23 avril 2010

Un clown de fast-food pour un single noisy pop

When I'm with you
by Best Coast (2010)

La noisy pop semble à la mode dans l'indie US. Les jeunes groupes jouent fort, saturé, mais mélancoliques, presque éthérés, comme si la recette désinvolte des Jesus and Mary Chain semblait avoir émergé aux Etats-Unis comme solution miracle. Assez amusant de découvrir ces influences, en particulier en Californie, que j'imaginais plus portée vers une pop ensoleillée...

Bon, je l'avoue, je n'ai pas plongé profondément dans cette pop noise à la californienne ou l'américaine, pas d'exploration de Girls ou The Pain of Being Pure at Heart. Mais je passerais certainement un bon moment en concert, et je picore de temps en temps les singles qui surgissent, miniatures pas désagréables. Comme pour ce When I'm with you de Best Coast, groupe de San Francisco, à la vidéo sympathique...


Bientôt Caribou en concert à Ottawa

Live on Pitchfork.tv
Caribou (2007)

Le Canada, une terre au groupes rock passionnants, jolies tranches à explorer en petit français expatrié : voir enfin ces beaux groupes jouer à la maison. J'ai donc une petite liste de concerts canadiens auxquels goûter, mais bizarrement, Caribou n'en faisait pas partie. Tout simplement parce que je ne pensais pas que le groupe était canadien : tout de même, Caribou, ils ne peuvent être canadiens, c'est trop cliché...

Pourtant, Daniel Victor Snaith est bien né à London, Ontario. Personnage intéressant puisque Wikipedia le présente comme mathématicien, issu d'une famille matheuse.

Mais je ne vais pas rentrer dans sa biographie, je ne connais rien de plus que ci est écrit sur Wikipédia, et je ne connais que son dernier album, Andorra - meilleur album canadien en 2008. Un magnifique patchwork psychédélique, vague profonde et légère où les voix douces planent au dessus d'une rythmique parfaitement réglée. Quelques titres ont longtemps squatté mon lecteur mp3, à la mémoire pourtant restreinte.

C'est avec joie que j'ai appris le prochain passage de Caribou à Ottawa, à l'occasion de la sortie de son nouvel album, Swim. Un petit tournant, laissant la pop psychédélique pour un disco fin - Pitchfork a l'air ravi, Libération parle d'un des albums les plus enthousiasmants de ce début d'année. Il devrait y avoir moyen de s'amuser dans l'agréable & petit Babylon.

D'autant que le groupe a l'air passionnant en concert, comme le montre ce live de 2007 présenté par Pitchfork. Onze morceaux au total sur le site, dont ce toujours envoûtant Eli

Note en septembre 2010 : l'ancien lien n'est plus valide, mais on trouve toujours une ribambelle de morceaux live de Caribou, dont le superbe Melody Day...





21 avril 2010

Récits en poupée gigogne mais quel intérêt, finalement ?

Voyage along the horizon
by Javier Marias (1971)

Soirée en ville, bonne société du XIXème sicèle, on parle d'un auteur vaguement connu, se retirant mystérieusement à moins de 40 ans, vivant alors isolé. Un des convives possède justement une biographie de cet auteur, non publiée encore, mais un livre magnifique, certainement un chef d'oeuvre en devenir - intitulé Voyage along the Horozon. Si certains sont intéressés, il se fera un plaisir de leur lire le manuscrit.

C'est ainsi que début ce récit gigogne de Javier Marias, histoire citant un livre, où apparaissent alors des lettres, des anecdotes racontées par des personnages ; un paquet Flodor de fiction en fractale : zoomez un peu, vous découvrirez un nouveau degré de récit dans les plus petites échelles. On a droit ainsi à l'enlèvement d'un pianiste de renom, une expédition polaire réunissant des hommes de lettres, un duel au pistolet, un pirate américain magouillant en Chine, des milliardaire cherchant à acheter une île - sans parler de cet auteur obsédé par l'histoire de l'enlèvement, dont il cherche à élucider les détails cachés !

Javier Marias se laisse emporté dans cette parodie gigogne des romans anglo-saxons du XIXème siècle, lançant une piste sur quelques pages pour décrire ensuite une biographie presque intégrale sur un long chapitre. La parodie se prolonge jusque dans le style, 3ème personne distanciée, presque flegmatique, le langage soutenu des dialogue : Javier Marias n'a pas traduit Conrad pour rien.

