27 février 2009

Douceur d'un film simple en banlieue

de Claire Denis (2009)

Un homme vivant seul avec sa fille d'une vingtaine d'années, et leur vie s'écoule pleine de tendresse et de douceur, juste la petite inquiétude de l'age adulte qui arrive... Et le film glisse lui-même tout doucement pour observer les êtres et les choses avec finesse. Les paysages de banlieue parisienne. Le long glissement des RER sur les rails. L'émotion d'un départ en retraite. La douceur d'un slow dans un minuscule restaurant malien. Les images et la musique déposent patiemment les situations sur l'écran et le spectateur peut observer la belle évolution de ses regards, silences et paroles quotidiennes. "C'est très bon. Comme toujours", dit le père en mangeant debout son dîner. Et cette tendresse quotidienne dégage une humanité fraîche et simple...

26 février 2009

Carnet d'expatrié humanitaire en bande dessinée

Chroniques birmanes
de Guy Delisle (2007)

Des chroniques pour raconter un an d'expatriation en Birmanie : quelle chance de vivre avec un docteur de Médecin Sans Frontière quand on est auteur de bande dessinée comme Guy Delisle. Plus de 250 planches au trait fin lance discrètement, et avec humour, de nombreuses pistes passionnantes. Sur la Birmanie, bien entendu, avec sa dictature aveugle et bête. Sur l'engagement des ONG, présenté à toutes les échelles, depuis les mission jusqu'à la vie quotidienne de l'expatriation. Cette question du quotidien constitue à elle seule une magnifique histoire, avec les fluctuations de la vie de famille, les coups de blues et les découvertes sans fin générées par un nouveau pays. Une lecture extrêmement plaisante et riche !

24 février 2009

Huit oscars pour un scénario de petit malin

Slumdog Millionaire 
by Danny Boyle (2008)

- Voici la preuve que l'on peut faire un très grand film avec un petit budget.

Je me permettrais de corriger légèrement ma voisine de séance en parlant d'un "joli divertissement sans budget astronomique". 15 millions de dollars ont tout de même été posés sur la table pour donner naissance à cette jolie sucrerie plongée dans la ville de Mumbai. A savoir l'histoire d'un jeune des bidonvilles qui grimpe peu à peu les marches de la fortune grâce au fameux jeu "Qui veut gagner des millions ?". Les plans de bidonvilles et du Taj Mahal alternent avec les images télévisées ou les poursuites de gangsters pour tisser un enchaînement de scènes plaisantes et de petites surprises scénaristiques.

Car il m'est difficile de ne pas voir en Slumdog Millionaire un bel exemple de film à scénario. Le rythme du film tient grandement grâce à cette alternance parfaitement troussée, les questions du jeu se voyant associées aux péripéties de la vie du héros, toutes les petites tragédies qui frappent les jeunes chiens des bidonvilles. Alternance à laquelle, je dois bien l'avouer, j'ai souvent eu du mal à adhérer ; que ce scénario m'a paru parfaitement ajusté, trop parfaitement et artificiellement ajusté ! Un scénario de petit malin dont les ficelles si fines m'ont vite fait lâcher quelques jurons dans la salle de cinéma. Les Trois Mousquetaires ! Les dollars ! Et les chansons ! Et le criquet ! Et mon cul c'est du poulet !

Les effets de réalisation de Danny Boyle m'ont également paru outrés, par moment, gratuitement surexcités, tirant trop vers le montage saccadé et cédant à la tentation du clip musical. Quelques jolis plans et séquences surnagent mais le mouvement d'ensemble sursaute trop souvent et choisi la voie de l'efficacité facile et rapide. Danny Boyle laisse trop rarement le temps au spectateur de regarder les choses, aux comédiens de faire vivre leurs personnages totalement, au récit de mûrir doucement.

Mais l'intérêt du film n'est certainement pas dans l'intériorité de ces personnages ou la beauté esthétique d'une histoire sans surlignage ; et ce n'est pas un problème. Slumdog Millionaire reste un bon moment de cinéma grand public, et les réserves tatillonnes de ceux qui cherchent leur idéal ailleurs ne changeront rien à son succès, plutôt rafraîchissant. 

23 février 2009

Immense mélo en technicolor

by Douglas Sirk, with Lana Turner & John Gavin (1959)

Questions racialles diluées dans un soap classique en technicolor ? Un peu, mais comment traduire en quelques mots la richesse et la puissance qui se dévoile peu à peu ? Le film s'écoule magnifique et surgissent souvent des scènes immenses, bluffantes, extrêmement intenses, où la violence transparaît dans le moindre geste, dans les détails de cette fresque parfaitement maîtrisée. La mise en scène parfaitement ajustée pour présenter la vie que l'on met soi-même en scène, la vie vide et imitée. Subtil, mystérieux, le film ne se livre pas brut, il s'écoule en son rythme propre, et même les scènes les plus évidentes gardent leur part d'ombre, leur interprétation sans facilité, leur richesse. Et la maîtrise atteint son sommet dans un final somptueux, offrant de nouvelles palettes à l'écoulement d'ensemble, une séquence fascinante et inoubliable.

21 février 2009

Une playlist sans pop songs faciles, une playlist pour le récit d'une nuit

Allo ? Juno, Nick & Norah ? Vous êtes jeunes, n'est-ce pas, libres, délirants et branchés ? Amateurs de musique, cela va sans dire, car qui ne l'est pas dans cette génération iPod, mais vous trois, vous êtes même des passionnés, des dingues de son et de mélodies sans contrainte. Vous écoutez une musique qui crie son indépendance à coup de chansons douces et de guitares acoustiques, de refrains sucrés et d'influences folk, découvertes au détour d'une page Myspace ou d'un blog de dénicheur de trésors.

