10 août 2010

Le perfectionnisme d'Owen Pallett à Osheaga

Owen Pallett in concert - July 31st, 2010 - Osheaga Festival, Montréal

Deux pincements de cordes sur le violon. Répétés. Répétés, rien que deux pincements, qui résonnent dans la grande scène. Coup d'oeil au sol. Archer à la main, une petite phrase musicale, répétée elle aussi, deux ou trois fois, en superposition. Coup d'oeil au sol. Les deux couches tournent toujours. Quelques autres coups d'archer. Tout en s'approchant du micro, le chant clair, limpide.

Il est assez courant maintenant de voir des formations réduites enregistrée quelques phrases musicales sur scène, pour donner plus d'épaisseur à leur spectacle. J'avais découvert le procédé en 2004 à Rock en Seine avec Nosfell ; cela devait donc exister depuis un moment. Bumcello ou Andrew Bird m'avaient ensuite ravi de leurs prouesses, deux duo à la virtuosité construite peu à peu, minutieusement, à coup d'enregistrements en direct, devant le regard du public. Mais Owen Pallett semble un cran au dessus de la reconstruction musicale : majoritairement seul en scène, ce sont de petites symphonies pop qu'il assemble doucement, patiemment, précisément.

Car son dernier album a été enregistré avec l'orchestre symphonique de République Tchèque, les arrangements remplissent plus d'une centaine de pages de partition ! Owen manie quelques Lego, doucement, sans se presser, et il doit reconstruire un petit Versailles !

Pallett est un petit virtuose, un véritable musicien classique à la formation de conservatoire. Il a oeuvré aux arrangements quelques grosses machines comme Arcade Fire, les Pet Shop Boys ou Mika, un précieux techniciens. Mais il tourne également seul, voulant explorer son oeuvre personnelle à sa manière, jouer sa musique seul, même s'il s'agit d'une riche musique pop lyrique, de chants presque démesurés. La technologie autorise ses ambitions artistiques. Ambition plus personnelle encore après ce dernier album, Heartland, le premier sous son nom propre après avoir usé du patronyme Final Fantasy.

L'ambition dans la musique, dans les paroles, dans la qualité du son, mêlée d'un humour sympathique, et d'un air d'étudiant encore frais. Etrange coupe de cheveux, rasée sur les côtés, avec une longue mèche frangeuse dans les yeux ; marcel léopard, remplaçant ses étranges chemises ou la bizarre casquette qu'il portait en février dernier pour le concert d'Outremont. Owen est un artiste, Owen est un peu bohème, vaguement alternatif : Final Fantasy n'était-il pas une allusion à un jeu de rôle, ne citait-il pas Dungeon & Dragon dans un précédent album ? Owen Pallett est brillant mais Owen est certainement fantaisiste, Owen est même un peu geek ; son campagnon intermittent de scène affiche d'ailleurs un étrange look de musicien sans soucis de son apparence, mal rasé, une casquette Rogers à dix balles sur la tête : encore un musicien ultra-focalisé, encore un geek.

Les geeks amusent les foules ou font sourire dans les comédies, mais les geeks prennent les choses très au sérieux. TRES au sérieux. Owen hurle en début de concert quand sa voix suscite des larsen ; bon sang, l'ingé son ne peut-il régler bêtement ses boutons, il vient lui-même d'ajuster ses appareils pendant des dizaines de minutes ? Un peu de respect pour la musique ! Une bête, un perfectionniste, un maniaque du détail, capable de quitter la scène au milieu de son dernier morceau, juste parce que la scène techno trop proche parasite la qualité sonore (si j'ai bien compris son grommellement excédé).

On n'a rien sans rien. Quand on retire ses chaussures pour jouer souplement en chaussettes, on est en droit d'être réaliste et exiger l'impossible.




















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