by Gus Van Sant & Dustin Lance Black, with Sean Penn (2009)
Harvey Milk, premier homme politique ouvertement homosexuel à être élu, fut assassiné à la mairie de San Francisco en 1978, un an environ après sa prise de fonction. Gus Van Sant et le scénariste Dustin Lance Black trace l'épopée politique de ce précurseur, parti du quartier gay de Castro pour atteindre la mairie ; cheminement passionnant pour son implication pour la reconnaissance des droits homosexuels et son modèle d'engagement. Cette biopic subtile offre une superbe reconstitution des années 70 dans la ville du Golden Gate Bridge, brasse image d'archives, cheminement des figures impliquées, exemple vivant de la question du droit des minorités.
Cette vivacité et cette variété permette d'éviter les limites terribles du biopic, focalisée sur la fidélité de la reconstitution et des maquillages, sans parvenir à offrir grand chose d'autre. Bien entendu, Sean Penn est magnifique par son incarnation de Harvey Milk, distillée avec finesse et variation, performance impressionnante par son amplitude ; le ravissement du spectateur ne tient pas à la simple estime de découvrir le grand mâle se glisser dans la peau sensible de l'homosexuel, c'est une personne complexe et vaste qui navigue sur l'écran, passionnée, rusée, charismatique et tourmentée. Une vaste palette similaire a été utilisée de la même manière pour l'ensemble du film, convoquant les moments intimes, les archives télévisuels, les joutes verbales, les discussions politiques, le plaisir esthétique d'images en contre-jour ou d'arrière-plans flous. Bien entendu, le film affiche son engagement envers les droits homosexuels, mais la multiplication des angles d'approche crée un effet rappelant celui fourni par Elephant du même Gus Van Sant : proposer au spectateur des éléments, des propositions d'explications et des pistes, sans surligner ni toujours trancher.
Car l'aspect le plus fascinant du film tient à sa présentation du jeu politique, fournie par l'intermédiaire de la riche personnalité de Harvey Milk. L'engagement du film pouvait faire craindre une hagiographie, suivre le fil de la victoire de la justice sur l'obscurantisme, le dépassement linéaire et idéalisé des embûches. En effet, Harvey Milk parvient peu à peu à donner du poids à sa cause, mais pas à la manière d'un sur-homme lumineux. Il milite, il comprend les ficelles du jeu politique ; sa victoire politique tient autant à la justesse de ses discours et son charisme naturelle qu'à sa faculté d'adaptation. S'allier aux syndicats par des actions communes. Raser sa barbe et passer un costume plutôt qu'un pull moulant. Supporter une loi anti-grotte de chien pour sortir de son rôle monodimensionnel de militant cloisonné. Se rendre au baptême du fil d'un autre élu pour souder leur lien en vue de votes serrés. Mise en valeur de l'importance de la pratique politique, pour manipulatrice et rusée qu'elle puisse sembler au premier regard ; sans sens de la présentation, sans capacité à communiquer intelligemment ses vues au grand public, le plus puissant théoricien ne parviendra jamais à faire avancer les choses.
"Nous devons convaincre 90% de la population que nous, les 10% restants, avons raison dans notre combat". Voici un magnifique résumé de la pratique politique : définir des règles justes, mais aussi savoir faire sentir cette justesse à la majorité, la faire comprendre et la rendre évidente peu à peu, même si la majorité n'est pas toujours touchée directement par ces questions. Cette effort de conviction peut passer par la démagogie, comme le rappellent les archives télévisées du film à la rhétoriques proches de celle des plus superficiel néo-conservateurs. Elle peut aussi passer par la pédagogie, la capacité à rester ouvert au monde et à l'écoute, le sens du compromis et ce petit grain de finesse dans la communication politique à la limite de la ruse. Ces qualités ne font-elles pas écho aux points fort d'un certain Barack Obama ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire