais cela semblerait un peu bâclé par comparaison à la musique elle-même.

Alsatian Darn, c'est un petit précipité de Panda Bear, les rythmes entrant sur la pointe des pieds, une guitare répété, un son assez organique, jamais froid, et la voix qui murmure à l'oreille tout en restant dans une distance d'écho ; l'effet proximité / intimité / volume typique sur Tomboy. Le fil se construit, puis se distent ici, là, à droite ou gauche, rendant muet une composante pour accentuer l'autre, un jeu discret et fluide, comme des amorces de ponts. Jusqu'aux 3 minutes où Panda Bear commence à jouer avec l'expression Say What, le mot Say modulé en boule de caoutchouc souple, propice aux accents placés en différents points ; un petit climax, ces Say distendues résonnent souvent à mon oreille, un motif marquant, frappant, touchant. Et une fin de morceau lentement refermée, laissant un peu d'air et d'espace à la musique sans parole, comme on reprend son souffle, on détourne le regard pour profiter de l'instant juste une poignée de seconde, une conclusion de morceau propre et en pente douce.

Même si la vidéo n'est que basique, elle donne un bon prétexte - si besoin était - pour commencer à parler un peu de Tomboy...

15 mai 2011

Capital Slam semi-finals, more than only 8 poets

I's been a week now since Capital Slam semi-finals and I've already shown pictures of the 8 future finalists as well of the organizers. But other poets performed that night, starting with the 4 other semi-finalists: Vanessa Baker, Brad Morden, Grace Defined and Danielle K.L. Gregoire. And other poets shared their texts too, before the competition or after it: Sarah Mussa, Kimbit, OpenSecret and Chris Tse.

I don't have pictures for all of them, some of my pictures are not really good... But they are OK for sharing and remembering some moments of the night...

Vanessa Baker


Brad Morden


Grace Defined


 Kimbit


OpenSecret


Chris Tse

May, 7th, 2011 - Capital Slam semi-finals - Alumni Auditorium of the University of Ottawa
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14 mai 2011

Sean O'Gorman in video at Capital Slam Semi-finals

"Unpaid Wages" by Sean O'Gorman
     Capital Slam semi-finals - May, 7th, 2011 - Alumni Auditorium, University of Ottawa

I keep exploring the pictures and videos that I took during Capital Slam semi-finals last week. Obviously, some are not good enough to be shared, but some are surprisingly decent - as an pure amator photographer, I take the blame for the bad acquisitions, and I acknowledge the quality of my camera for the good ones...

But I am really happy with some videos, for instance the first minute of the first poem by Sean O'Gorman, entitled "Unpaid Wages". Sean is one of the people in charge of Urban Legends, the slam series taking part at Carleton University; a great poet, with interesting texts, nice rhythms, with a soft but deep way of performing. 
Sean finished 7th of the semi-finals and will take part in the finals on June, 10th.

Capital Slam semi-finals, don't forget the organizers


3 - 2 - 1 - Raise It!

That's the tradition at Capital Slam: fist up, countdown, 3-2-1, and the audience shouts "Raise It", giving support to the poet who is just about to perform.

That's part of the atmosphere a Slam night, part of the interaction between the audience and the poetry on stage. That's the power of live performance, the little specificity of live poetry, of spoken word, compared to the book of poetry you can sip slowly sitting on the grass. That's the power of slam and all the little details that keep the night alive in addition to the poetic juice that is delivered.

So just a couple of pictures as an overview of some details from the Semi-finals of Capital Slam.
Because a slam night, it's also the host for the night, Nathanaël Larochette in this case, introducing poets and gathering the scores from the audience. That's an official, doing the maths from the gathered scores, keeping an eye on the time since each poet is only allowed 3 minutes; Ruthanne Edward is perfect for the job, long-time slam organizer with Rusty Priske. That's also a DJ who provides musical atmosphere, a string of beats and tunes to keep the party going in all situations, and DJ Cosmo offered some nice musical moments last week.

Capital Slam, it's a team - a group of poets but also a team of organizers...

Nathanaël Larochette (host) - Rusty Priske & Ruthanne Edwards (organizers)
Before the start of the slam...

Nathanaël Larochette & DJ Cosmo

May, 7th, 2011 - Capital Slam Semi-finals - Alumni Auditorium of the University of Ottawa
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10 mai 2011

Captial Slam Semi-finals: photo set of the 8 finalists

As alrady presented in a previous post, Capital Slam semi-finals took place last Saturday (May, 7th). A great competition with 12 intense contenders - leading to 8 finalists. Here is a small photo set for the 8 chosen ones in order to start preparing the June 10th finals (with the semi-final scores).