Hélas, ce n'est pas vraiment un tourbillon narratif qui prend le lecteur mais un sorte d'ennui. Le rythme de ce livre de jeunesse ne semble pas vraiment maîtrisé, étonnamment lent, ne provoquant plus l'ivresse de l'auteur que celle du lecteur. Peut-être mon manque d'attirance pour les livres d'aventure du XIXème explique en partie mon ennui poli. Mais ce livre ne possède pas la finesse du portrait qui m'avait séduit dans Un Homme Sentimental du même auteur...

20 avril 2010

C'est con mais c'est bon (et en plus c'est LCD Soundsystem)

Drunk Girls
by LCD Soundsystem (2010)

Le nouvel album de LCD Soundsystem doit sortir fin mai, et tourne en écoute intégral sur le site du groupe depuis quelques jours. Plusieurs titres s'annoncent comme de jolis sommets, mélanges d'exploration sonique, références reconnaissables, émotion, tout ce qui fait le charme des compositions de James Murphy. Je devrais prochainement parler de All I Want ou I Can Change...

Mais chaque album de LCD Soundsystem se voit lancer par un single punk & dansant, presque crétin, et l'album This Is Happening ne déroge pas à la règle. Voici Drunk Girls, et si James Murphy prend des accents proche de Bowie pour lancer "I believe in waking up together", c'est pour mieux balancer une énumération sarcastique et haute en couleur, un gros moment de fun.

Et la vidéo pousse l'idée encore plus loin. Happening déconneur et nihiliste tourné en travelling, bien dans un esprit Youtube, il rappelle les pochades sutpides des vidéos de Joystick, les bêtises de Jackass, tout simplement toutes ces vidéos bêtes que l'on peut recevoir au bureau. Mais on y voit rarement des Pandas masqués martyriser un groupe de rock...


17 avril 2010

Découvrir Half Man Half Biscuit et sourire

Trimpton Riot
by Half Man Half Biscuit (1986)

Le rock indépendant semble tellement documenté de nos jours que la découverte de vieilles gloires inconnues semble toujours un peu surprenante. A l'ère de la musique Internet, les blogs regorgent de détails sur groupes les plus improbables, Youtube offre un accès permanent aux bootlegs les plus pointus - un auteur de Pitchfork avait ainsi eu la surprise de reconnaître son père dans le public d'une vieille vidéo pirate de Neil Young. L'indie semble couler sous forme d'une encyclopédie ultime et ineffaçable, et l'on oublie l'idée de péremption indie.

Pourtant, qui se souvient encore des Detroit Cobras, petite gloire brève du temps de la New Rock Revolution de 2001 ? Leur single Ya Ya Ya était utilisé en France pour une pub Petit Bâteau...

Il est donc finalement assez logique de n'avoir jamais entendu parler du groupe Half Man Half Biscuit, petit succès indépendant en Angleterre dans les années 80. Mais leur petit monde dévoilé donne l'impression d'un trésor caché agréable, et laisse perplexe : pourquoi n'ai-je jamais lu ce nom auparavant, après presque dix ans à parcourir les Inrocks & Pitchfork & NME ?

Half Man Half Biscuit ne vaut pas uniquement par son patronyme joliment tourné, les quelques informations dénichées ici ou là donnent vite envie d'en savoir plus. Le groupe se forme en 1985, obtient un beau succès alternatif avec son premier album, se sépare, puis se reforme en 1990 ; ils semblent encore actifs. Surtout, gage de qualité, ils ont fait partie des petits préférés de John Peel, qui les a invités une douzaine de fois dans ses fameuses Peel Session. Loin des 24 Peel Sessions de The Fall, mais un très joli score toute de même.

Et l'on comprend rapidement ce qui a séduit le fameux Peel dans ce groupe mi-homme mi-biscuit. Un son punk indépendant rêche, rempli d'énergie, et surtout une ironie et un sens de l'humour profonds. Leur parodie cold Reason to be Miserable est un délice dont je parlerai certainement un peu plus en détails à une autre occasion. Mais leur tube The Trumpton Riots est délice offrant une parfaite introduction : HMHB décrit des scènes d'émeute sous une forme classique punk, mais installé à Trumpton, petit village de poupées dans une série d'animation des années 60. Les références parlent peu pour l'oreille française, mais on devine la tonalité et se régale du délice.


