28 mars 2010

La folie d'une lettre d'amour à guitares bruyantes

I'm the man who loves you
by Wilco (2002)

Yankee Hotel Foxtrot, album monstre de Wilco publié en 2002, un classique, un disque à la gestation compliquée. Ou comment la country alternative s'était mise à muter en rock, en expériences sonores. Je ne vais pas m'attarder sur ces détails, certains en parlent bien mieux que moi.

Mais difficile de ne pas dire un mot sur I'm the man who loves you, une chanson qui me fascine en ce moment. Un va et vient de guitare saturée et mélodie fine, texte balancé presque en un seul comme de l'écriture automatique, transition parfaite en rebondissement, un solo qui surgit en s'enchaînant sans accroc : une merveille. Une petite folie bruyante, rigolarde, presque un peu angoissée. Comment écrire une lettre d'amour quand on ne sait pas quoi dire, quand il est bien plus parlant de prendre la main d'une fille ?


27 mars 2010

Pourquoi autant de public pour un film aussi creux ?

Cooking with Stella
by Dilip Mehta (2010)

Michael débarque à Dehli avec femme et bébé pour s'installer au consulat canadien. Le domaine de Stella, cuisinière depuis 30 ans pour plusieurs générations de diplomates ; forte personnalité, as de la petite combine, superbe cuisinière. Mais Stella ne s'attendait pas à ce que Michael soit cuisinier, suivant sa femme diplomate.

Voici une comédie jouant avec l'expatriation, le difficile rôle d'homme au foyer dont la femme approfondit la carrière, les rapports nord - sud, les populations pauvres capables de bidouiller les arnaques. Grands sujets intéressant pour un film terriblement étriqué, presque sans aucune ambition, bien déséquilibré. Il pourrait être amusant de lister quelques défauts du films, l'absence quasi totale de la moindre scène intéressante, le jeu maladroit avec les clichés, les plongées du rythme dans certains passages étirés, l'esthétique terriblement lisse. La bande annonce est suffisante en présentant parfaitement les choses : les films ne vaut pas mieux ce que suggèrent les deux minutes ci-dessous.

En définitive, le plus fascinant aura été l'engouement pour ce film dans la salle d'Ottawa. Une salle archi-bourrée pour la séance du vendredi soir, public riant souvent : pourquoi tant de monde, pourquoi tant de rires ?

L'offre de cinéma est elle-même bien étriquée sur Ottawa, tout simplement. Pas de problèmes pour goûter aux grosses sorties américaines, mais les films d'auteurs, les films d'ailleurs, les films canadiens sont rares, éparpillés. Alors un film indo-canadien, une comédie accessible : voilà de quoi drainer un large public, le cinéphile gourmand d'autres images, les familles cherchant un rire différent ! Courrons-y. Hélas, l'exotisme n'implique aucunement la qualité.

C'est du divertissement, va-t-on me répondre, léger et frais, sans prise de tête. Comme si le divertissement excusait beaucoup, repoussait tout jugement de qualité ; on ne critique pas les Ch'tis ou les rigolades indiennes de Stella ou des Slumdog Millionnaires. De retour du cinéma, j'ai lu une passionnante interview du critique Gilles Tordjman : "La nullité, comme le chômage, est un choix de civilisation. Après, c’est à chacun d’accepter ou de refuser cette douce dictature."


14 mars 2010

Des pingouins pour évoquer le bruit de Fuck Buttons ?

Surf Solar
by Fuck Buttons (2009)

La lumière émerge du bruit ; flot d'images naissant sous les coups de sons non mélodiques.

Longtemps, la Noise Music m'a fasciné par écrit, sans que j'en écoute vraiment ; un pure plaisir de lecture rock grâce à des critiques de qualité. Quelques descriptions éclairées m'avaient laissé rêveur, parlant de Jesus & Mary Chain comme un mélange des Beach Boys avec du bruit blanc, évoquant le caractère sensuel des couches de larsen de My Bloody Valentine. Je trouvais cet alliage de Noisy Pop prometteur et riche de signification, le goût de chantonner une mélodie claire tout en écoutant les battements fous d'un coeur éperdu et violent. Je songeais à cette musique tissée sur du bruit, j'en écoutais un peu ; j'y rêvais surtout.

Peu à peu, mon oreille a doucement apprivoisé ces assauts, inconsciemment. Je ne m'en suis rendu qu'en Allemagne, lorsque que mon voisin est venu frapper chez moi un samedi matin, agacé. "Vous avez un problème avec votre machine à laver ou quoi ?". "Non, j'écoute juste un live de My Bloody Valentine". Le son était d'une qualité presque abominable mais je me perdais doucement dans ses couches & stridences, petite transe en faisant le ménage du week-end dans cette résidence étudiante trop sale.