Mais en ce cas, pourquoi votre bande son s'écoule-t-elle comme une vieille compilation folk, un ruisseau à une dimension ?

Peut-être est-ce dû au vieil adage du blogger sage : "un garçon qui prépare une compilation pour une fille est un garçon amoureux". L'esprit enfumé d'effluves romantiques et de sentiments roses aime à partager ses émotions musicales, ses coups de coeurs pour des morceaux tellement touchants, alliage de paroles juste et de mélodies parfaites. The perfect love song, le Graal du song writter pop, et où trouver de tels artisans de l'émotion et du sentiments, si ce n'est dans le rayon pop-folk ? Sur un label indépendant pour ne pas risquer de tomber sur quelque guimauve trop commerciale, tout de même.

En cette ère où la playlist folk sert d'étalon du bon goût musical, je me fixe un défi : ciseler une compilation sans chanson d'amour, sans même aucun morceau pop ni folk. Mais une compilation qui saurait procurer des émotions intenses, car la puissance d'un morceau n'implique pas qu'il parle d'amour.

Et, allant plus loin, j'aspire à un enchaînement des morceaux qui fasse sens. Que l'écoute du disque constitue un cheminement et trace une histoire à l'aide de ses tonalités, comme cet idéal éculé de l'album concept. Que l'ordre des morceaux influe sur l'expérience musicale à la manière de l'agencement des chapitres d'un livre ou des scènes dans une pièce de théâtre. 80 minutes pour raconter une histoire en une dizaine de morceaux sans chanson pop ; rien de vraiment commun avec les milliers de titres qui dorment sur le disque dur du téléchargeur paresseux, fichiers mp3 qui se voient réveillés au hasard grâce à la fonction de lecture aléatoire. Oui, la musique que l'on manipule sans support physique offre une plasticité sans limite alors sculptons la glaise mélodique pour rédiger notre nouvelle sonore.

Une nouvelle qui se déroulerait une nuit, la nuit de liberté offerte par le samedi soir. Début de printemps, envie de traîner tard dans les rues piétonnes d'un centre ville aux bars nombreux, redécouvrir dans cette tiédeur surprenante une aspiration au sublime . Une douce euphorie. Une envie d'euphorie, tout du moins, qui bat la mesure en sourdine dans ses tempes à peine ivres, la promesse d'un oubli ravi qui glisse par la fenêtre ouverte d'un bar ; promesse enivrante sous la forme de quelques accords de guitare qui tournent sans fin.

Il entre.

Le brouhaha plus fort au fond près du comptoir, les conversations tout près de l'entrée restent presque paisibles, montant doucement en régime au fur et à mesure des blagues, des anecdotes, des cocktails. Le murmure sensuel de la foule se déhanche lentement mais bat peu à peu du pied, claquettant, criant sa joie en bondissant plus haut. En aidant la température à monter elle aussi, les visages couverts de sourire et de sueur. La chaleur va continuer à peupler les lattes du plancher et les tabourets hauts, la chaleur va poursuivre son train et taper encore sur ses tam-tams débordants, poussant les pieds vers la rue ; chercher de l'air plus frais, courir fou sur tout l'espace d'une allée, courir vers une autre folie cuivrée et courir vers le monde qui bouge sur la hanche d'une femme.

Ainsi, un micro-bar cubain en sous-sol, lumière tamisée et cuivres déments qui jonglent avec les membres des danseurs, serrés comme dans un sac, tassés pendant à peine trois minutes. Un chahut où la foule bouge en bloc, se décalant de plusieurs pas, soulevant les plus légers, et il décide soudain de s'extirper un peu, faire une pause au bar. La danse glisse encore derrière son oreille, des danseurs raides et au garde à vous, voici l'impression qu'il a.

Depuis le coin sombre du bar, la danse ivre paraît soudain mélancolique, plaquant des paroles terrifiantes sur son rythmiques irrésistibles. Une musique aveugle rendant le passé et le futur douloureusement clair.

Voici certainement le premier coup de fatigue de sa nuit, légère baisse de régime et la jauge déprimée reprend quelques couleurs. Le moral instable, vascille, mais il se découvre une capacité nouvelle, un sens étrange, il entend des paroles pessimistes et terrifiantes au milieu de la musique, des dénonciations fortes et tellement imprévues dans une telle ambiance festive. Qui se soucie du Congo dans cette mère d'alcool et de débardeurs fluos ?

Ce n'est qu'un soupir, allons, quelles que soient ses douleurs, l'Afrique offre toujours de magnifiques musiques dansantes, des chants superbes sur des rythmes efficaces et nouveaux, et les drames s'effacent encore, s'effacent toujours, who cares et pourquoi faudrait-il s'en soucier précisément maintenant, cette nuit, lors de ces danses et tout près de cette mignonne blonde qui ne le regarde pas ?

Mais personne, en fait, n'ose l'observer franchement, aucune regard ne se pose longuement sur lui malgré l'énergie déployée et la profondeur de son ivresse. Danser, danser, seul aussi, ou même avec ses camarades silencieux, comme chaque semaine, des amis qui ne se parlent que pour commander un nouveau verre de tequila. Danser seul et songer, soudain prendre conscience que cette danse n'offre aucun partage, cette impression fugace se fait évidence incontestable ; il danse dans le vide, pour rien, il n'arrive pas à danser. Qu'il aille autant s'asseoir un instant et réfléchir un peu.

