par Tatia Rosenthal, nouvelles écrites par Etgar Keret (2009)
- Auriez-vous du feu ?
Merci.
Et au fait, auriez-vous une cigarette ?
Merci, vraiment merci.
C'est délicieux, un café et une cigarette, le matin. J'aimais beaucoup cela, avec ma femme. Vous n'auriez pas un dollar pour un café, justement ?
- Euh, je dois avoir ça. Je regarde. Mais vous portez un pistolet, c'est bien cela que vous avez à la main ?
- Oh, oui, mais il n'est pas à moi, je l'ai trouvé dans un carton.
- C'est tout de même très menaçant. Je vous donne tout mon argent. Mais épargnez-moi, je suis père de deux enfants.
- Non, non, ne vous inquiétez pas, je veux juste un dollar pour un café. Le pistolet, je l'ai pris comme ça, et ça m'a donné l'idée d'une expérience. Demander une cigarette et un café à la première personne dans la rue, et puis, si cette personne refuse, à quoi bon continuer ? (il place le pistolet sur sa tempe)
- Ne faites pas ça, je vais vous donner un dollar !
Mais d'un autre côté, c'est du chantage, cela me met mal à l'aise. Vous n'allez pas vous suicidez pour un dollar, vous tirez parti de ma crédulité. Je vous l'aurais bien donné, le dollar, mais là, je me sens vraiment manipulé, non, je ne vous donnerai rien. J'espère que vous comprenez ?
- Bien sûr, je comprends. Merci beaucoup.
L'homme se retourne, rassuré. Le clochard au pistolet appuie sur la détente.
Scène d'ouverture fascinante pour ce magnifique "Sens de la vie pour $9.99", qui donne le ton du film : situations quotidiennes toutes simples, sens du détails, humanité des personnages mais aussi leur bizarrerie douce, et humour noir mordant. Toute une batterie de personnages exquis se partagent une demi douzaine d'appartements dans un immeuble banal, père bedonnant, retraité solitaire, top-modèle sexy, adolescent attardé fumant de l'herbe, gamin de dix ans au père sévère. Les petites histoires s'entremêlent avec légèreté, sans laisser apparaître d'immenses coïncidences ou des recoupements artificiels, risque que court les films chorals aux multiples personnages. On sourit et on est dérouté par les chutes et les trouvailles, l'épilation de l'amant jusqu'aux cils ou la nage du dauphin, que d'idées.
Et la grande force du film tient à son utilisation de l'animation, présenter tout ce monde adorable et sombre à l'aide de personnages en pâte à modeler, silhouettes tremblantes, terriblement fragiles et humaines. Une prouesse impressionnante que cette collision, une technique d'animation plutôt réservée aux univers enfantins & films inoffensifs, appliquée à un univers étrange et bancal, à la fois quotidien et fantaisiste. Le film n'est absolument pas un film pour enfant, n'en déplaise au jeune père assis devant moi, accompagné de son fils de 9 ans ; mais je pense qu'il a rapidement compris la situation de lui-même : il cachait les yeux de son fils pour les quelques scènes dénudées du dernier tiers de film. Une pâte à modeler alors rose, sucrée comme un sucre d'orge, organique et vibrante, frémissante, sensuelle et moite, haletante, maladroite et souriant ravie comme après une jolie nuit d'amour et de jeu.
Il en devient presque difficile d'imaginer ces entrecroisements d'histoires présentés autrement, à l'aide d'acteurs en décors réels ; cette animation aux finitions pas totalement léchées, comme des coutures apparentes dans les petits copeaux apparents sur les visages des personnages : le vecteur idéal pour ce mélange des genres. Voici donc le "Short Cut" modeste et fantaisiste, le film choral qui tricote doucement les destins dérisoires avec les dérèglements amusants et fous. Etgar Keret est auteur de nouvelles, cela se sent, et l'envie monte de parcourir plus avant ses écrits et son univers, déjà entrevu avec le joli film "Les méduses" ; certains citent Buzzati, j'ai songé à un Raymond Carver fantaisiste, un Philip K. Dick moins paranoïaque, un Murakami occidental. Toute une ribambelle de champions de la nouvelle et de la miniature, en somme un délice.
Et la grande force du film tient à son utilisation de l'animation, présenter tout ce monde adorable et sombre à l'aide de personnages en pâte à modeler, silhouettes tremblantes, terriblement fragiles et humaines. Une prouesse impressionnante que cette collision, une technique d'animation plutôt réservée aux univers enfantins & films inoffensifs, appliquée à un univers étrange et bancal, à la fois quotidien et fantaisiste. Le film n'est absolument pas un film pour enfant, n'en déplaise au jeune père assis devant moi, accompagné de son fils de 9 ans ; mais je pense qu'il a rapidement compris la situation de lui-même : il cachait les yeux de son fils pour les quelques scènes dénudées du dernier tiers de film. Une pâte à modeler alors rose, sucrée comme un sucre d'orge, organique et vibrante, frémissante, sensuelle et moite, haletante, maladroite et souriant ravie comme après une jolie nuit d'amour et de jeu.
Il en devient presque difficile d'imaginer ces entrecroisements d'histoires présentés autrement, à l'aide d'acteurs en décors réels ; cette animation aux finitions pas totalement léchées, comme des coutures apparentes dans les petits copeaux apparents sur les visages des personnages : le vecteur idéal pour ce mélange des genres. Voici donc le "Short Cut" modeste et fantaisiste, le film choral qui tricote doucement les destins dérisoires avec les dérèglements amusants et fous. Etgar Keret est auteur de nouvelles, cela se sent, et l'envie monte de parcourir plus avant ses écrits et son univers, déjà entrevu avec le joli film "Les méduses" ; certains citent Buzzati, j'ai songé à un Raymond Carver fantaisiste, un Philip K. Dick moins paranoïaque, un Murakami occidental. Toute une ribambelle de champions de la nouvelle et de la miniature, en somme un délice.
1 commentaire:
J'ai vu votre commentaire sur le site des Inrocks, et j'ai remarqué que vous étiez de Rueil. Résidant moi aussi à Rueil, abonné aux Inrocks et ayant vu 9$99 ce week-end, j'ai trouvé la coincidence amusante. J'ai moi aussi un blog : http://loindubresil.canalblog.com/ où j'essaye de communiquer aussi ma passion pour la musique, le cinéma, la BD. En tout cas, continuez de chroniquer les bons films, à une époque où nos compatriotes se repaissent de Coco et autres Premières Etoiles !
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