Oh, je ne suis pas encore un spécialiste en la matière, je picore doucement les morceaux de bruit qui peuvent me tomber sous la main. Tels ces anglais extrêmes répondant au nom de Fuck Buttons. Rythmique minimale, souvent un unique battement, quelques bruits électroniques fortement saturés, répétés encore et encore, morceaux doucement longs aux variations infimes, progressives, dans lesquels on peut se perdre. A condition de ne pas être effrayé par l'austérité agressive de l'ensemble.

Je cherche toujours comment rendre de telles sensations par d'autres moyens. L'expressionnisme abstrait, façon toiles de Pollock : voilà qui fonctionne. Mais comment entremêler ces sensations par écrits, dans un simple texte ? Voilà un objectif d'écriture sur le long terme, une quête certainement vaine ; mais qui pourra peut-être ouvrir de nouvelles pistes, de nouvelles tentatives stylistiques, qui sait.

Mais les réalisateurs de vidéo n'ont pas totalement résolus la question non plus. Fuck Buttons ? Des pingouins tournant de manière hypnotique dans un aquarium ?


Joe Matt est un obsédé du X et c'est drôle à lire

Peepshow - The Cartoon diary of Joe Matt
by Joe Matt (1987-1992)

Joe Matt vit chichement. Il n'a pas beaucoup d'argent, il réutilise plusieurs fois les sachets de thé.
Joe Matt aime parler avec la voix de Donald Duck.
Joe Matt fait pipi dans le lavabo.
Joe Matt est allé dans un lycée catholique.
Joe Matt regarde beaucoup de vidéos porno. Sa masturbation est compulsive.

Joe Matt raconte tout cela dans des épisodes d'environ une planche, chroniques de sa vie de 1987 à 1992.

Il est un peu étrange de lire de nos jours un tel journal, récits intimes parfois espacés de plusieurs mois ; les blogs de bande dessinée sont légions, le moindre petit dessinateur peut poster en direct ses confessions, sur un rythme quasi quotidien. Il se dégage donc une impression de pionnier, de planches ancêtres. Certes, Harvey Peckar ou Robert Crumb avait déjà produits des comics autobiographiques ; mais ces planches donnent une véritable impression d'ancêtre du blog.

L'autobiographie en bande-dessinée est entrée dans les habitudes, les ouvrages ne manquent pas de nos jours, les exemples variés. L'originalité de ces morceaux de Peepshow ne tient pas à l'approche adoptée mais bien au personnage de Joe Matt, sorte de loser névrosée qui n'hésite pas jouer avec ses défauts, les grossissants doucement, les rendant doucement fascinants. L'auteur ne s'épargne pas et les anecdotes sont souvent cruelles et terriblement drôles, récit d'un job d'été dans une usine de ballet, portrait du chat biscornu de son colloc, des dialogues avec un ami en prenant une voix de canard, des échanges avec une prostituées newyorkaise dans un cinéma X miteux.

Car Peepshow n'est pas un titre choisi par hasard. Joe Matt est tiraillé par une obsession profonde pour les vidéos X, la masturbation, immaturité sexuelle induite par une éducation catholique stricte, en contre-coup. Habitude de vie difficile à combiner avec une longue relation amoureuse, et les échanges avec Trish ne sont pas toujours évidents.

La bande dessinée autobiographique est courante de nos jours, et certains ne manquent pas de jouer avec humour de leurs obsessions les plus vulgaires, n'est-ce pas Frantico ? Mais rarement des instants quotidiens, pièces de vie peu reluisantes, ont été présentées dans les planches d'une bande dessinée, des planches si drôles et cherchant de nouvelles pistes formelles.




12 mars 2010

Jolis concerts des White Stripes pour un film peu documentaire, et pourtant mystérieux

The White Stripes - Under Great Northern Lights (2010)

Un jeudi soir et voici une file d'environ 80 personnes devant le Mayfair, cinéma indépendant d'Ottawa. Bien que diffusant certaines succès indépendants, ainsi que quelques blockbusters en séance de rattrapage, l'institution est plus habituée des doubles bills improbables, des séances de minuit avec des vieux films d'horreur, des documentaires pas vus beaucoup ailleurs ; ce mois-ci, le Mayfair propose fièrement un festival Jacky Chan, avec quelques films jamais diffusés en Amérique du Nord. Mais la foule affiche une moyenne d'âge en dessous de la trentaine, population majoritairement étudiantes au look détendus, aux bonnets bizarres. Ce gros public vient pour une affiche alternative, mais de musique alternative - un documentaire sur les White Stripes, Under Great Northern Lights.