Problème de communication, défaut de finesse dansante et d'efficacité physique, il ne peut s'empêcher d'incriminer son éducation. L'éducation, le milieu dans lequel il a baigné enfant, bourgeoisie de banlieue aisée, tous ces codes, toute cette retenue et cette sensation d'une flèche du temps ; le sens de la vie, le sens de la réussite. On ne choisit pas son ghetto, mais le milieu social pèse de tout son poids, il appuie plus fort et plus inévitable dans les moments de doute, dans le coin reculé d'une boîte rose et cubaine.

Le ghetto, et tous les décors urbains en fait, scène bétonnée où défilent les gestes modernes et inévitables, un écoulement comme un long monologue. Peut-on s'échapper ? Peut-on murmurer autre chose que des paroles molles, tristes, résignées, les paroles de contes aux fins désespérées et dérisoires ?

Il est sorti sur le trottoir, il chantonne tout doucement, juste pour lui, assis sur un plot en béton. Il chantonne une mélodie d'à peine quelques inflexions, le psaume de sa nuit de danse sombre ; les plus belles danses sont mélancoliques, mais valent-elles la peine d'attendre toute une semaine avec excitation, valent-elles vraiment d'idéaliser les sorties du samedi et d'en déguiser le contenu ? Un masque pour seul solution, le masque de la semaine, le masque pour tout cacher et ne pas se mettre à hurler en songeant à son visage.

Il sourit. Ces moments de minuscule déprime sont finalement assez amusants, quand on y songe ; intenses et grandiloquents, rendus lyriques par l'alcool consommée et la fatigue d'une nuit blanche, et pourtant tellement prévisibles et injustifiés. Car le vrai bonheur d'une nuit d'ivresse aux milieux des pavés et des fêtes étudiantes, c'est le lever du soleil, le carillon des teintes et l'optimiste naïf de lumière renaissante. Come on.

Alors, face à cette redécouverte, le petit coeur bat de nouveau si vite, aussi vite qu'à l'orée de la folle nuit qui s'annonçait.


THE LITTLE HEART BEATS SO FAST
  1. The Field -  A Paw in my Face (2007)
  2. TV On The Radio - Shout Me Out (2008)
  3. Talking Heads - The Great Curve (1980)
  4. Pigbab - Papa's Got a Brand New Pigbag (1981)
  5. Liquid Liquid - Optimo (1981)
  6. Hercules & Love Affair - Blind (2008)
  7. Baloji - Tout ceci ne vous rendra pas le Congo (2008)
  8. The Very Best (Esau Mwamwaya & Radioclit) - Boyz (2008)
  9. TTC - (Je N'arrive Pas À) Danser (2002)
  10. Le Klub des Loosers - Sous le signe du V (2004)
  11. IAM - Demain c'est loin (1998)
  12. The Streets - Empty cans (2004)
  13. Minimal Compact - Disguise (1982)
  14. Sufjan Stevens - Come on feel the Illinoise! (2005)

20 février 2009

Roman espagnol sur la guerre du Vietnam : et pourtant, c'est fluide

A la vitesse de la lumière
de Javier Cercas (2005)

Javier Cercas nous conte à nouveau une expérience de guerre, cette fois au travers la magnifique figure d'un vétéran du Vietnam. Comme dans "Les soldats de Salamine", le récit se fait au travers de l'enquête que mène l'auteur, où se glisse se aventures de jeune auteur et sa découverte du succès. Bien entendu, il est tentant de comparer avec "Les soldats...", d'autant que la construction est assez similaire : l'effet de surprise est moins fort que pour le livre précédent, particulièrement car le Vietnam est bien plus souvent évoqué dans les livres ou au cinéma que la guerre d'Espagne. Pourtant, pris seul, ce livre reste magnifique, offrant une lecture extrêmement fluide et agréable.

19 février 2009

Psychédélique ? Big Beat ? Juste de la très grande pop musique

The Sunshine Underground
by The Chemical Brothers, from Surrender (1999)

Les Chemical Brothers sont un immense groupe de singles, un groupe à la puissance live impressionnante, piochant sans mal dans leur vaste bibliothèque de tubes. Un groupe capable de faire bondir sans mal une foule entière de fans de rocks parqués sur la pelouse d'un festival, en une épiphanie électronique surprenante et fascinante lors d'un ancien festival Rock en Seine. Un très grand groupe pop, en bref, capable de divertir efficacement mais avec une certaine classe.

Voilà à peu près ce qu'on pouvait lire jusque cet été dans mon encyclopédie pop personnelle, mes petits post-it intimes pour me repérer dans le monde de la pop musique moderne. Mais je n'avais pas bien saisi à quel point les Chemical Brothers étaient un groupe pop, un très grand groupe de passionnés de pop ; mais cet été l'album Surrender a tourné bien souvent du début jusqu'à la fin, le défilement de l'album offrant chaque fois toute sa richesse, tous ses détails.

