24 juillet 2010

Javier Marias à la limite de la roue libre, mais à la richesse de témoignage d'époque

Un coeur si blanc
by Javier Marias (1992)

Juan revient tout juste de voyage de noce à Cuba, avec sa femme. Un certain malaise depuis quelques temps, depuis le jour de son mariage : "et maintenant ?". Quel avenir quand on est marié ? Et maintenant ?

Javier Marias tisse son histoire autour de cette recherche de sens, d'interrogations autour de la parole donnée, de l'existence de la réalité, des secrets qu'on dit ou ne dit pas. Comme à son habitude, il tisse un dense réseau d'échos, longues scènes riches en sensations qui reviennent et résonnent encore dans le récit ; dialogue adultère entendu dans un hôtel cubain, discussion entre chefs d'états piratée par les traducteurs, coup de folie d'un gardien de musée... L'originalité ne manque pas pour soutenir le rythme et l'intérêt du lecteur, même si le goût de Marias pour les répétitions et les variations semble parfois tourner un peu à vide. Brillant à la limite de la roue libre...

Le passage le plus fascinant n'a finalement pas directement de rapport avec le coeur du livre lui-même. Au milieu du livre s'ouvre une longue parenthèse centrée sur une amie newyorkaise du narrateur. Boîtant légèrement à la suite d'un accident, elle n'a pas eu de chance sentimentalement et cherche toujours l'âme soeur à près de 40 ans, quête s'effectuant par échange de VHS grâce à des agence de rencontre. VHS ! Le livre n'a même pas vingt ans et ce cadre semble vaguement préhistorique vu depuis l'ère du chat, de meetic, de la drague par Facebook. Javier Marias décrit avec détails la dynamique de cet échange, maintenant tellement désuet, et l'aspect document historique rend la mécanique du récit doucement fascinante...

Jolie valeur ajoutée involontaire dans ce livre divertissant et sans vraie faiblesse, mais qui doit s'oublier assez vite...

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