24 mars 2009

Une tranche d'Angleterre contemporaine

Tamara Drewe 
by Posy Simmonds (2008)

Campagne anglaise, les haies le long des routes où ne peuvent passer deux voitures de front, verdure des près humides peuplés de vaches et de moutons, et de grandes propriétés agricoles plantées au coeur de villages paisibles. Voilà un cadre idéal pour développer des gîtes pour écrivains, havre de paix où ils pourront se concentrer sur leur écriture, leurs chapitres, leurs personnages et leur récit. Voilà une ambiance terrifiante pour des adolescents désoeuvrés, l'absence du plus petit événement. Les deux faces du calme...

Mais Tamara Drewe revient prendre possession de la propriété de sa mère et les choses changent, comme on pouvait s'en douter ; comment la venue d'une journaliste si séduisante ne pouvait-elle modifier l'équilibre sommeillant du village, surtout maintenant qu'elle est encore plus mignonne avec son nez refait ?

Le village et le refuge pour auteurs deviennent alors le cadre d'un ballet aux personnages très anglais, galeries d'archétypes du royaume britannique. La mère de famille dévouée aux cheveux gris, sortie d'un feuilleton de la BBC. Deux adolescentes aux bonnes joues et au goût pour la bière, dès leurs 16 ans. L'auteur à succès qui reprend encore et encore sa formule de détective privé, le bien nommé Dr. Inchcomb. L'universitaire américain à la mèche grasse par dessus ses lunettes. La rock star sombre à la barbe de trois jours et au regard so cute. La jeune fille sexy rédigeant des chroniques dans les tabloids.

Non, ces personnages bruts ne sont pas très surprenants pour le lecteur français, et pourtant, il est difficile de les imaginer dans un contexte bleu blanc rouge ; ils sont profondément britanniques, superbe tranche de société anglaise. D'autant que ces archétypes possèdent une épaisseur appréciable, dépassant la figure monodimensionnelle. Les figures s'interrogent, monologues, songent et cherchent avec une finesse agréable pour une bande dessinée, et le terme roman graphique prend toute son ampleur dans de tels ouvrages.

Cette profondeur est véhiculée par la construction libre et bâtarde du livre, qui mélange avec à propos les paragraphes rédigés et les cases dessinées, les fausses coupures de presse et les flash back introspectifs. Un dessin léger et doux, comme crayonné et coloré au crayon de couleur, qui transmet toutes les strates du récit, depuis les interrogations sur le couple aux moments d'humour à froid, le jeu médiatique ou la mort sous le piétinement des vaches, événement envisageable seulement sous la plume d'un grand auteur britannique.


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