Bien entendu, quelques singles sautent au visage et accrochent l'attention, tels Hey Boys Hey Girls ou Let Forever Be. Mais chaque morceau offre sa petite collection de clins d'oeils pop, de référence, des preuves simples des disques écoutés avec amour par les frères chimiques. Des détails à débusquer pour ravir l'amateur, petites percussions, son psychédélique, révérence envers les Beatles, synthétiseur électronique basique, chant cristallin d'une ballade surprenante, trois mots d'une voix robotique. Le disque ne se contente pas des quelques rythmiques big beat à la mode, les sucreries s'enchaînent variées et les lèvres s'y trempent sans cesse en tournant le bouton du volume vers le haut, pour suivre les sentiers sur lesquels il nous emmène délicatement mais avec 

Et tout au milieu du disque surgit tout en douceur un morceau. Je n'avais jamais compris pourquoi un groupe avait pris le nom de Sunshine Underground, il y a quelques années. The Sunshine Underground, 8 minutes d'une mélodie toute douce aux couleurs vives mais légèrement effacées, un vieux film au technicolor saturé et usé qui tourne un peu plus vite, peu à peu, pour laisser éclater sa joie dansante à mi parcours. Des souvenirs de trips drogués des années 60 mais sans nostalgie lourde, transplanté sans brusquerie dans les clubs des années 90 mais aussi dans un superbe album, un album cohérent, un apnée ravie d'une heure environ.

18 février 2009

Le genou attire et déboussole une barbe expérimentée

Le genou de Claire
d'Eric Rohmer, avec Jean-Claude Brialy & Aurora Cornu (1970)

- Je ne crois pas à l'amour sans amitié.
- Peut-être. Mais chez moi, l'amitié vient après.
- Avant ou après peu importe. En tout les cas il y a une chose très belle qu'on trouve dans l'amitié et que j'aimerais bien qu'on trouve dans l'amour, c'est qu'on respecte la liberté des autres, il n'y a pas cette idée de possession.
- Je suis possessive. Horriblement possessive.

Eric Rohmer sait tisser doucement d'exquises situations sentimentales. Les personnages évoluent patiemment, à leur rythme, se cherchent et se testent à l'aide de longs dialogues, comme cette échange entre une adolescente de 16 ans et un Jean-Claude Brialy barbu et presque marié. Dialogues écrits, théoriques, au style clair et recherché qui décontenancent toujours un peu en début de film, puis envoûtent lentement en distillant leur profondeur.

La légèreté de la forme porte doucement la richesse du propos et des rapports, et même ici, du système narratif, finalement fort sophistiqué. Amitié câline et chaste entre le presque marié et une vieille amie romancière qui avoue le prendre pour cobaye : n'est-il pas passionnant, pour un auteur, de voir les réactions de ce ancien séducteur presque marié, confronté à l'amour passionné d'une gamine de 16 ans ?

La barbe fournie et les cheveux noirs et soyeux caressent peu à peu la fille à la mèche étrange et aux jambes trop fines, caressent, promènent, embrassent, et caressent encore, avec moins de recul, le genou mince et frais de la soeur plus séduisantes. Un genou, rien qu'un genou fléchi sur le barreau d'une échelle d'où l'on cueille des cerises pas vraiment mûres, jetées dans un chapeau de paille sur le bord du lac d'Annecy. Genou adolescent, torse bronzé des beaux superficiels de même pas 20 ans aux cheveux bouclés, et barbe du séducteur philosophe, et accent roumain de la romancière à l'esprit subtile ; les paroles dansent et la caméra filme de plus en plus à contre-jour, le sirop doux des sentiments s'écoule sur ces pensées batifolant entre moral et plaisir esthétique. Le joli conte d'un genou qui a ensorcelé une barbe.

17 février 2009

La fluidité magnifiquement pessimiste de Robert Siodmak

Criss Cross
by Robert Siodmak, with Burt Lancaster, Yvonne de Carlo and Dan Duryea (1949)

Another classical film noir with crooks, femme fatale, gangsters and flashbacks and, obviously, without hope. But the actors and direction are terribly impressive, bringing an impressive and pessimistic depth to the movie. Burt Lancaster makes his large body look so fragile and weak, dominated by his crazy and obsessive love for his cruel and manipulative girlfriends. But the directing ideas are even more impressive than the acting with a couple of striking effects. Blured screen when the characters are fainting, explosions and thick smoke during the roberry, and above all, a fantastic dance scene. The Brazilian flute makes the camera fly around the dance floor, looking again and again at the dancing girl and the spectator is as mesmerized as Burt Lancaster...

16 février 2009

Un classique monstre de la bande dessinée de super héros

Watchmen
by Alan Moore & Dave Gibbons (1987-88)

Le Comédien vient d'être assassiné, et ses anciens camarades super-héros s'interrogent : y a-t-il un complot contre eux ? Superbe comics de super-héros, à la construction ambitieuse et aux références multiples. Apparaissent ainsi des échos issus du film noir, des la science fiction des années 50, des angoisses atomiques, le Vietnma, ainsi qu'une magnifique bande-dessinée de pirate qui se glisse entre les cases. Watchmen joue avec les codes du comics, avec les références morales, avec la violence qui surgit dans de nombreuses cases ensanglantées. Pur plaisir pop à peine coupable, à la richesse fascinante.

15 février 2009

Un carnet de petits dessins pour piéger quelques mois d'amour

Unlikely
by Jeffrey Brown (2003)

Tracer quelques mots et quelques lignes sur un carnet pour capter une histoire d'amour. Tenter d'en saisir, à l'aide d'une poignée de précipités, les saveurs variables et évolutives, la surprise de la rencontre, les longues conversations téléphoniques, les sourires, les accrocs et les instants de redescentes. Convoquer une palette de moments, courts et beaux comme des photos, car une relation, est-ce vraiment autre chose qu'une poignée d'instants qui se sont enfilés peu à peu le long de notre chaîne ?