16 avril 2010

Le sens des situations et de la langue pour un plaisir d'écrivain

Les pays immobiles
par Bayon (2005)

Les pays immobiles est une réponse à la question "tu écris ?" qu'on me pose.
J'ai d'écrits, depuis ma dernière publication en 1998, au moins deux livres de ma façon médiumnique : Chryséléphantine et Jean-Marien.
Le second consacré à mon frère pendu en 1999, le premier à un enfant sage, tous deux sont impubliables comme de nature à troubler l'ordre public de mon entourage.

Voici la première page des Pays Immobiles. J'avais aperçu ces mots dans une revue sur la rentré littéraire de la rentrée 2005, et ce passage m'avait longuement fasciné. Je ne connaissais pas Bayon, ni ses livres, ni ses critiques culturelles, mais j'ai gardé ce nom à l'esprit pour son évocation de l'hygiène de l'écrivain. L'écrivain écrit, même s'il ne publie pas, même si personne ne le lit ; l'écriture comme équilibre, besoin de saisir le monde, moyen de réflexion, d'auto-analyse.

J'écris pour comprendre ce que je pense, disait un auteur.

Cette déconnexion du statut d'écrivain et de la question de la publication, je l'ai exploré un peu plus dans quelques livres de Villa-Matas, son obsession des écrivains sans oeuvres, auteurs cessant d'écrire ; du moins de publier, griffonnant des mots sur le premier papier, gribouilles minuscules et illisibles comme Robert Walser, ou même auteur censuré comme Reinaldo Arenas, censuré mais écrivant comme voeux de survie. Ecrire par besoin, par nécessité.

"Le cinéma ne peut pas être simplement un désir ou une envie. C'est trop violent pour ça", dit Claire Denis. Ecrire, c'est un peu cela aussi, pas seulement le plaisir d'être lu, un élan, un non-choix, une pulsion : il faut écrire.

Bayon écrit, il écrit beaucoup apparemment, presque compulsivement, tisse des scènes dans son style riche, joue avec des personnages et des situations ; et beaucoup de souvenirs - d'où les situations de publications impossibles. Alors Bayon a fait une sélection, pioché des chapitres ici ou là, ajouté quelques autres textes et obtenu Les pays immobiles, livre cadavre exquis, éclats de scènes en une vingtaine de chapitres, deux trois pages à une douzaine de feuilles. Etrange à lire, le ton comme principal fil directeur pour lier les sursauts et changements de directions survenant régulièrement.

Mais quel ton. Une lange au vocabulaire recherché, choix de mots recherché, accumulation de termes aux minces variations pour tisser une ambiance, offrir de l'épaisseur. Bayon, c'est une forme d'anti-écriture minimale, un goût du mot choisi et peu courant, le jeu des sonorités et des termes rares, et les phrases résonnent souvent surprenantes et superbes. Denses, évocatrices, mais souvent plus lisibles que ses denses performances critiques dans le cahier cinéma de Libé.

Pourtant, si l'on peut entrer dans le livre par fascination pour le maniement de la langue, les scènes esquissés séduisent peu à peu par leur originalité propre. Souvenirs ou fiction, difficile de trancher souvent, mais qu'importe, qui s'en soucie, nombreux sont les chapitres aux trouvailles savoureuses, aux réflexions riches et passionnantes. Toute une série de scènes passionnantes en Afrique noire colonisée, terre de naissance de Bayon, se perdant seul lycéen blanc dans des booms noires, giflant un benêt grassouillet, se rappelant d'un architecte homosexuel au serviteur nubile et à la nudité permanente ; fascinantes description de terres souvent réduites au cliché. Mais d'autres chapitres laissent une empreinte permanente, sauvage description méticuleuse d'une bagarre nocturne à Montmarte, somnambulisme hanté par un jeune frère décédé - du réalisme poétique au quasi fantastique. Le livre se clôt sur une terrible situation, auteur servant en rêve à l'examen de conscience d'un mourant.

Les idées foisonnent, la langue offre ses parfums profonds, variées et rares. Un délice, un plaisir d'écrivain, pour sûr, une joie de lecture, qui donnerait envie de goûter à un roman plus suivi ; mais ces scènes sont exquises.

