by Alain Resnais, avec Delphine Seyrig & Giorgio Albertazzi (1961)
L'orgue improvise et l'image fait défiler un ballet de silhouettes immobiles, silencieuses, en noir et blanc. L'oreille capte deux phrases quand la caméra glisse à portée des couples, bribes de dialogues incongrus, détachés de tout contexte, ridicules et inquiétants comme l'enregistrement sur bande des bavardages incohérents d'un dîner entre amis. Un palais et ses mannequins retirés, élégants dans leur smokings et le cheveux finement peigné, ils jouent aux cartes ou parient, ils bavardent aussi ; mais la plupart du temps, ils restent immobiles, décor humain plus statique que les décorations vivantes du riche palais allemand. Paravent de corps plantés dans les allées, aux ombres comme piliers, et seule la caméra reste dynamique, flottant et virevoltant, magique ; Alain Resnais la laisse superbement respirer comme toujours.
Une caméra papillonnant dans un décor d'ombres de cires, l'orgue hante les images aux contrastes gothiques, et un couple flotte au ralenti lui aussi. Souvenez-vous, nous nous sommes croisés l'an passé, à Marienbad, auprès de cette statue mythologique ; vos yeux lointains, inquiets, et votre rire soudain. Elle ne se souvient pas. La photo ne prouve rien. Le décor de la chambre blanche non plus, il n'y avait pas de grand miroir dessus la cheminée, je n'ai jamais possédé de peignoir blanc. Elle résiste, elle nie, elle l'écoute car il raconte encore et encore, les fragments minutieux et détaillés ; vous n'aviez jamais l'air de m'attendre, vous ne m'attendiez jamais, mais nous nous retrouvions toujours, marchions dans les jardins, le longs des lacs. Je ne suis jamais allée à Marienbad ; dans une autre ville alors.
Spectres figés, bougeant à peine, mécaniques, et les deux fantômes surgissent ici, marchent dans un couloir peuplés et maintenant vide ; le noir et blanc joue de tous ses contrastes, blanc surexposant la chambre immaculée, ombre du bar noyant tous les danseurs sauf leurs cheveux brillants, les sourcils dessinés longs et charbonneux de la femme. Partir, attendre un an encore ? Tenter plutôt de gagner au jeu des 1 3 5 7 allumettes ? Plutôt mobiliser encore et encore les souvenirs, les images gravées dans la mémoire et qui pourtant deviennent, parfois, maintenant, en bout de course, qui deviennent, c'est étrange, plus flous, indéterminées.
Une immense palette d'images, de mouvements, de théâtralité pour présenter la folie amoureux d'un souvenir passionné ; angoissant, profond et mystérieux comme un amour fou, enivrant et déboussolant et superbe.
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