Obsession contemporaine, assurément, risquant souvent de dévier vers le nombrilisme et l'auto-apitoiement, l'histoire qui n'a de valeur que pour son auteur et les paresseux avides de voyeurisme. Auto-fiction, et certains amateurs de littérature tournent déjà la tête et s'enfuit en courant pour replonger dans leur grande et belle fiction. A l'aide, les auteurs ne pensent plus qu'à eux-mêmes !

Mais certains savent offrir de jolis pièces et construire une démarche artistique surprenante, fine, puissante. Un regard sur soi-même, mais en même temps, un regard sur le monde qui nous entoure, sur la vie moderne, sur les tiques de chacun, sur les goûts populaires. Sur notre manière de vivre, de ressentir et d'aimer. Autobiographie, certes, mais touchante et riche en profondeur, et dont les moyens font eux-mêmes sens. Comme les traits maladroits de Jeffrey Brown dans ses carnets amoureux, plus de deux cents petites planches comme griffonnées au jour le jour, où les cases sont bancales et les personnages pourraient être presque dessinés par la petite cousine aux feutres colorés. Des histoires dérisoires où il joue à la Playstation en attendant sa copine, avec laquelle ils vont regarder une vidéo ou manger dans un fast food, une enfilade d'anecdotes que chacun retrouve dans les histoires de ses tendresses.

Un trait simple pour piéger sans l'apeurer la sensibilité au jour le jour. Les instants étendus à deux dans l'ombre, un clair obscur de cases rayées de traits noirs obliques. Les larmes qui coulent comme un trait tremblant mais juste un trait, sans ombre presque, rien qu'un fil. Un carnet intime où finalement, l'important n'est pas de dessiner superbement ou d'écrire parfaitement, mais juste de laisser quelques notes un peu organisées, les maladresses se voyant comblées par la force des souvenirs associés.

Au cinéma, il n'est plus surprenant d'être ému devant un film à la caméra tremblée et l'image sale et mal finie. En bande dessinée, ce n'est plus trop surprenant, bien entendu, mais il reste toujours fascinant de se découvrir une telle émotion devant un vague dessin de voiture solitaire, perdue sur un parking, une immense métaphore en quelques traits un peu trop épais dans un carré même pas droit. 



14 février 2009

Aimons follement et avec fantaisie pour une St Valentin punk

La galerie s'étend tout près de deux terrains de volley-ball sur goudron rouge, deux terrains de hand en arrière plan, dans une infime grisaille d'hiver. Blonde, fine, petite même, avouons-le, et appuyé sur les barrière, les longs cheveux bouclés jusque dans le dos par dessus le manteau. Même pas encore quatorze ans et voici un premier souvenir de St Valentin, première sensation d'un jour particulier, d'une ouverture au sentiment et d'un imaginaire collectif vague. A l'objectif peu clair. 

"Valentine's day is a holiday invented par greeting cards compagnies to make people feel like crap."

Presque dix ans plus tard, le murmure de Jim Carrey résonne encore en voix-off, réminiscence du tout récent Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Oui, un jour sous forme de convention, une fête artificielle, c'est certain, mais j'appuie encore et encore sur le bouton pour relancer All apologie. Kurt Cobain grogne sans fin sur le bureau étudiant, je saisi peu à peu le mélange de rage et de détresse de Kurt. La boule dans l'estomac malade, le raclement remontant l'oesophage pour hurler avec une énergie folle, et une tristesse subtile, presque indécelable, très fine. Une fois dénichée la clé, je n'arrête pas d'ouvrir encore et encore cette boîte surchargée de spleen, le filigrane maussade glissé dans les mailles de la colère punk.

Mélancolique car le calendrier affiche 14/02, car c'est un jour où l'on doit se souvenir des fleurs, des baisers et des regards luisants, où le solitaire se sent obligé de surjouer un peu son chagrin. Autant le surjouer à l'aide d'un bras d'honneur de colère et d'irrespect à l'ordre établi.

Avec quelques années de recul, ce spleen grunge offre un magnifique condensat de mon rapport à la St Valentin. La St Valentin, symbole de ma principale angoisse amoureux, l'amour comme suite de règles, la check list dont chaque case se voit cocher peu à peu.  Suivre les lois. Les pratiques, les coutumes, l'amour doit s'écouler selon des lois invariables, des gestes nécessaires et les paroles douces qu'il faut. Convenues. Le règne du moment précieux et de l'écoute adéquate, pour aboutir à l'objectif : le couple heureux, le joli couple, la vie de couple. La belle vie à deux grâce à tout ce qu'il faut ; à un St Valentin réglée comme dans un rêve, petit cadeau et joli dîner.

Mais je ne veux pas poser le regard sur cette check-list, le livre de recette nécessaire. Certes, les recettes produisent des instants sublimes quand elles mettent en jeu des individus splendides ; "You kiss by the book" murmure Juliette après le premier baiser de Roméo, le baiser simple et juste beau comme dans un livre, et cela fonctionne et émeut. Pourtant, je n'ai plus aucune envie de découvrir ces recettes toutes faites.

