4 avril 2009

La musique d'une journée à Luminy, sous le ronronnement du soleil

La clarté légère d'une lumière jeune sur l'eau fraîche du matin, le jour n'est pas né il y a très longtemps et me voici près pour une journée agréable installé en haut d'une falaise au-dessus de la mer. Longues heures de vacances et de rêve, une mélodie de boîte à musique inonde ce beau moment qui s'annonce, une envie de chantonner et de murmurer ; laisser sentir le bien-être qui grandit, en le saupoudrant à peine d'une inquiétude pleine d'exigence. Attention, l'aube est sortie des draps il y a peu, la nuit froisse encore un peu les joues et tout semble beau et neuf, mais attention, soyons-en digne ; le monde garde un oeil sur nous, quelqu'un peut venir à tout pour nous rappeler à l'ordre : profite, profite de tous tes yeux.

Les jambes étendues sur la pierre blanche, le bourdonnement du vent fort mais souple, des bourrasques soufflent comme une ronde de jazz. Les caractères volent et les pages se tournent, en sourdine la mer en contrebas et un sweat-shirt posé sur les épaules, la matinée traîne et se déguste, un long ronronnement.
 
Un nuage à peine dans l'immensité bleue, il faudra les compter dans la journée.

Parfois, une phrase ou deux amusent, un paragraphe semble magnifique et rempli d'humour ; battement ravi et excité des mains et de tous les bras, communiquer l'énergie retenue par des gestes désordonnés et fous, par des blagues que soudain l'on se raconte tout seul en hurlant de rire à la chute, toujours surprenante et source de ravissement. Des contes bancals, des fantaisie cocasses, des femmes à barbe et des clowns marchant sur un fil au dessus des calanques pour mieux plonger dans l'onde. De telles fantaisies, c'est distrayant et frais et délicieux. 

Alors pour raconter au mieux, une guitare s'impose peut-être et il faudrait apprendre à en jouer pour la dégainer au mieux, laisser les accords boisés s'inviter à la fête pour soutenir les contes amusants et les comptines chantées en lisant. La barbe généreuse et les cheveux longs sous un feutre gris à rayures, on prendrait le choeur par la main et chanterait le plaisir de marcher plutôt que de courir ; et les trois voix féminines acquiesceraient en buvant leurs jus de fruits et finissant le sandwich du déjeuner, en croquant toutes trois dans une pomme rouge en reprenant en choeur les la la la parfumés à la pulpe généreuse.

Dans l'élan, l'ampli sortirait du sac à dos comme une colombe du microscopique chapeau d'un magicien, et la guitare se ferait plus électrique, la voix se rappellerait des bières bues depuis des années et les contes & ballades prendraient une teinte de papier de verre ; faire sentir sa maturité, sa capacité aux récits tristes des marins, aux histoires de monstres et de filles quittant l'homme au nez rougi pour le riche voisin.

Mais pas le temps de se rêver plus longtemps en singer -songwritter biberonné au bourbon, un bateau rejoint en ce moment le port et son équipe ravie entonne des chants espagnols en jouant de la harpe dans les cordages. Terre, terre, de retour, enfin de retour, jouons encore un peu de l'écho du large et de la grandeur des tessitures enrichis par les parois des falaises, et dansons encore et encore comme un équipage de mille âmes réjouies. La joie de la mer et du travail au soleil, à quoi peut-on vraiment aspirer de plus quand le beau temps est au rendez-vous et fait du labeur une copie à peine délavée d'un jour de vacances exquis à lire en haut d'une falaise ?

Et en haut de la falaise, le plaisir est plus profond encore car il se distille en solitaire, en écoutant les nuances du bien-être qui détendent les muscles et laissent le sourire s'installer, la solitude volontaire permet de s'écouter plus attentivement et plus paisiblement. Une longue ronde qui bourdonne encore et encore, une douce excitation et quelques infimes inquiétudes, une poignée de grandes questions ; rien de telle qu'une journée tranquille ou un séjour solitaire pour mieux se regarder et débroussailler les herbes, éclaircir les cartes et les boussoles. Pas que j'ai envie de vous oublier, non, mais j'ai juste envie d'être seul un moment, besoin de recevoir l'espace qui m'est nécessaire, et siffloter en regardant les choses et mes rêves en face.

