6 novembre 2010

Da Capo Best Music Writing 2006, Dylan, atomic opera and Christian rock for fascinated readers

Da Capo Best Music Writing  2006 
Guest Editor : Mary Gaitskill  -  Serie Editor : Daphne Carr  (2006)


C'est une jolie institution que je découvre en parcourant les rayons des bibliothèques nord-américaines, ou même les libraires de tailles conséquentes : les anthologie annuelles, les best of de l'année - en livres. Il y a ainsi la fascinante série des Year's Best Graphic Novel, Comics & Manga, offrant un assemblage des BD fortes de l'année, par doses d'une demi douzaine de pages. Je reviendrai plus longuement sur assemblages de bandes dessinées, dont je parcours actuellement quelques ouvrages. Je me régale également des Da Capo Best Music Writing, regroupement de textes sur la musique - tous les genres, genres musicaux (classique, rock, hip hop) comme genres d'écriture (critiques, récits, interview). Un délice, rien que des bons textes, riches en découvertes.

Je n'ai pas lu ce volume 2006 en entier, je l'avoue ; je suis trop occupé à déguster les critiques rock de Lester Bangs, ce qui ferait beaucoup de lecture musicale en parallèle. Il faut varier les plaisirs. Mes les quelques textes explorés m'ont confirmé que l'écriture musicale est un genre magnifique, capable d'offrir plaisir esthétique, richesse de l'expérience et profondeur humaine, et ce même sans connaître les morceaux évoqués, même sans apprécier le genre musical décrit ; une véritable littérature.

Bien sûr, le livre propose des critiques assez classiques, même dans des formats étendus. La pièce d'ouverture du volume est une analyse détaillée de la chanson "Masters of War" par Bob Dylan - rien de très surprenant. Mais le critique Greil Marcus lance son texte en expliquant à quel point cette chanson est une mauvaise chanson (et on ne peut lui reprocher de ne pas aimer Dylan : Marcus a publié un long volume sur lui) ; le texte s'intitule tout simplement "Stories of a bad song"...  Le morceau est à la limite du mauvais goût avec sa phrase choc "I hope that you die" adressée aux puissants de ce monde. Marcus cherche à comprendre comment une telle chanson peut entrer en résonance avec le public, et surgir soudain comme un hymne, 40 ans après son écriture, par la faute de la deuxième guerre en Irak

Fort intéressant, mais rien de très surprenant jusqu'à présent, une belle analyse musico-sociologique autour d'une chanson. Mais d'autres textes sont plus surprenants & fascinants.


Ainsi, le second texte de ce Da Capo 2006 est une exploration superbe d'un opéra contemporain associé aux premiers essais nucléaires, "Doctor Atomic", créé en 2005 à San Francisco pour le 50ème anniversaire du feu nucléaire. L'opéra est centré sur la première explosion nucléaire, déclenchée le 16 juillet 1945 au Nouveau Mexique - le premier véritable compte-à-rebours de l'humanité ; il met en scène des personnages tels que le chercheur Openheimer, sa femme ou un général en charge des opérations. Le spectacle n'hésite pas à citer des poèmes de Baudelaire.

Alex Ross tisse un superbe papier, partant de la réalité historique du site, des motivations du compositeur  John Adams ou de l'auteur Peter Sellars, pour présenter des scènes de répétitions, des interviews avec différentes personnes impliquées dans le projet ou inclure sur une analyse de la musique et de la scénographie. Un très long article à la structure mouvante, au contenu dense & riche, respectueux de la musique et des artistes, délicatement critique - un papier publié par le New Yorker, bien sûr, cette référence de l'écriture journalistique. Je n'ai pas encore entendu une note de cet opéra, mais cet article est certainement l'une des plus belles choses que j'ai lues cette année. Réjouissez-vous, l'article est lisible sur le site d'Alex Ross...


"He (Sellars) devises challenging, disorienting frames for drama, and then fills those frames with lavish knowledge of the characters' inner lives. If he sometimes seeks the unnattainable - at one point, he asked one of singers to "get Martin Luther king's entire 'I have a dream' speech in that melisma" - he never fails to provide the wealth of context and backstory that actors crave".




Un autre texte a fortement attiré mon attention, ma doucement aspiré dans son ambiance et son sujet. John Jeremiah Sullivan explore ainsi le phénomène des festivals de rock chrétien aux Etats-Unis, immenses barnums rassemblant des centaines de milliers de jeunes croyants autour de groupes au message Bible-friendly. Des campements à la Woodstock, mais on il serait difficile de trouver quelques drogues fortes ou même de l'alcool, et où le nom des groupes reste terriblement mystérieux pour l'amateur de musique rock "habituelle".

Le papier de Sullivan, Upon This Rock, est une magnifique pièce de gonzo journalisme, écrit à la première personne, centré sur les anecdotes survenant à l'auteur. Le début capte immédiatement l'attention : Sullivan cherche à comprendre les motivations des jeunes, et explore les forums Internet pour partager le camping-car de quelques uns... Pour aussitôt se faire taxer de pédophile et se voir menacer sur la majeure partie du web chrétien ! Le ton est lancé, l'auteur décrit ses angoisses à conduire un immense camping-car de 9 m de long, ses échanges amicaux avec des jeunes venus d'un état rural, son manque d'intérêt pour les groupes se revendiquant chrétien, à la musique inintéressante. Les groupes aux grandes aspirations esthétiques se gardent bien de mettre en avant leur foie, histoire de ne pas restreindre leur message : les groupes au label chrétien sont donc majoritairement mauvais... Analyse passionnante de cette population jeune, américaine & très pieuse, phénomène clé de la société US contemporaine.

Le papier parvient même à élever son niveau dans sa dernière partie, quand l'auteur évoque ses souvenirs d'ado investi dans les groupes chrétiens, l'attrait de tels échanges pour les jeunes, leurs motivations. Une superbe leçon de composition & de journalisme, de variation des points de vue & des angles d'approche : une démonstration à même de tirer l'écriture vers le haut.


And believe it or not, the Christian-rock establishment sometimes expresses a kind of approval of the way groups like U2 or Switchfoot (who played Creation while I was there and had a monser secular-radio hit at the time with "Meant to Live" but whose management wouldn't allow them to be photographed onstage) take quiet pains to distance themselves from any ambiguoues Jesus-loving, recognizing that this is the surest way to connect with the world (you know that's how they refer to us, right? We're "of the world"). So it's possible-and indeed seems likely- that Christian rock is a musical genre, the only one I can think of, that has excellence-proofed itself".



Link to the described articles

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