J'aspire à un élan, une épiphanie sans St Valentin, une merveille imprévue et sans convention, autour de laquelle s'articulerait la découverte, l'instabilité, le consensus, les compromis et la grande passion folle, négociée le long du cheminement du quotidien. Une folle relation comme dans le film Un homme un vrai, un coup de foudre immense, un désir sur la pointe des pieds mais sans vraie hésitation, fluide et comme un pari au milieu de la foule, sans retenue, finalement.

Et puis, aussi, bien sûr, les hauts et les bas du quotidien, les disputes et les usures et le besoin répété, régulièrement, comme dire autrement de retomber amoureux. La stratégie du remariage permanent, comme dans ce film aux trois temps schématiques et magnifiquement équilibré ; coup de foudre, rupture cinq ans plus tard, puis retrouvailles folles cinq encore plus loin. Une trame schématique comme programme pour une relation sans tentations cul-cul, pour retrouver, dix ans plus tard, le frisson de partager un duvet dans la forêt en observant des coqs de Bruyères, perdus dans la montagne.

Une stratégie limpide et des enchaînements sur surprise, voilà le programme, mais aussi toute la fantaisie du film pour irradier le cheminement à deux, que ce soit pour quelques semaines ou pour une durée en rapport avec les guide de conduite de la St Valentin. Un grain glissé dans le quotidien, une remise en cause de l'ordre amoureux établi, infime punk de la romance, capable d'immense déclaration d'amour éternel un bol de gaspacho à la main, de plonger tout habillé dans l'océan pour une grande incompréhension douloureuse, ou de glousser barbu comme un coq lorsque le fil amoureux retrouve, ébahi, et incrédule, en fait, son déroulement extatique et passionné, son désir le plus basique.

Bien entendu, je doute qu'il puisse exister de relation moderne sans miettes épongées sur la table du salon ou sans sorties du samedi à l'hypermarché. Mais je n'en suis même pas certain, et j'aspire à croire encore et encore à une forme d'amour fou, à mettre en pratique avec fantaisie et second degré l'amour fou. Rien que l'amour fou. Pour pouvoir murmurer, comme Matthieu Amalric de retour de la retraite en forêt de De la guerre : "J'ai découvert un endroit fabuleux. Bouleversant. Où le bonheur se joue dans le combat, dans la guerre, dans le partage communautaire. Je veux te le présenter, je veux que nous y allions ensemble. C'est là que nous devons nous rendre tous les deux. Car je ne veux pas que notre couple, ce soit aller faire les courses le week-end à Leclerc".

La voix proche de mes lèvres répondra alors, doucement, instable : "Mais je trouve cela beau, aller faire les courses au Leclerc avec toi. Juste nous deux, ensemble". Et notre avenir se jouera entre l'amour fou extrême et l'amour fou qui rend beau le quotidien, sans aucun guide pour en fournir la recette du mélange.t

11 février 2009

Old wrestler and powerful feelings

The Wrestler
by Darren Aronofsky, with Mickey Rourke (2008)

Pro wrestling, fame, video games, and what next when you are growing old? Darren Aronofsky tells brillantly this classical story of an old man trying to find a meaning for his life after fame. The director has slowed down his hysterical longing for spectacular scenes and effects and focusses on the beating heart of the story, characters who are terribly humane. The discrete but sutbile directing is an ideal support for the performance of Mickey Rourke as a fragile old wrestler. The result is terribly moving, impressive for its ability to both describe modern aspects of the american society, as well as briging to life classical themes. The Ram on the stage, this is Moliere dying during his last show ; I would not have imagined crying in front of an old wrestler...

10 février 2009

Italian Disco et l'immense grandeur dansante de D.D. Sound

Burning Love
by D.D. Sound (1977)

2008 aura été l'année de réhabilitation du disco, voilà le buzz qui résonnait sur les blog critiques de références durant les derniers mois. Introduire sans honte des basses rondes, des riffs de guitare funky ou des cuivres enjoués, voilà qui remettait à l'honneur ce genre mal aimé des tenants du bon goût rock. L'étoile de la new wave s'était bien vue redorée il y a quelques années, l'appétit du dénicheur de trésors pop pouvait se tourner à nouveau vers le disco et la fin des années 70. Tournant affiché par quelques gros vendeurs dans les hits parades anglais, mais surtout par les louanges unanimes entourant Hercules & Love Affair, qui mérite mieux que quelques mots dans un cours texte.

Le courant d'air de la hype ne m'a vraiment frappé qu'à la lecture d'une longue chronique parue dans Pitchfork : "n'oublions pas que le disco avait infiltré toute la musique pop américaine à la fin des années 70, une révolution uniquement comparable à celle de la pop au début des années 60 !"

Hormis le retour de gros tubes oubliés ou l'apparition de vieux clichés musicaux dans les hits récents, de tels retours donnent lieu à de magnifiques rééditions, des compilations riches en trésors cachés et joyaux oubliés. Ainsi, ma médiathèque proposait-elle une prometteuse compilation sur l'Italian Disco. Le disco s'invite dans quelques boîtes de stations balnéaires italiennes grâce à une poignée de DJ américains : les vacanciers découvrent ébahis le principe du mix, une musique de pure dance, et quelques musiciens italiens décident de se lancer dans l'aventure. Claviers, rythmiques rondes et paroles à l'anglais minimal envahissent peu à peu les soirées italiennes et européennes. Pour le plus grand plaisir des vacanciers allemands, précisent les notes de pochette de la compilation !

