11 décembre 2010

Lester Bangs, mythic critic of punk, gonzo writer (and so much more)





Psychotic Reactions and Carburator Dung 
The Work of a Legendary Critic: Rock'n'Roll as Literature and Literature as Rock'n'Roll 
by Lester Bangs (edited in 1986, articles from 1971 to 1981)


J'ai déjà parlé de Lester Bangs, le légendaire critique rock, après avoir lu le recueil Mainlines, Blood feasts and Bad Taste il y a quelques mois. Ce recueil était le deuxième rassemblant articles et textes de Lester Bangs, mort en 1982 à l'age de 34 ans. Psychotic Reactions and Carburator Dung est le premier recueil. Textes plus riches, moins dispersées peut-être que dans "Mainlines...".

Quoique. Lester Bangs était un écrivain à l'énergie folle, capable de se lancer dans des textes souvent improbables. On a ainsi droit ici au récit systématique de ses soirées de Nouvel An de 1971 à 1978, la dernière année donnant lieu à une déambulation étrange chez une fille bizarre, vaguement stone, peu motivée par le sexe ou par un quelconque échange... Le rock dans son sens le plus large, le rock, comme un style de vie : par ses textes, Lester Bangs a participé à la définition d'un esprit rock, dépassant les frontières de la musique. Le long compte-rendu sur le film de série Z The Incredible Strange Creatures Who Stopped Living and Became Mixed-Up Zombies laisse ainsi rêveur : comment Creem a-t-il publier un texte aussi long sur un tel film ? Un texte mêlant descriptions du film, réflexion sur les programmes présentés à la télé, une fantaisie sur une grève nationale pour la diffusion de films sur les grands réseaux : "Un groupe propose de passer tous les films de l'histoire par ordre chronologique, certains ne quittent plus leur écran télé, fascinés par le projet"...

Le rock au sens large, le rock comme moteur, comme état d'esprit, comme nourriture vitale et comme source d'écriture, générateur de textes, de nouvelles approches écrites.

Car nombreux sont les textes fascinants dans ce recueil, pièce continuant sans fin, dissertant, et innovant dans leur forme même. La fascination de Lester Bangs pour le personnage de Lou Reed est connue, mais elle apparaît évidente dans le texte Let Us Praise Famous Death Dwarves, or, How I Slugged It Out With Lou Reed and Stayed Awake, publié dans Creem en 1975. Lester Bangs y raconte son interview avec son héros, anxieux, tendu, à cause de la réputation de Lou en interview, mais aussi à cause de la vénération de Bangs pour son héros. Tension telle que Lester Bangs s'est présenté à l'interview passablement drogué, un face-à-face surréaliste entre deux monstres du verbe dans des états seconds. Joute verbale, dialogue décousu, entouré d'une faune étrange suivant Lou Reed, entre un repas à table ou des herbes de dissertations nocturnes dans la chambre de Lou Reed. Une drôle de créature sur le lit ne cesse de rappeler l'heure dans la dernière partie de l'interview... L'article est devenu un classique, et a même droit à sa propre page Wikipedia...

Comme avec Lou Reed, Lester Bangs affiche ses préférences, ses goûts esthétiques, ses attirances en matière de rock, les explore ; et s'en sert pour créer à son tour ses textes, élargir le champ des seules chansons rock. L'article d'ouverture du recueil s'intitule ainsi "Psychotic Reactions and Carburator Dung - A tale of These Times", publié en 1970, une longue évocation du groupe garage Count Five. Le groupe n'a sorti qu'un seul album, brut, rugueux, tout à fait le genre de rock cher à Lester Bangs, loin des canons rock progressif de l'époque. Bangs fait de son texte une sorte de manifeste pour ce type de musique, pour cette recherche d'énergie brute et un peu bête, et tisse alors au groupe toute une légende, une trajectoire d'albums réussis ou progressivement décevants... Albums tous imaginés par ses soins, hormis le premier, bien réel... Un moyen pour Lester Bangs de présenter son idéal rock, l'énergie, la bêtise un peu bizarre, qu'il désigne par le terme punk.

L'article est souvent présenté comme la première utilisation du terme punk dans un cadre rock... Dès 1970, 5-6 ans avant les Ramones ou les Sex Pistols...

Bien entendu, quand la vague punk explose en Angleterre en 1976, Lester Bangs ne peut que se réjouir. Il a déjà loué le premier album de Patti Smith, mais le phénomène a plus d'ampleur, balayant tout le Royaume Uni. Dans un joli coup de génie journalistique, le NME propose à Bangs de suivre The Clash en tournée. Cela donne lieu à un article d'anthologie, étendu sur 3 numéros du journal anglais, et plus de 36 pages dans le présent livre. On y redécouvre le punk tel qu'il a explosé alors, dans ses premières tentatives Do-It-Yourself, les looks libérés à base d'épingles à nourrice ; vague esthétique et thématique classiquement associée au mouvement punk, de manière presque clichée de nos jours. 