10 avril 2010

La puissance poétique d'Arenas contre l'oppression cubaine

Old Rosa
by Reinaldo Arenas (1971)

La vieille Rosa a passé toute sa vie à travailler, faisant prospérer sa petite ferme cubaine. Petite exploitation devenue peu à peu grande installation, employant forces ouvriers, que Rosa mène à la baguette, de son autorité omniprésente. Rosa n'est pas femme à se laisser marcher sur les pieds. Elle a pris l'ascendant sur son maris dès le début de son mariage, ses trois enfants obéissent et travaillent la terre, les ouvriers ne rouspètent; même durant ses prières, Rosa reste inflexible, invectivant le Seigneur . . . Reinaldo Arenas focalise la première partie de son livre sur cette femme de caractère, travailleuse, investie, extrêmement autoritaire, cherchant sans cesse à améliorer sa ferme, même quand, surprise, la bande de vagabonds finit par remporter la révolution et installe le régime communiste. Quitter MA propriété, le travail d'une vie ? Quelle idée ? . . . Arenas dresse un superbe portrait avec cette femme monolithique, vivant pour le travail de la terre, sans vraiment songer à la religion, ni à sa famille, ni au monde qui l'entoure. Il la confronte aux changements instables de la société cubaine, mariage de la fille avec un nègre, place des homosexuels, absurdité de la révolution, et il tisse cette histoire en une suite de phrases sans fin, sans paragraphes, écrites dans un élan verbal fascinant, poétique, débordant d'énergie . . . Car Reinaldo Arenas écrivait pour survivre dans le Cuba des années 70, homosexuel plusieurs fois embastillé, courant l'île pour fuir le régime castriste, et écrivant, écrivant dès que l'occasion se présentait, sur le moindre bout de papier, morceau d'affiche . . . Et c'est un peu de cette expérience qu'il présente dans la deuxième partie du livre, la vie emprisonnée du fils homosexuel, souffrant entre deux factions presque aussi hostiles : mâtons machos et stupides, folles cubaines surjouant une homosexualité de paillettes, chansons pour filles et maquillage. Arturo est surtout sensible, envoûté par la musique, déboussolé par son immense solitude, cherchant un peu de vie intérieure et de rêve dans ce monde de travail forcé, de rapports de force, de cannes à sucre tranchées et de carnaval clandestin entre prisonniers . . . Alors, peu à peu, Arturo cherche un équilibre, parfaitement intégré en surface, le plus populaire des folles du camp, tout en s'évadant par l'écriture dès que l'occasion se présente. Jouer l'intégration pour obtenir du temps, du temps pour soi, du rêve et de la beauté rien que pour soi. Peu à peu, il quitte l'écriture et se contente de rêver, inventant de somptueux paysages, convoquant des animaux et musiques et végétations et architectures fantastiques, envoûtants, fascinants. Les mots coulent sans fin dans un rythme ininterrompu, une immense beauté poétique au coeur de ce contexte inhumain, et le livre se lit à haute voix de plus en plus fort, de plus en plus vite, et se relira longtemps encore.

3 avril 2010

Un Cera honnête et un divertissement attachant

Youth in Revolt
by Miguel Arteta, with Michael Cera (2010)

Depuis quelques années, Michael Cera incarne la figure de l'adolescent un peu empoté, longiligne, timide, un peu mignon, plutôt pâle. Il a joué la belle endive attachante dans Juno ou Superbad avec un certain succès, une touche personnelle assez distanciée : une certaine impassibilité sensible d'où surgissent parfois les blagues les plus abominables, lancées comme si de rien n'était.

Il sera assez intéressant comment évolue ce petit talent comique de l'acteur canadien. Youth in Revolt ne révolutionne son rôle de timide toujours puceau. Changement par petites touches : voici notre Cera empoté doublé d'une deuxième personnalité, François le séducteur français nihiliste, pantalon immaculé, petite moustache et gauloise. L'extension du jeu d'acteur n'est pas très subtile, mais qu'importe, le film n'est pas désagréable.

Nouvelle itération de l'adolescent américain un peu timide & paumée, tombant amoureux, un peu honteux de sa virginité de 16 ans. Michael Cera ne révolutionne pas tellement son jeu, et le film ne révolutionne pas la comédie indie US à la Juno, petits personnages pittoresques et musique folk de bon goût. Mais quelques situations sont assez loufoques pour rendre le film distrayant : des marins qui reconstruisent une voiture dans une maison, pièce par pièce ! Une école privée élitiste où tout le monde parle français ! Des types en caleçon par solidarité avec les immigrés !

Pas de date de sortie française pour l'instant... Il serait dommage de ne pas avoir accès à ce divertissement plutôt attachant...


Ben Stiller flotte en Greenberg et la mélancolie se fait amusante et touchante

Greenberg
by Noah Baumbach, with Ben Stiller, Greta Gerwig (2010)

Roger Greenberg habite New York et travaille comme menuisier ; il aime l'idée de construire des objets. C'est plus tangible que de se souvenir les rêves déçus de succès rock d'il y a vingt ans, surtout quand on sort d'un séjour en hôpital psychiatrique. Mais en ce moment, Roger Greenberg veut rester à ne rien faire : garder la maison de son frère à Los Angeles, parti en vacances lointaines, et ne rien faire.

C'est donc un Ben Stiller minéral que l'on voit bouger à l'écran, souvent seul, souvent silencieux, quarantenaire sans illusions ni avenir, une sobriété impressionnante. Il écrit des lettres de réclamations à différentes compagnie comme Starbucks, il traîne avec ses vieux potes d'enfance, il écoute des vinyles ; il drague la nounou de son frère sans savoir trop pourquoi, sans savoir ce qu'il fait. Elle-même est assez déboussolée, sortant d'une longue relation, chantant dans un petit bar, parfois, aimant les chiens.

Un film sur pas grand chose, donc, si l'on considère qu'il faut beaucoup d'événements dans un film, un scénario quantifié au nombre de retournements de situations. Rien qu'un film de mal-être diffus, les amis retrouvés, une ancienne copine, un flottement.

Noah Baumbach tisse un parfait écrin de mélancolie douce dans Los Angeles, un peu de mal dans les barbecues ensoleillés. Ses plans prennent leur temps, portés par une bande son pop 70s, une lumière tirées elle aussi vers des teintes passées, vieux films indépendants US façon Cassevettes ou premiers Scorcese ; LA des années 2000 avec une saudade d'il y a trente ans. Obsessions rappelant celles de the Squid and the Whale, un précédent film de Baumbach qui prenait place dans les années 80. Baumbach n'est pas collaborateur de Wes Anderson pour rien, amateur de détails et d'atmosphères vintage.

Mais au delà du vernis et de l'enrobage parfaitement maîtrisé, c'est le soucis apporté à la conduite d'acteurs et aux dialogues qui impressionne. Ben Stiller a rarement été contrôlé ainsi, bloc en veilleuse explosant parfois, vague somnambule sous le soleil au flottement fascinant ; les petites phrases font mouche, et les petites tendresses n'en sont que plus touchantes.


Une Alice catastrophique

Alice in Wonderland
by Tim Burton (2010)

Je n'attendais pas grand chose de l'Alice de Tim Burton, les images aperçues ici ou là semblaient un peu moche, étranges sans promettre une vraie relecture d'Alice. Pourtant, j'ai été déçu : tant de vacuité, presque rien ne fonctionne. Les comédiens n'existent pas, noyées dans les effets numériques et le maquillage, le rythme est absent, les blagues peu drôles, les scènes d'action semblent déplacées, et pour la plupart, ratées. Reste l'esthétisme bastringue léché, le vague féminisme de l'histoire, présenté peu subtilement, la tentative post-moderne de tirer Alice vers la fantasy.

Quelle catastrophe, quel bâillement.

Dans son essai "L'art invisible", Scott McLoud décrit six étapes dans la création, partant de l'idée au coeur à la concrétisation en surface, passant par différentes marches de structures & contenu. Certains dessinateurs savent reproduire parfaitement les dessins de comics, mais ils ne savent pas créer de bonne BD ; il leur manque le rythme, la narration, le contenu, et l'interrogation : "pourquoi ai-je envie de faire cela ? qu'est-ce que je cherche à dire ?". Peut-être Disney a-t-il imposée de fortes contraintes à ce nouvel Alice, qui sait ? Mais Tim Burton semble surtout un grand technicien de coquille creuse, qui ne sait plus pourquoi il manie ses obsessions visuelles, ni pourquoi il veut les partager avec le public.