14 août 2010

Les nouvelles jazz de Fitzgerald et leur légèreté acide

Six tales of the jazz age and other stories
by F. Scott Fitzgerald (1922 - 1925)

La nouvelle me semble toujours bien mieux mise en valeur dans le monde anglo-saxon, terre littéraire où des réputations entières peuvent se construire sur l'art de mijoter une histoire courte. Je n'ai pas l'impression que la nouvelle soit aussi bien mise en valeur dans le monde littéraire français. Il ne me vient pas facilement à l'esprit de grand assembleur de nouvelles dans le XXème siècle français ; test fortement subjectif assurément, en particulier un samedi matin, mais le test est plus concluant pour les auteurs américains. Selby Jr ou Raymon Carver sont des exemple évidents dans la deuxième moitié du XXème siècle, sans parler des princes de la nouvelle comme Fitzgerald.

Alors autant profiter du séjour en Amérique du Nord pour piocher dans les bibliothèques et goûter en version originale à quelques princes de l'histoire courte. Fitzgerald donc, allons-y.

Le recueil sur lequel j'ai mis la main offre un patchwork plutôt hétéroclite. Après vérification, 6 nouvelles sont en effet parues dans le recueil "Tales of the Jazz Age", composées entre 1920 et 1922, et 3 datent de quelques années plus tard. Une certaine rupture de ton se fait jour entre ces deux groupes, avec l'étrangement morale nouvelle "The Adjuster" : une femme trop fêtarde et égoïste devient peu à peu une bonne épouse après la dépression nerveuse de son mari. L'histoire est la plus tardive du recueil, datant de 1925, et il est saisissant de découvrir un récit bien plus fermé que les précédents.

Mais les mêmes étaient déjà présents dans les véritables contes de l'Age du Jazz, avec jeunes couples écumant les soirées, femmes avides de fêtes & sorties, les réflexions sur la vie moderne en couple, la jeunesse riche de la côte Est : comment construire quelque chose de durable quand on aime la fête, quand les femmes se veulent plus libres ? Mais le jugement s'affiche moins abrupte que dans "The Adjuster", histoires plus ouvertes, petites trouvailles ; rien qu'une question d'équilibre, entre les pensées sage d'un cousin sympathique et les élucubrations d'un oncle un peu trop je-sais-tout ; dans les deux cas, la légèreté règne, surtout avec l'alcool du repas, mais les conclusions de l'oncle sont juste un peu trop appuyées pour être sympathiques. Tout au long du recueil, le style est direct, simple, les dialogues glissent, et les pointes d'ironies ou d'humour s'infiltrent délicates & délicieuses, plus libres peut-être dans les premiers textes.

Fitzgerald séduit terriblement quand il explore des idées un peu folles, des décalages exquis offrant aux histoires un joyeuse originalité. Peut-être est-ce ce qui déçoit le plus dans "The Adjuster", l'histoire de couple assez démodée, quand d'autres nouvelles savent offrir des surprises sans trop d'arrière-pensée, valant presque pour elles-mêmes sans examiner leurs résonances sur la société ou la vie de couple. Une femme cloue au mur ses douze biscuits abominables au goût mais tellement décoratifs pour son pavillon de banlieue dans the "Lees of Hapiness". Dans, "'O Russet Witch!'", une mondaine fo-folle détruit un magasin de livres en les lançant en tous sens devant les yeux médusés d'un commis empoté ; le magasin neuf devra se reconvertir en échoppe d'occasion. Un jeune trentenaire à la vie pleine de succès écume les soirées de Nouvelle Angleterre déguisé en chameau dans "The Camel's Back".

Même "The curious case of Benjamin Button" séduit par sa légèreté, l'histoire cocasse d'un homme vieillissant à l'envers après être né vieillard et barbu. Il est saisissant de trouver une légèreté si distrayante dans ce Benjamin Button original, par rapport aux réflexions lourdingues sur la fuite du temps offertes par le film avec Brad Pitt. L'humour et les observations acides de Fitzgerald ne semblent pas moins profondes, et tellement plus élégantes & légères.

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