Une vie comme une suite de délicieuses vignettes délicatement arrangées, où les mains battent l'une contre l'autre, les pianos rigolent et les cuivres n'oublient pas de danser eux aussi. Une voix claire pour dialoguer avec ses amis et toutes les personnes qui comptent, une voix propre et juste se fait entendre au milieu du mur des paroles alentour, comme celle d'un soliste de comédie musicale ; grande taille et larges épaules, métaphoriquement bien sûr, il s'agit de décrire la grandeur du coeur et la force d'affection qu'il faudrait être capable d'offrir. Grand pour pouvoir prendre tout le monde dans ses bras, et les rassembler, et nous prendrons tous le thé en sommet d'un superbe point de vue sur les calanques.

Une falaise et tout une journée de vagues superbes dans la lumière, une journée de belle lecture et de méditation ravissante, et voilà déjà les premières réflexions sur la puissance et l'importance des amis. Aspirant solitaire et songeant déjà aux autres même pas huit heures après d'avoir commencé l'expérience !

Mais voici le soleil qui rougit doucement, grandit en descendant sans se presser, une chute d'eau euphorique au ralenti, murmurant très fort : aimez-moi, adorez-moi, je suis beau, je suis grand et rouge, lancez une danse folle pour moi depuis le haut d'une falaise, une danse pour l'embrasement du soleil. Une danse à danser seule et saoul en battant le rythme d'un petit bâton sur une rambarde métallique. Un soleil tendre et amoureux, immense et rouge comme un coeur, un soleil féminin, qui coule et repeint tout, qui s'effondre et décompose ses mouvements pour mieux mimer sa chute dans l'eau, mieux laisser entendre son bourdonnement de chute comme une saturation instable sur le fond de l'oeil, une tache rémanente ; ce soleil, elle coule et elle attire le regard, elle est une chute d'eau.

Le silence qui suit l'extinction d'un coucher de soleil, c'est encore le coucher du soleil, c'est plus qu'un écho.

Il fait chaud encore, mais dans le noir, au coeur du crépuscule, encore chaud et bien plus frais, l'envie soudaine de repousser un peu la brise qui se pose sur l'épaule. Ranger les affaires dans le sac, sans trop réfléchir, machinalement et comme un robot, en murmurant un psaume païen, une complainte intime qui glisse entre les dents ; déjà la nuit, déjà le retour au lit et la fin de la suspension du temps dans l'éclat de la falaise, déjà l'ombre, et rien de changer depuis ce matin. Quelques miettes de bien-être et de sourire large ; pour quel changement ?

Alors quelques instants encore accoudés à la balustrade. Le regard au loin, les yeux projetés vers l'horizon invisible ; aucun lampadaire sur la falaise, nul phare visible à l'horizon, idéal pour se glisser dans une autre méditation de quelques minutes. Pour réviser encore une dernière fois les préceptes écrits en lettre. L'importance d'une ou deux personnes de valeur sur lesquels installer ses repères, des points de repères essentiels même si ces personnes disparaissent au bout de quelques semaines à peine, ou s'éloignent, car les gens passent aussi et même les personnes importantes ; des fantômes hantant l'esprit, mais pourquoi cesser de sourire quand le café n'en est en fait pas plus amer ? Et songer alors à ses amis, tous ses amis, dans leur plus large cercle, ici ou là et pas toujours auprès de nous, car chacun poursuit son plan et suit son courant. N'y a-t-il pas un compromis à trouver ?

La lampe frontale allumée maintenant, je pose prudemment les pieds sur les pierres de la descente. Je reviendrai encore, chercher le compromis et l'équilibre dans l'éclat des pierres blanches, je reviendrai en chantant encore ces claquement électroniques et cette microscopique boucle d'accord, le piano de tous mes amis.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'aime bien ton texte. comment as-tu fait pour mettre ces musique ? France

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