Certains n'hésitent pas à présenter l'Italian Disco comme le chaînon manquant entre le disco US et la house de Détroit du milieu des années 80. Comment savoir ? Toujours est-il que les musiciens italiens impliqués dans ce courant possèdent d'amusantes cartes de visite, puisque la plupart ont participé au développement du prog rock dans la péninsule au début des années 70. Musiciens de studio hors pair, amateur de jam et d'un son léché splendide, ils savent sculpté de longues plages inimitables comme des sessions infinies de dance. Pour le plus grand plaisir des DJ, disposant là d'un matériel souple et riche, pour la joie des danseurs en short, mais aussi des amateur de musique immédiate mais un peu ambitieuse.

Ainsi, ce Burning Love de D.D. Sound est une petite merveille. Deux producteurs italiens apparemment installés à Munich que ces D.D. Sound, signifiant Disco Delivery Sound. Près de 9 minutes et 30 secondes, les paroles distillent un accent improbable, et le ruban s'écoule sans fin, poussant toujours plus l'auditeur vers le dance floor. Bonny M et les Villages People apparaissent alors dans leur véritable costume : héros du disco dans l'imaginaire collectif, mais simples artisans commerciaux par comparaison avec les passionnés italiens !

Pas le grand roman sur le 11 septembre

The good life
by Jay McInnerney (2006)

Présenté comme l'un des romans les plus justes en rapport avec le 9/11, et c'est une belle déception pour moi. Certes, le milieu du livre présente joliment l'état d'esprit des newyorkais après l'événement, upper-class et sauveteurs. Le premier chapitre ayant trait avec la catastrophe est d'ailleurs magnifique, très simple, court et poignant : un homme couvert de poussière croisant une femme dans la rue, dialogue comme irréel et indicible. Hélas, cette justesse est bien diluée au long du livre. Tout d'abord, avec la réutilisation des personnages de Brightness Fall. Tout le début du livre apparaît sans élan, très artificiel, la réapparition paresseuse des personnages de 1987, avec une forte impression d'attente : vite, que les avions percutent les tours, qu'il se passe enfin quelque chose ! Mais l'état de grâce littéraire post 9/11 ne dure qu'une demi-douzaine de chapitre, l'histoire évoluant sans génie vers une histoire d'adultère, d'adolescente riche et droguée. Les moins sévères y verront l'illustration d'une perte de repères et de la tentation conservatrice. Mais on peut surtout y voir un déboussolement de l'auteur, incapable de vraiment renouveler ses thèmes et sa forme, replongeant dans des terres qu'il connaît. Le grand livre sur le 9/11 est ailleurs.

7 février 2009

L'énergie brute de la Seine St Denis en 3 minutes

Seine St-Denis Style
by Supreme NTM (1998)

Bien entendu, NTM est devenu la bande son idéales des récentes émeutes de banlieue, ces soulèvements de jeunes en survêtements perdus dans les barres de béton, jeunes qui se mettent à crier leur mal-être d'une manière très directe. Tout un réflexe de journaliste paresseux dans ce bien entendu, dans cette bande son évidente, et un parallèle bien réducteur assurément : est-il vraiment juste de dire que tous les jeunes des cités écoutent du rap ? Correspondent-ils à l'archétype caricatural qui surgit dans l'esprit des auditeurs, ces candides qui ne connaissent de NTM que quelques clips lourds et les entrefilets des pages de faits divers ?

Raccourcie et paresse journalistique dans ce choix évident de titres âgés de plus de dix ans pour illustrer les images de cités. Mais réflexe symbole de la force de ces morceaux, qui ont été capables de condenser tout un imaginaire en quelques beats et quelques rythmes. Joli tour de force artistique, quand on y songe.

Et ce tour de force tient essentiellement à l'énergie fascinante convoquée par ce titre d'à peine 3 minutes. Trois accords de piano haletants, quelques petites percussions sèches, deux basses très lourdes en fond sonore simple, efficace, magnifique. Comme toute bonne production hip-hop, ce ruban offre un écrin sombre pour les éructions de deux MC stars, Kool Shen aux vers fins et rimes ajustées, et le grand Joey Starr plus bestail que jamais. Le sujet des mots en deviendrai presque accessoire, n-ième évocation à la gloire du département, la Seine St Denis. Mais les mots importes finalement, pièce clé dans la mythologie des banlieues, l'utilisation systématique de l'expression 9-3, le passage dans la langue courante de l'expression "c'est d'la bombe baby". 

Sans hésitation, un immense single des années 90, un éclair singlant, un morceau de culture à garder précieusement au chaud, une pièce centrale. Youtube ne dit rien d'autre : "French best rap".

Le dernier homme sur Terre se promène en racontant les légendes anciennes

Le dernier monde
de Céline Minard (1997)

Imaginons que toute l'humanité disparaisse soudain, en quelques minutes, sans violence ? Pschit ! Imaginons qu'un astronaute survive depuis sa station spatiale ? Argument simple, un poil schématique, mais Céline Minard explore toutes les possibilités de ce postulat, lançant son survivant dans un périple sans fin autour du monde. Découvrir, collecter les restes des civilisations, ranger la terre : voyager pour se chercher un sens, en condamné à la solitude à vie, et cette quête de sens implique un profond travail sur la langue et le récit, comme si seule la littérature permettait la survie. Les personnages imaginaires croisent alors les bribes sans fin de légendes perdues ou les épopées improbables et gigantesques de l'astronaute solitaire. On se perd souvent dans les fils de ce mélange étrange et dense, mais de magnifiques trouvailles surgissent souvent, construisant un édifice littéraire singulier capable de scènes précieuses. La plus saisissante restant le visionnage par l'astronaute des vidéos de surveillance d'un maul ayant capté la soudaine disparition humaine : séquence vertigineuse où l'absurde tragique se voit capté dans de banal rayons et quelques mauvais écran. Avec de tels éclairs, il est tentant de suivre les futures évolutions de cette Céline Minard bien originale !

