20 janvier 2010

Comme l'indie superficiel peut être cul-cul et agaçant

Mary and Max
by Adiam Elliot, with Toni Colette and Philip Seymour Hoffman (2009)

Que de désordre sur les pelouses oranges et brûlées des banlieues australiennes. Les petits bungalow n'apparaissent qu'entre de désolants nains de jardin, tuyaux d'arrosage secs ou fil à linge où sèche un unique slip kangourou. Banlieue morne et désolante pour une fillette de 8 ans, 3 mois et 9 jours ; mais qu'attendre d'un monde où New York n'est qu'une ville brinquebalante en noir et blanc, aussi grise que les cernes profondes sous tous les regards ?

Le décor n'est pas rose dans cette bipolarité américano-australienne, aucun rêve possible : fini l'aventure glamour new-yorkaise, pas de porte de sortie dans les grands espaces de l'île continent, rien qu'une petite urbanité étriquée. Et quelle prison quand les proches ne tissent qu'un décor désolant, d'une mère alcoolique à un père collant les étiquettes des paquets de thé, ou pire, quand ce décor hurle sous les coups de la maladie mentale et des crises d'angoisses. Misère, misère, comment faire pour le solitaire rejeté de tous, ne souriant que devant un dessin animé, une barre de chocolat à la bouche ?

Mais oui, la réponse est dans la question : cesser d'être solitaire et trouver un ami ! Les petits timides et complexés ne peuvent traverser la rue, donner une claque dans le dos d'un pote dans la cour de récré, puisqu'ils sont timides et complexés ; mais ils peuvent se trouver un correspondant avec qui partager leur petit monde par courrier. Le correspondant du bout du monde, quoi de plus mignon, de plus sûr et de plus précieux, le dialogue de deux solitudes biscornues séparés par les milliers de kilomètres. Mary, la fillette australienne, écrit donc à Max, l'idiot obèse newyorkais, et leur échange les aide, les nourrit, les construit, les trouble ; leur donne un peu de substance.

Mais hélas, cette sucrerie d'humour noire manque cruellement de substance. Une joli cadeau, une bouffée d'animation déviante, voilà ce qu'on tente de nous vendre, des personnages biscornues, cernés et grisâtre, des gags tellement non-PC, tout un décor contemporain et désabusant, et au milieu, une belle histoire, mignonne, avec ses petits chaos et ses surprises. Oui, les bonnes idées ne manquent pas, les petites trouvailles, on sourit aux blagounettes, le plus souvent.

Cependant, je n'ai même pas souri à toutes ses potacheries, rapidement désolé par leur gratuité superficielle. Tout ce goût du détail et d'une mélancolie soit disant cynique flotte en effet par dessus une histoire désespérément vide et cul-cul : la petite fille tombe par hasard sur l'attardé mental et ils deviennent une raison de vivre l'un pour l'autre, à l'ancienne, par courrier, mais encore ? Le postulat initial avance-t-il ?

J'en doute sérieusement.

Ce Mary et Max n'est qu'une assiette supplémentaire de soupe tiède, cachée derrière ses décors de comics indés, ses quelques prouts, et son petit attirail de réparties pseudo-acides. L'ensemble du film est à peu près aussi sentimental et inconséquent que les premières minutes d'Amélie Poulain, vous vous souvenez, l'énumération du j'aime - j'aime pas aux couleurs sépia ; mais le lourd Mary and Max n'en a même pas le rythme, et n'assume qu'à moitié sa tonalité de conte pour adulte, même avec son agaçante voix off et la distance qu'elle crée. Un conte de quelques pages, pas plus, sans contenu ni vraie sous-texte, la version longue d'un projet de fin d'étude dans une petite école de cinéma.

La patine grisâtre et indie n'est qu'un enrobage, et certains spectateurs apprécient ; les deux plus gros rieurs de ma séance étaient assis dans ma rangée. Mais point d'indépendance ici, rien qu'un formatage dans la case indie. Pitchfork annonçait la victoire du rock indie, omniprésent, inondant les films, les radios et même les salles de basket ; d'ailleurs, en Angleterre, on ne parle plus de rock, mais d'indie music, tout simplement. Juste un attribut, aucunement un gage de qualité ni d'authenticité, de sensibilité.

Pitchfork terminait sa tribune, excité, impatient les nouvelles voies qu'allaient pouvoir prendre l'indépendance, ses nouvelles définitions, les nouvelles tribus qui sauraient proposer une nouvelle. Mary and Max n'est certainement pas de ces nouveaux pionniers et ses mines sourire en coin m'ont profondément agacé.


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