15 mars 2009

La loupe intime est un appareil sensible pour présenter une question sociale

Welcome 
de Philippe Lioret, avec Vincent Lindon (2009)

Calais, dernière épreuve avant d'atteindre l'Angleterre, les immigrés serrent les dents pour dénicher le passeur et le camion adéquat. Mais quelle dernière épreuve que cette Manche à franchir, Bilal le découvre assez vite ; après 4000 kilomètres à pieds depuis le Kurdistan, ce bras de mer résiste et les contrôles sont serrés. Tourné vers son but, ivre d'abnégation, il va perfectionner son crawl et rejoindre l'île anglaise à la nage, par ses propres moyens ; c'est ainsi qu'il rencontre Simon et fait découvrir au maître nageur la réalité des clandestins de Calais, la brutalité de la répression et des contrôles, la dureté de leur quotidien.

Scénario limpide et clairement posé, voici une tranche de réalité de notre société des mouvements globaux et de prévention policière, présentée à travers les figures du jeune kurde et du maître nageur d'âge mûr. Aborder un grand problème en suivant à la loupe une situation individuelle, voici une approche classique, et le film suit la méthode à la lettre, l'incarnation pour placer les problématiques à échelle humaine. Tout l'équilibre du film se joue dans le dosage entre les histoires respectives de Bilal et Simon, clandestinité de l'un, divorce pour l'autre, la subtilité du suivi du personnages, et l'espace laissé aux éléments de réels tels que les contrôles policiers ou le travail des bénévoles.

Jeu délicat, bien entendu, et il n'est pas rare de s'interroger sur certains choix. On peut comprendre l'isolement et le chacun pour soi des clandestins, mais pourquoi une si faible présentation d'autres réfugiés ? Pourquoi cette scène dans la cuisine avec l'ex-épouse, et au contraire pourquoi si peu de temps auprès des bénévoles ? Pourquoi ces accords de piano larmoyants bien insistants ?
Mais ces reproches sont assurément induits par les attentes soulevés par le film, et les exigences qu'on lui assigne en terme d'ambition ; on ne parvient pas à apprécier la justesse de la tentative de traversé, caché dans un camion un sac plastique sur la tête, ou l'impression d'authenticité des interventions policières présentées. Le genre de film où chacun pourra trouver quelque chose à redire, caricature légèrement trop appuyée ici, regard un peu trop triste de Vincent Lindon là ; ce qui devrait générer une certaine retenue à saluer à sa juste valeur ce que le film livre, car l'enthousiasme induit fait songer à tout ce que le réalisateur aurait pu proposer également. Cela prouve tout de même la part de réussite de l'oeuvre, pour imparfaite qu'elle soit, qui ose introduire un message engagé dans un film touchant un large public. 

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