1. LOH EL (57.4) 2. SENSE-SAY (57.3)
3. BRUCE NARBAITZ (56.6) 4. MACK CANNON (56.0)

5. PRUFROCK (56.0) 6. ELLE-P (55.8)

7. SEAN O'GORMAN (55.7) 8. RUSTY PRISKE (55.4)

I also have pictures for the 4 semi-finalist-but-non-finalists. I will include them in another blog post. But I don't want the 'other four' to think I despise non-winners: the competition was close last Saturday, so congratulations to Vanessa Baker, Danielle K.L. Gregoire, Grace Defined and Bruce Morden. Pictures will come soon for you too! 
I will also include some video clips of the poetry performances from the semi-finales. But this will need more editing and I'm not that used to video editing yet...

Here are larger pictures of the 8 finalists... Ranks matter since the scores from the semi-finals are kept and will be be added up to scores from the finals - hence semi-finals are crucial for the title, or even being in the top 5 to make it to the Capital Slam team...

1. LOH EL


2. SENSE-SAY


3. BRUCE NARBAITZ


4. MACK CANNON


5. PRUFROCK


6. ELLE-P


7. SEAN O'GORMAN


8. RUSTY PRISKE

All pictures taken during Capital Slam semi-finals
May, 7th, 2011 - Alumni Auditorium - University of Ottawa
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8 mai 2011

Rusty Priske at the Capital Slam semi-finales in Ottawa



'Darwin's Theory of Revolution'
      performed by Rusty Priske at Ottawa Capital Slam semi-finales, on May, 7th, 2011 

Slam, for performed spoken word, poetry pushed alive on stage, sharing its intensity & depth in front of an audience, the power of its living words.

Slam, for poetry gathered in small competition. Open to anybody, any voice, any message - but in a competition. With rules, 3-minute time granted to offer style & meaning & much more; juges given marks; marks leading to winner for each night, leading to a year-long ranking, leading to a champion.
And since we are in North-America, championships are divided into regular seasons and play-offs, or sort of play-offs.

The semi-finales of Capital Slam took place last Saturday night at the Alumni Auditorium of the University of Ottawa. The 12 best poets of the year, performing 2 poems in front of a crowd of 200 people including 5 judges. Yeah, this is art, this is sport, this is art & poetry sport, man - and sport with goals, not sport for pure beauty of art (not only). The 8 best seni-finalists are qualified for the final, the 5 best finalists are selected in the Capital Slam team for the Canadian championship...

Do I need to remind you that the Capital Slam Team is the 2-time defending Canadian Champion? That Open Secret from Capital Slam just won the Canadian individual tittle? That Ian Keteku from Capital Slam won the World Title?...
This is sport, this is city-size competition, and much more: this is a competition showing maybe some of the best slamers on the great circus of performing poetry...

The night was intense, sure, no suprise. It was impressive to see faces and hear voices previously heard in much smaller conditions. The stage of the Mercury Lounge feels small & friendly compared to the Alumni Auditorium, and the crowd definitely pushes performers, adds intensity to words already born intense and vivid. Great energy exchange: this might be one of the basic definition of poetry for me, and I certainly received my share of energy & intensity yesterday.

Apart from the words themselves, that's really this intensity that struck me, and quickly made me eager to build portraits of the poets. Intense poem associated to intense poeple brings intense characters, wonderful pictures and flows on stage. It would be fascinating to draw such performers - but I stopped being good at drawing at the age of 11. I could try to write some portraits - could be an interesting exercice.
But I started with a more basic approach to portraits, a more instantaneous. I played with my new camera friend. Took some pictures, shot some videos, from my row in the middle of the audience.

Obviously, the quality is often poors (could you please stand still for a while, poets) But there might be some interesting pictures to share once I get rid of the bad ones... Which might take a couple of days...

But we can start with this video clip from Rusty Priske performace. This is its second poem of the night, entitled 'The Darwins Theory of Revolution'. Intense, I suppose you've understood my focus now - but also beautifully crafted and playing with sounds.

More videos and pictures to come next week!

You can check the names of the 8 finalists here. The final will take place on Firday June, 10th at the Alumni Auditorium of the University of Ottawa.


7 mai 2011

Daydream Nation, le bal des occasions manquées

Daydream Nation 
 by Michael Goldbach, with Kate Dennings, Reece Thompson, Josh Lucas and Andie McDowell (2011)

Une petite ville perdue aux Etats-Unis, tellement perdue que les ado du lycée se perdent dans les drogues les plus improbables pour tromper l'ennui. Caroline s'en est vite rendu compte à son arrivée dans l'établissement à la rentrée : le même malaise, la même atmosphère rance que dans tout établissement nord-américain, microcosme aux petits clans et aux petites rumeurs. Tellement stimulant pour Caroline, d'autant que l'ambiance de la ville est plombée par quelques assassinats de jeunes filles... Alors autant fumer un peu avec les jeunes les plus drogués, autant draguer le professeur de lettre qui est plutôt mignon...