Mais la fraîcheur de "l'histoire en train de s'écrire" est également approfondie par le regard de Lester Bangs, observateur séduit, mais gardant un certain esprit critique, un regard américain, témoin extérieur. Bien entendu, son séjour s'éternise, il est fasciné par l'éthique des Clash, insistant pour toujours discuter avec leurs fans, pour leur offrir de dormir dans leur chambre d'hôtel. Une parfaite cohérence entre le discours égalitaire des Clash et leur pratique, et Bangs s'en émerveille longuement, de leur goût pour la déconne, de leur intensité. Mais il ne cache pas non plus son malaise quand la déconne dégénère un soir, tournant à l'humiliation d'un fan par un roadie, sans qu'aucun membre du groupe ne s'interpose. Ecart qui marque fortement le journaliste et l'idéaliste rock, et il conte sans détours ses interrogations.

Ce long texte sur The Clash n'est pas le seul morceau fascinant sur le punk, vécu de l'intérieur et en direct comme supporter critique. Dans Death Means Never Having to Say You're Incomplete, Lester Bangs s'interroge longuement sur le fond du discours de Richard Hell, séduit par sa musique et son approche, mais sceptique quant au nihilisme ou à la fascination pour la mort du personnage . Il s'interroge également sur le racisme latent de la scène punk dans The White Noise Supremacists ; regard bien pertinent si l'on se rappelle des groupes punk fascites qui apparaissent dans un film comme An Amercian History X.

Mais le texte le plus déchirant sur le punk, ou le rock en général, surgit finalement, publié en 1977. Récit méditatif sur la mort de Peter Laughner, tout simplement intitulé Peter Laughner is Dead. Laughner était fan transi de Lou Reed, malade du rock, passionné fou ; il écrivit des critiques, joua dans quelques groupes punk naissant, posa sa voix sur les premiers 45 tours de Pere Ubu. Laughner est mort à 24 ans, détruit par l'excès d'alcool et boisson. Dans ses propres excès et passions, Lester Bangs semble saisi, exprime sa peine, son sentiment désabusé, "un gamin qui s'est tué pour quelque chose que les T-shirts déchirés représentaient dans le combat de ses émotions déchirées." Une peine et un embarras qu'il tente de transmettre sans jugement, sans chercher de grand coupable, sans proposer de vraie moral. Texte glaçant, lucide, un immense moment de rock, d'émotion, d'écriture tout simplement.

Car Psychotic Reactions and Carburator Dung n'est pas qu'un recueil sur le punk ou sur des passions de sous-culture comme Lou Reed ou les séries Z d'horreur. C'est un assemblage d'écriture magnifique, d'une quête de sens ou de vie ou d'élan, je ne sais comment dire, une énergie du texte catalysée par la musique, riche en invention, en recherche, en folie douce. Une lecture fascinante...  



Liens vers des articles de Lester Bangs



Quelques citations... (jolie liste visible ici)

I volunteer not to feel anything about him from this day out, but I will not forget that this kid killed himself for something torn T-shirts represented in the battle fires of his ripped emotions, and that does not make your T-shirts profound, on the contrary, it makes you a bunch of assholes if you espouse what he latched onto in support of his long death agony, and if I have run out of feeling for the dead I can also truly say that from here on out I am only interested in true feeling, and the pursuit of some ultimate escape from that was what killed Peter, which is all I truly know of his life, except that the hardest thing in this living world is to confront your own pain and go through it, but somehow life is not a paltry thing after all next to this child's inheritance of eternal black.
          -  Peter Laughner is Dead (1977)


As I left the building I passed some Latin guys hanging out by the front door. "Heard the news? Elvis is dead!" I told them. They looked at me with conteptuous indifference. So what. Maybe if I had told them Donna Summer was dead I might have gotten a reaction; I do recall walking in this neighborhood wearing a T-shirt that said "Disco Sucks" with a vast unamused muttering in my wake, which only goes to show that not for everyone was Elvis still the King of Rock'n'Roll, in fact not for everyone is rock'n'roll the still-reigning music.
          -   Where were you when Elvis died? (Village Voice, 1977)


Punk had repeated the very attitudes it copped (BOREDOM and INDIFFERENCE), and we were all waiting for a group to come along who at least went throught the motion of GIVING A DAMN about SOMETHING.
Ergo, the Clash.

What I am saying is that contrary to almost all reports published everywhere, I found British punks everywhere I went to be basically if not manifestly gentle people. They are a bunch of nice boys and girls and don't let anybody (them included) tell you different.
          -   The Clash (NME, 1977)


So now how do you see yourself, the adult Dick Clark? As a moral leader for youth?
"I'm just the storekeeper. The shelves are emptu, I put the stock on. Make no comment pro or con. Ivring Berlin said, 'Popular music is popular because a lot of people like it.' That does not mean it's good or it's bad - that's the equivalent of arguing the merits of hot dogs versus hamburgers. What the hell difference does it make?"
          -   Screwing the System with Dick Clark (Creem, 1973)


A good old answer by Lou Reed already published previously here...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire