11 mars 2009

Symphonie de couleurs et de sourire pour un Bonheur à l'ombre subtile

Le bonheur 
par Agnès Varda, avec Jean-Claude Drouot (1965)

Le bonheur, des couleurs éclatantes et une vie douce dans la banlieue parisienne encore provinciale. Fontenay-aux-Roses, au début des années 60, la campagne est à portée de main, de regard et de chaque week-end, et les bois accueillent magnifiquement François et sa famille tous les dimanches. Deux jeunes enfant jouant dans les herbes et faisant la sieste sous les arbres, les parents peuvent rester tendrement étendus, et se réjouir de la douceur d'être ensemble, de ce bonheur de vivre.

Les images flottent, les couleurs sourient et les pique-nique n'acceptent de s'arrêter que pour laisser place aux déjeuners dominicaux dans les jardins familiaux. 
Voici une ville où il est impossible de parler sans sourire.

Sourire du menuisier empruntant la 2CV camionnette de son oncle, volant le quignon de pain d'une baguette, songeant aux lions du zoo de Vincennes, et souriant encore à la postière aux jolies barrettes sur ses cheveux blonds bien peignés, souriant au visage éclatant de la jeune fille, à sa parfaite amabilité. Oh, et en plus, vous allez bientôt déménager ? Justement à Fontenay-aux-Roses ? Quelle coïncidence.

Alors on partage un café sur une grande terrasse au soleil. On bavarde, on plaisante. Les clients aux autres tables commandent une bière magnifiquement blonde, une menthe à l'eau, un mystère au chocolat. Le regard saute du visage aux écriteaux, des petits détails aux alentours, l'oeil accommode au loin ou sur son épaule, sur la droite pour ne voir que la moitié du regard vert sous les mèches blondes, capture une cigarette allumée tout près ou le panneau d'une bouche d'incendie. Un rêve surgit, éclair, une autre image, tout est léger, et les images tourbillonnent dans le soudain silence, Mozart s'est tu pour quelques instants, mais la ronde ne s'arrête pas et les visages toujours plus éclatants dans la découverte de cette rencontre.

Et, somme toute, "le bonheur, ça s'additionne", n'est-ce pas ?
Alors, François aime Emilie comme il aime Thérèse, sa femme. Il aime les deux, et il n'y a aucun problème à cela. Il aime la douceur de Thérèse, sa tendresse, sa vie avec les petits et leur famille qui s'installe joliment. Il aime Emilie, radieuse, attirante, qui fait bien mieux l'amour et s'amuse plus dans l'amour. François aime les deux femmes, "c'est bête de se priver de vie, d'amour". Et les dialogues sourient encore dans toutes les bouches, la jalousie ne semble pas exister à Fontenay-aux Roses en 1965 et tout le monde danse au bal le samedi, les couples tournent sans fin, et François avec Thérèse, et François avec Emilie, et François avec Thérèse.

La longue bande claire du bonheur dont les couleurs ne prennent jamais de repos, n'élèvent jamais la voix et ne semblent jamais se trouver face à des soucis, des problèmes.
François peut même parler de son nouvel amour à sa femme et les voici faisant aussitôt l'amour dans la forêt pendant la sieste des petits.

Le drame n'est qu'un battement de coeur s'accélérant soudain, et rapidement contrôlé. Les incompréhension des pêcheurs face à la recherche, les gémissements d'un enfant, un ralenti ressassé trois fois dans le silence d'une forêt, deux bouquets de fleurs jaunes sur une terre sombre, dans une ombre un peu plus présente.
Au milieu du bonheur, le drame n'est que changement de couleurs des habits, la chemise à carreau brune côtoie la robe de chambre violet sombre dans des tableaux inimaginables l'été. Mais bien vite reviennent les toiles bleu lavande et les pull moutarde pour l'automne, les teintes n'éclatent plus de rire mais sourient encore. Au milieu du bonheur et de l'amour que l'on ne peut perdre totalement, l'angoisse se dissipe comme une veste sombre que l'on repose dans l'armoire, superficielle, incapable d'attaquer la certitude de cheminer joyeux et sans reproche, sans aucun reproche, à nouveau en famille.

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