6 mars 2009

Le plaisir pop coupable maintenant sur grand écran

Watchmen
by Zack Snyder (2009)

Pouvait faire dans la demi mesure pour transposer à l'écran une oeuvre riche et dense comme le comics Watchmen ? Bande dessinée sortie au milieu des années et qui allait influencer, semble-t-il, la majeure partie des bande dessinées de super héros qui allaient suivre : les hommes masqués entraient dans leur ère moderne, figures cyniques, névrosées, maladroites, parfois fascistes. Le tout présenté dans une histoire à tiroir jouant avec les codes pop et les limites du bon goût.

C'en est presque surprenant mais le film parvient, bon an mal an, à respecter l'esprit et la forme de l'oeuvre. Pour la forme, l'inquiétude n'était pas trop de mise avec Zack Snyder à la réalisation, auteur du monstrueux film de spartiates 300. Il remplit donc son rôle à merveille, dégainant à tout va les effets numériques et les costumes colorés, les effets de lumières, les travelling et les musiques pop les plus efficaces, même prévisibles. Le résultat est dense et fascinant, fourmillant de détails, parfois potache et à la limité du déséquilibre : une sucrerie de plus de presque 2h45 pour animer maniaquement les cases du comics. Les cases s'enchaînent quasiment identiques à celle du papier glacé, c'est heureux vue la puissance du livre.
Les quelques baisses de rythme correspondent à celle du récit BD, avec quelques minimes innovations dans l'excès : une scène de cul un peu trop dilatée peut-être, des combats souvent très ensanglantée. Complaisant ? Clin d'oeil très appuyé à la série Z ? Ces passages excessifs ne font que renforcer l'impression de plaisir coupable que donne parfois le film : tellement ridicule, tellement énorme, tellement divertissant - toujours guidée par cette volonté de condenser une mythologie pop américaine fascinante dans ses forces et ses faiblesses.

Mais par delà l'accumulation de clins d'oeils, de références et d'hémoglobine, la force de Watchmen tient toujours autant à ses personnages sombres. Le Comédien, tête brûlée désabusée et fascisante, maniant napalm au Vietnam et fusil à pompe dans les émeutes newyorkaise. Rorschach, maniaque caché derrière un masque de tâches d'encres, découpant en morceaux les pédophiles tout en refusant de céder à la règle du mensonge d'état, même apparemment bénéfique. Ces deux figures écrasent quelques peu de leur aura sombre et sans espoir les autres archétypes présents  ; impression renforcée par l'absence de charisme hors du commun des acteurs : professionnels, efficaces, se laissant guider par les personnages, sans véritable valeur ajoutée.
Bien sûr, le profond pessimisme du Comédien et de Rorschach peut un peu donner l'impression d'une philosophie d'adolescent rebelle, poussée à l'extrême de sa logique superficielle : humanité pourrie, . Mais d'une certaine manière, cette justice cynique fournit un écho cohérent avec les schémas presque surréalistes de la politique internationale des années 80, où l'équilibre de la terreur se comptait en milliers de têtes nucléaires des deux grandes puissances. Le pessimisme rebelle et adolescent manquait-il totalement de pertinence dans un monde où des cow-boys dirigeaient les plus grandes armées et les plus gros missiles, voire dans celui des invasions en Irak et des tortures illégales ?

Cette impression s'estompera peut-être après plusieurs mois d'Obama, mais l'avenir commence tout juste alors les Watchmen ont encore quelques mots à nous dire derrière leur costume de hibou et leur peau bleue scintillante.

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