9 mars 2010

Quelle épopée sépia que celle de George Sprott

George Sprott
by Seth (2009)


L'album s'offre immense au lecteur, format improbable à couverture épaisse. Un projet peu commun que cette biographie en comics proposée par Seth.

George Sprott est bonhomme tout rond, ventru, à la moustache joviale, une petite célébrité de télévision locale dans les années 50 - 60. Pendant des années, il a présenté une émission hebdomadaire traitant du grand Nord canadien. Il y diffusait des films, tournées pendant ses expéditions dans les années 30, troussait anecdotes sur les paysages, les Inuits, les aurores boréales. Le livre nous offre l'histoire de sa vie, à la manière d'une enquête de collectionneur ou des recherches pour un documentaire.

Peu à peu, le rond Sprott offre ses faces d'ombres, mariage triste et fille engrossée, son amour perdu, les difficultés avec ses parents. Seth tente de capter une vie par petite touche, offrant scènes de récits, aphorismes du Maître Sprott, témoignages de proches, pièces d'archives. Un véritable puzzle défile au fur et à mesure des pages, approche non linéaire du récit d'une vie, magnifique, fascinant.

On retrouve les marottes de Seth, son goût pour les objets sortis du passé ; vieux programme de télé des années 50, architecture des petites villes nord-américaines, le goût de l'aventure façon Jules Vernes, les vieux disques, le petit théâtre perdu, les restaurants populaires. C'est l'histoire de Sprott, des ses facettes et de ses mystères, de ses états que l'on devine juste dans l'alternance des interviews contemporains, de reconstitutions sépia ou des prises des paroles du narrateur entre les pièces d'archives.

La variété des approches rappelle bien sûr la folie amusante de Wimbledon Green, le petit livre où Seth dressait le portrait du plus grand collectionneur de comics du monde. Même interviews, même récits, même goût pour les pièces de collection. Mais Wimbledon Green était un suite de quasi brouillons, petits croquis sortis du carnet à dessin, et le soin apporté à ce George Sprott donne le vertige. Les cadres comme les couleurs alternent tout en gardant une cohérence, une exploration magnifique des possibilités du comics sans jamais tomber dans une quête du réalisme. Documenté, respectueux des tendances du passé, mais fier de son style de BD, ouvertement revendiqué, presque squelettique. Hergé n'aurait jamais osé de tels gros plans de visages tracés en une poignée de lignes en noir et blanc, immenses sur la page. Seth fascine pour sa capacité à inventer des collections imaginaires ; mais il n'est jamais aussi impressionnant qu'en remplissant une page entière d'un même visage, figure de quelques traits dont les variations rendent les subtiles hésitations.

George Sprott a été initialement publié dans le New York Times, et de nombreuses planches peuvent être visualisées à ce lien.



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