3 septembre 2010

Joe Matt toujours plus épuisé, aux récits toujours plus squelettiques et fascinants



Spent
by Joe Matt (2007)

Spent est le dernier livre de Joe Matt, paru en France sous le titre Epuisé. Joe Matt poursuit la description de sa vie et de ses défauts, son côté radin, ses petites manies sales comme pisser dans le lavabo, ses amis dessinateurs Seth & Chester Brown. Et bien sûr, son obsession pour la pornographie, collection de vidéo, séances répétées de masturbation quasi-permanentes. Portrait honnête, voire volontairement négatif : un anti-héros sous forme d'auto-caricature bien dosée, assez fascinante.

Le matériel reste le même que dans les précédents livres édités, comme le recueil des planches parues dans Peepshow. Mais le style a évolué depuis les premières planches où des cases minuscules s'entassaient sans fin sur de larges pages. Ici, les épisodes sont décrits en détails, sous forme de 4 parties correspondant à 4 publications préalables dans le magazine Peepshow. Chaque épisode est s'écoule sous forme d'une scène unique, une sorte de plan séquence de plusieurs dizaines de pages, présentant soit des monologues de Joe Matt isolé ou de longues discussions avec ses amis. C'est humain comme du cinéma filmé avec délicatesse, prenant le temps de capter les mimiques, les réactions, les détails, les douces évolutions d'un dialogues. La finesse des peintures est renforcé par le style ligne claire, façon anciens comics, créant distance et familiarité.

Tout cela pour raconter quoi ? Les copies de cassettes vidéo porno, compilation que Joe Matt passe des heures à assembler pour couper toutes les scènes inutiles, tous les gros plans désagréables sur un mec un peu poilu : des best-of ultimes en VHS, concentré de jouissances lubriques potentiels. Difficile de ne pas sentir un peu de pitié face à ce personnage, vivant dans le dénuement, sans vraie technologie autre que sa télé, vivant très chichement de quelques contrats de BD ; pitié, léger mépris, interrogation : comment vivre ainsi ? Une vie aussi vide...

Le thème central du travail autobiographique de Joe Matt poussé dans ses limites les plus squelettiques. Plus aucun événements, plus aucune surprise, juste du détail, un art dérisoire poussé à son sommet le plus maîtrisé. Une sorte de perfection de sous-culture et d'une petit misère, une sorte de geste artistique étrange ; une BD à explorer.



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