17 juillet 2010

La jolie noisy-pop de Blonde Redhead au Bluesfest

Blonde Redhead
Ottawa Bluesfest - 16 juillet 2010

Vendredi soir, fin de journée sous le soleil descendant, les couleurs réchauffent et glissent lentement ; doux début de week-end à paresser sur une pelouse près de la rivière Outaouais. Un peu d'ombre, roman espagnol, à vingt mètres de là, l'herbe s'estompe, zone terreuse recouverte de copeaux d'écorce, et un peu plus loin, une scène de festival. Le groupe Chicha Libre offre un pastiche de musique sud-américaine, pastiche sérieux, ils ne jouent pas la blague - ils jouent simplement de manière limitée. Leur reprise de "L'été indien" passe mieux que l'affreuse destruction d'"Alone Againe Or" de Love, si plate, si triste, si molle.

Mais qu'importe, rien qu'un apéritif.

Le concert s'arrête, je m'approche de la scène. Il faudra voir Blonde Redhead de près. Zigzag entre les chaises pliantes, accessoire omniprésent dans ce festival mollasson au public gouvernemental, si peu rock ; mais c'est un festival de Blues, officiellement, alors qu'y aurait-il à redire ?

Trente minutes encore avant le début du concert et le trio de Blonde Redhead est déjà sur scène, réglant, ajustant, testant chaque instrument avec minutie. Pas de rigolade avec le son, des passionnés, des maniaques, prêts à tripoter les boutons encore et encore pour que tout sonne bien, sonne comme ils l'entendent, leurs mélodies millimétrées.

20h00, le concert doit commencer, les guitares sont encore testées.
20h04, le présentateur monte sur scène pour lancer la musique, et ne pas prendre de retard. D'un signe de la tête, le guitariste le renvoie backstage ; ils vont commencer. Même pas besoin d'introduction, même pas besoin d'entrée formelle sur scène. "We are starting".

La guitare gronde, la batterie s'élance, les têtes des deux frères ondulent, cheveux gris bouclés agités et concentrés. Le batteur frappe souvent les yeux fermés, visage levé vers le ciel. La chanteuse pose sa voix discrètement, cachée sous son chapeau vaguement mou, sa poésie doucement romantique - hélas à peine audible, il aurait fallu plus de temps pour ajuster le volume des voix...

Le show roule plein d'investissement timide, la plongée des musiciens passionnés mais peu intéressés par la communication verbale ou la pose. Ils jouent, ils ondulent parfois, ils agitent leurs instruments ou s'approchent l'un de l'autre, penche la tête, mais suivant toujours le son et les nappes cotonneuses et rageuses. Les chansons d'abord, l'environnement sonore, et les gestes s'invitent naturellement, rien qu'un ajustement du corps et du rythme à l'ambiance générale. Timides de communication classique, fous d'ambiance sonore.

A côté de moi, une fille en débardeur rose ondule, laisse ses bras osciller en danse hindou, fléchit les jambes ; youyouyou lancés de la langue après chaque morceau. Une demi-douzaine d'anneaux pendent à ses lèvres et ses narines : agressive et rugueuse certainement, légèrement rebelle, affichant sa sensualité.

Symbole des chansons de Blonde Redhead ? Sensuelles mais bâties sur l'énergie brute ?

Les danses de cette fille rose semble pourtant à contre-temps, trop souples, trop molles, sans vraie énergie contenue et suggérée, rien que vaguement enfumée. Aucune profondeur chez cette danseuse de festival, rien des rugosités et de l'épaisseur de Blonde Redhead. Le groupe n'a pas été découvert par Sonic Youth pour rien, le rock gronde, particulièrement sur un morceau ancien très saturé & noise, et tant de bruit et d'émotion générée en trio seulement ! Mais là où Sonic Youth construit plutôt des chansons revendicatives, incantatoires, au chant en poésie folle et scandée, Blonde Redhead lance une pop cotonneuse, taquine des timbres colorées et presque pastels dans son chant. Un alliage noisy pop, et rien ne m'enchante plus que ces collisions, bruit intense et rugueux sur lequel pianote un chant doux, sur la pointe des pieds ; rencontre symbolique d'un besoin de hurler et d'une envie de serrer fort dans ses bras, tout un résumé parfait.

Les 55 minutes de concert paraissent presque courtes après cette jolie démonstration. La pop hurlée monotonement par Stars semblera bien terne 30 minutes plus tard...
















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