2 octobre 2010

Cyrus, échanges cruels à fleuret moucheté dans une famille en recomposition

Cyrus 
by Jay & Mark Duplass, with John C. Reilly, Jonah Hill, Marisa Tomei and Catherine Keener (2010)

John vit seul depuis sept ans, quitté par sa femme - il est temps de se bouger un peu, à 45 ans. C'est ce que pensent ses amis, en particulier son ex-femme, qui l'emmène dans une soirée ; pour voir du monde, discuter. Rencontrer une femme. John flotte ; parle dans le vide ; boit. Mais miracle, voici Molly, séduisante & compréhensive, enthousiaste. Un nouveau départ !

Mais Molly a un fils de 22 ans, Cyrus, solitaire, musicien, immature ; très proche de sa mère. Très ouvert et positif sur l'arrivée de John, en apparence. Mais le nouvel équilibre familiale va-t-il tenir ?

Cyrus est filme indépendant américain, sélectionné au festival de Sundance, et on en retrouve certaines recettes : sujet familiale contemporain, importance des détails intimes, nombre des personnages limités, filmage simple et dépouillé... La réalisation pousse assez loin la logique d'authenticité en adoptant des pratiques brutes proches du documentaires, caméra instable cherchant à regarder au mieux un personnage, zooms abrupts en cours de plan pour s'approcher au mieux. Cette technique de pseudo-documentaire, très marquée dans la longue scène de la soirée, rappelle un peu les choix esthétiques de séries comme The Office, interviews des personnages en moins. Mais l'effet est réussi,les regards, les murmures sont captés au mieux, et l'on sent en effet proche des personnages.

Cette proximité permet de mettre en scène toutes les petites discussions intimes échangées dans un couple, entre une mère et son fils. Le flux de la parole tâtonne parfaitement, les regards sont instables, cherchant, jolis performances d'acteurs permettant de présenter ces mots échangés sur l'oreiller quand le sommeil ne vient pas.

Ces douce intrusion se trouve contrebalancée par l'atmosphère sous-jacente d'agressivité. Le jeune Cyrus ne voit pas vraiment d'un très bonne oeil l'arrivé de cet amant dans la vie de sa mère, mais ne s'en ouvre presque jamais, restant souriant et préparant ses mauvais coups en douce, ses petites bidouilles. Et malgré sa bonne volonté et son amour pour Molly, John ne peut que reconnaître qu'il déteste ce personnage ingérable - sans pouvoir rien en dire. Théâtre de lutte à fleuret moucheté, mais où les mouches sont amovibles dès que la mère tourne le regard : John C. Reilly et Jonah Hill s'en donne à coeur joie, lisse et amène en façade, toute colère rentrée, mais près à explosé en grossièreté. La performance de Jonah Hill est particulièrement suprenante, lui que l'on a connu hystérique, hyper-actif et bavard à l'extrême dans Superbad ou Get Him to the Greek. Son incarnation de ce vieil ado obèse, bizarre, poli mais secrètement cruel est impressionnante, et certaines scènes sont mémorables, jeu de musique électronique biscornue ou préparation de sandwich de nuit, vêtu d'une simple chemise mais armé d'un immense couteau. Espérons le voir encore élargir sa palette de rôle...

Le film navigue dans cet entre-deux au rythme étrange, intimité familiale et folie agressive rentrée, absurdité pince-sans-rire. La relation mère - fils donne lieu à quelques débordements de tendresses à la folie assez impressionnantes, telle une scène de chahut dans l'herbe ; mince, ce gosse à 22 ans et une physique obèse ! Bien entendu, tout cela se termine en une situation apaisée, promesse d'avenir heureux à trois, et le rythme d'ensemble peut sembler un peu mou. Mais la majeure partie du film offre une jolie satyre retenue des canons modernes du fonctionnement familiale, proximité mère - fils, rapports apaisés entre ex-époux ou discussion libérée dans une famille recomposée. Et l'acidité la plus prononcé tient certainement aux fameux discours matures, l'importance de la discussion honnête et constructive, afin que les choses ne pourrissent pas ; élément majeur pour un couple ou une famille, assurément ! Mais aspect tissé de phrases toujours à la limite du cliché, dont on peut jouer facilement et avec virtuosité pour cacher la cruauté la plus profonde.




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