d'Eric Rohmer, avec Jean-Claude Brialy & Aurora Cornu (1970)
- Je ne crois pas à l'amour sans amitié.
- Peut-être. Mais chez moi, l'amitié vient après.
- Avant ou après peu importe. En tout les cas il y a une chose très belle qu'on trouve dans l'amitié et que j'aimerais bien qu'on trouve dans l'amour, c'est qu'on respecte la liberté des autres, il n'y a pas cette idée de possession.
- Je suis possessive. Horriblement possessive.
Eric Rohmer sait tisser doucement d'exquises situations sentimentales. Les personnages évoluent patiemment, à leur rythme, se cherchent et se testent à l'aide de longs dialogues, comme cette échange entre une adolescente de 16 ans et un Jean-Claude Brialy barbu et presque marié. Dialogues écrits, théoriques, au style clair et recherché qui décontenancent toujours un peu en début de film, puis envoûtent lentement en distillant leur profondeur.
La légèreté de la forme porte doucement la richesse du propos et des rapports, et même ici, du système narratif, finalement fort sophistiqué. Amitié câline et chaste entre le presque marié et une vieille amie romancière qui avoue le prendre pour cobaye : n'est-il pas passionnant, pour un auteur, de voir les réactions de ce ancien séducteur presque marié, confronté à l'amour passionné d'une gamine de 16 ans ?
La barbe fournie et les cheveux noirs et soyeux caressent peu à peu la fille à la mèche étrange et aux jambes trop fines, caressent, promènent, embrassent, et caressent encore, avec moins de recul, le genou mince et frais de la soeur plus séduisantes. Un genou, rien qu'un genou fléchi sur le barreau d'une échelle d'où l'on cueille des cerises pas vraiment mûres, jetées dans un chapeau de paille sur le bord du lac d'Annecy. Genou adolescent, torse bronzé des beaux superficiels de même pas 20 ans aux cheveux bouclés, et barbe du séducteur philosophe, et accent roumain de la romancière à l'esprit subtile ; les paroles dansent et la caméra filme de plus en plus à contre-jour, le sirop doux des sentiments s'écoule sur ces pensées batifolant entre moral et plaisir esthétique. Le joli conte d'un genou qui a ensorcelé une barbe.
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