5 février 2009

Du théâtre, du rythme, des dialogues, un scénario : mais que manque-t-il à un classique des années 50 ?

All about Eve
by Joseph Mankiewicz, with Bette Davis, Anne Baxter & Georges Sanders (1950)

Show business, oh monde cruel, peuplé d'immense talents artistiques et de brillants manipulateurs. Désenchantement contemporain ? Le constat était déjà féroce en 1950, quand la mignonne Eve, Eve l'ange pure et désintéressé, approche le milieu du théâtre newyorkais et son idole Margo. Inoffensif créature blonde naviguant doucement dans les méandres des intrigues et des luttes d'influence jusqu'à la reconnaissance suprême : devenir star...

Il est assez fascinant, près de 60 ans plus tard, d'assister au cynisme subtile mis en scène dans ce All bout Eve. Puissance critique que l'on retrouve dans d'autres perles en noir et blanc de Lubitsch, Billy Wilder, dans les films noirs des années 40, liberté de ton subtilement introduite avec classe dans des intrigues tissées au millimètre. Age d'or d'Hollywood... Grâce des enchaînements, fluidité des flashback et des changements de narrateurs, scénarios aux rebondissements fins, humour corrosif et sens de la formule, les 2h20 s'écoule superbement, grand divertissement profond.

Et par delà sa présentation acerbe du monde du show business, le film distille un amour du spectacle, un goût intense du théâtre et de la performance d'acteurs. Impression fournie par l'ironie brillante de Bette Davis et Georges Sanders, mais aussi par quelques scènes magnifiquement organisées. La jeune Eve est acceptée pour la première fois dans la loge de Margo la star, auprès de l'auteur célèbre et du brillant metteur en scène, et voici la petite chose amenée à conter son amer passé : la caméra tourne, recule, visant Eve et présentant les grands du show business de dos, assis au premier plan. Assistance de ce petit théâtre comme placé quelques rangs devant le public de la salle, et l'image joliment introduite reste longtemps gravée dans la mémoire...

4 février 2009

Une bonne playlist ne fait pas tout

Nick & Norah's infinite playlist
by Peter Solett, with Michael Cera & Kat Dennings (2009)

Here it is, Juno clones are coming. Same blueprint in soft version here: shy boy, dynamic tongue-in-cheek girl, but no pregnant girl here, only a small romance with a couple of 1D characters hanging around (gay friends, a drinking blonde, a dark rocker...) No more than an nice movie for long airplane journeys...
Oh, sure, there is the "infinite playlist", which is just an honest way to admit your main target: reaching #1 in Billboard with the soundtrack... The soundtrack is sooo cute, so classical in its selection of soft indie rock. In the 50s, rock'n'roll was dangerous and then became a commercial product in silly movies. Here is an example of the commercial indie-rock movie!

3 février 2009

Le chanteur lyrique est un voyageur de commerce sentimental

Un homme sentimental
par Javier Marias

Un trio devant vous dans le train, deux hommes, une femme mélancolique entre eux, le visage caché derrière ses cheveux roux. Des figures, des silhouettes clairement définies, aux traits évidents, tels qu'on puisse construire leur personnalité et supposer leur histoire. Mais quand, quelques jours plus tard, on rencontre un des deux hommes dans le bar d'un hôtel de luxe, quand on discute avec lui, on se trouve intégré soi-même dans le rêve et le récit imaginé, un se fait soi-même figure caricaturale et personnage typé. C'est l'histoire que présente Javier Marias dans ce roman subtil et finement écrit, l'histoire d'un chanteur d'opéra flirtant peu à peu avec une jeune femme diaphane croisée dans un train. Le récit progresse peu à peu émaillé de fines digressions du narrateur, à l'humour très discret, très froid, mais à l'ironie profonde et la fantaisie subtilement immense. Il est bien entendu question d'amour, mais on évoque aussi le parallèle entre les chanteur d'opéra et les voyageurs de commerce, on raconte la mort d'une ex chutant dans les escaliers en transportant de vieux livres, on découvre que les hommes d'affaires achètent l'amour de filles en se portant garant des dettes de leur famille. Joli moment de lecture qui donne envie de goûter à d'autres livres de l'auteur, d'autres livres ayant plus d'ampleur encore que ces 160 pages !

Magnifique divertissement, mais est-ce profond ?

The Curious Case of Benjamin Button
by David Fyncher, with Brad Pitt & Cate Blanchett (2009)

How can you love each other when you are not growing old in the same direction? A promising movie with fantastic actors, great director and a strong idea. No doubt, Brad Pitt is impressive with a wide acting span, and Fincher has learnt how to build impressive scenes without necessarily using incredible camera moves... Many formal ideas are impressive and the varied scenes slowly build high-class entertainment. But another striking aspect becomes slowly more obvious: this story is terribly blank, without deep and fantastic ideas. "You have to accept what you are", wow. Wouldn't have it been possible to build something more original with this promissing subject: growing old in a younger body? This movie might be worth a second viewing in order to judge it more precisely but up to now, it feels a bit overrated...