Daydream Nation, première réalisation de Michael Goldbach, appartient à la grande catégorie des films de lycée américains, leur petit microcosme, les premières coucheries, la drogue. Sous-famille "cinéma indépendant", façon festival de Sundance ; les films d'ado à Sundance, c'est certainement l'un des genres les plus codifiés de ces dernières années, un territoire amusant où l'indépendance se fait grille remplie de cases à cocher : un ado malin n'ayant pas sa langue dans sa poche ? un ado un peu empoté pour contre-balancer ? une petite communauté un peu perdue, sans espoir ? quelques grammes de famille bourgeoise de banlieue ? une voix off pour raconter la trame avec humour et sarcasme ? de la musique indie cool, de préférence folk ?
Avec un peu de chance, le petit film à petit budget peut devenir un succès, drainant un gros public - c'est la recette Juno ou (500) Days of Summer, voire Superbad, même si ce dernier est un peu moins formaté. Cela peut donner quelques grands films comme Brick, quelques films pas désagréables comme Easy A ou Youth in Revolt, ou quelques belles purges comme Nick & Norah's infinite playlist. J'ai déjà évoqué ces idées ailleurs sur ce blog, j'espère ne pas trop radoter...

Le tout est de proposer un petit angle supplémentaire à la recette, un peu plus d'humour ou de folie, un angle légèrement différent - une personnalité, une motivation au projet ! Une raison pour faire ce film, une raison pour aller le voir et s'en souvenir, tout simplement.

Et ce Daydream Nation commence plutôt bien. Biens sûr, il y a la voix off prévisible de l'adolescente maligne et désabusée. Mais les plans s'enchaînent de manière élégante, une photographie recherchée, une ambiance bien dosée : voici un film qui louche vers les ambiances de David Lynch plutôt que la caméra tremblée cheap de Juno. C'est déjà un bon début, une preuve de recherche, de soin. Tout cela laisse flotter un arrière-goût de Lost Highway, jeune fille assassinée, white trash à sniffers de glue. Quelques idées sont prometteuses, tel un incendie industriel dont la fumée n'est pas éteinte pendant des mois.

Hélas... Hélas...

Hélas, l'histoire s'écoule bien maladroite. La jolie Caroline séduit le professeur, choisit un ado empoté comme couverture... Le professeur est finalement un peu fou, l'empoté finalement assez doux... Devinez où tout cela va-t-il mener ?

Alors oui, le scénario multiplie les petites scènes accessoires, les petits personnages secondaires - difficile de qualifier cela autrement que petit. Une certaine richesse, une certaine variété, certes, mais jamais approfondi, toujours laissée de côté après quelques minutes, des idées traitées superficiellement. Un jeune devenu paranoïaque après excès de drogues : 2 minutes, rien de plus. Un fête tournant en destruction de mobilier : quelques images arty et floues, rien de plus, aucun vrai déchaînement punk. Parents divorcés ou veufs qui flirtent un peu : 2 scènes, puis disparition des radars... Rien ne doit vraiment écarter la route du triangle amoureux, Caroline, professeur et ado à mèche (au look de l'artiste Panda Bear) ; interactions à plusieurs branches bien superficielles elles-mêmes : mince que reste-t-il au final ?

Le spectateur cherche son plaisir dans la qualité visuelle, le réglage des plans. Mais contrairement à au modèle Lynch ou même au fétichisme film noir de Brick, rien ne surgit du soin apporté aux ambiances sombres. Une beauté creuse, sans vrai malaise, juste un catalogue bien agencé. Les petits agacements surviennent peu à peu, pseudo-scènes de cul filmées floues et de manière identique, à 3 ou 4 reprises dans le film, dialogues un peu trop malins sans jamais créer d'empathie, manque général d'humour malgré l'envie de se montrer malin et spirituel... La petite satyre de l'écrivain raté, tellement prévisible... La construction en chapitres ou en scènes titrées, lorgnant vers la littérature, mais dont la recherche narrative rappelle finalement une application un peu scolaire des cours de Creative Writing...

Au final, le film est joliment filmé, plutôt bien joué, mais extrêmement mal dosé. Un dosage vers la sécurité : focalisons-nous sur l'histoire d'amour, saupoudrons de quelques idées un peu plus biscornues, mais jamais trop. Un dosage pour un succès publique, un dosage assez conventionnel. Un dosage qui joue l'allusion sur les aspects les plus sombres, pour induire un arrière-plan - mais au final laisse surtout un goût d'inachevé. Un dosage que l'on peut espérer prometteur pour les prochains films de Goldbach ; un dosage où l'on peut regretter toutes les pistes inexplorées.

Bon sang, quelle idée que ces passants portant des masques à gaz par crainte de la fumée industrielle, en plein milieu d'une petite ville ! Il y avait tellement mieux à en faire !