En 2007, le duo de Détroit a entrepris une vaste tournée dans tout le Canada, traversant toutes les proviences et territoires, mais les plus au Nord. L'objectif était de découvrir de nouvelles villes, briser la routine de tournée, en assaisonnant les journées de concerts improvisés, hors de salles de concerts, annoncés une heure à l'avance. Des images avaient déjà tourné sur Youtube : Meg & Jack chantonnat en choeur dans un bus. Voilà qui s'annonçait prometteur.

Le film se focalise sur les passages dans les territoires les plus au Nord, villes de Yellowstone, Iqualuit... Voici le frère et la soeur descendant d'un avion, montant dans une voiture des années 50 conduite par le maire de la ville - "oui, nous avons une population de 21.000 habitants". Ou descendant d'un SUV aux vitres teintées, jouant une seul titre devant une salle communale pour remonter aussitôt en voiture. L'un des ses concerts ne durera d'ailleurs pas plus qu'un unique accord.

Assez vite, on comprend que le terme documentaire est un peu erroné. Aucune scène véritablement volée, aucun moment de véritable intimité ou confession du groupe ; quelques images de somnolence backstage, un interview fil rouge peu intéressant : aucun rapport avec ces groupes plongeant de plein pied dans la vraie pour les Concerts à Emporter de la Blogothèque. Les quelques promenades s'affichent à l'écran extrêmement léchées, habits parfaitement ajustés, une jolie vidéo musicale en extérieur, mais pas vraiment l'impression de voir les White Stripes dans leur vraie vie.

C'est un parti pris ; et ce n'est pas surprenant. Les White Stripes sont un groupe de contrainte, trois couleurs, deux instruments, réglant leur image. Le film est dans la même veine, offrant un très bel objet faute de dévoiler totalement l'humanité derrière le mythe rock.

L'essentiel, ce sont les scènes de concert, magnifiquement filmées avec plusieurs caméra, au plus près des visages et des mouvements, des effets de flous ou des mouvements de lumière. Rien d'extrêmement révolutionnaire pour l'imagerie rock, on retrouve l'esthétisme des photos de concerts sur papier glacé ; rien de très original, mais l'image reste splendide, surtout sur le grand écran du Mayfair, ou prochainement en DVD en home cinéma. Il serait dommage de bouder son plaisir, la présence scénique des White Stripes étant une des raisons de leur renommée. Investissement, mouvement fluides, chansons superbes, la voix de Jack qui oscille, et ces guitares terriblement saturées, follement agressives, distillant son énergie communicative.

La voilà, peut-être, la véritable valeur ajoutée par rapport à un simple rendu de concert : le charisme de Jack White présenté dans des multiples situations. Quel bavard, parlant sans arrêt, rit et blague ; quelle présence. On saisit par bribe toute son énergie motrice, son appétit créateur, forte impressionnante.

D'autant plus impressionnante à côté de l'effacement quasi complet de Meg. Certes, elle est présente presque en permanence à l'écran, le duo étant rarement séparé, mais elle se déplace terriblement effacée ; sa voix est à peine audible pendant l'ensemble du film, la majorité de ses paroles sont même sous-titrées ! Face au charisme grand format de Jack White, l'immense timidité de Meg devient peu à peu fascinante. On se surprend à guetter son regard, son pâle sourire poli en serrant la main d'un officiel, ses yeux qui tombent sur pieds ; et sa manière superbe de chantonner à mi-voix sur scène, suivant les paroles hurlées par Jack, chantant muette tout en martyrisant ses fûts.

La moindre action infime de Meg prête à réflexion, interroge le spectateur. Comme ces deux phrases prononcées à un conducteur de camion : "Oh, vous savez, nous ne sommes pas un groupe de rock traditionnel, nous sommes juste deux. Mais cela ne nous empêche pas de faire pas mal de bruit", et le sourire discrètement ravi sous-entend le profond plaisir à créer tout ce bruit. Cette fille si timide ? Comment a-t-elle pu commencer ?

La scène finale est certainement la plus mystérieuse et ambiguë du film. Jack chante en s'accompagnant d'un piano à queu, Meg assise à ses côtés. On croit d'abord à un soundcheck capté à l'improviste, mais les multiples caméras et la maîtrise des plans laisse vite entendre que la scène est très préparée ; la fameuse maîtrise des White Stripes. Pourtant, au bout d'une minute peut-être, Meg oscille toujours de la tête, replace toujours sa même mèche gauche ; et l'éran révèle des longues larmes coulant doucement sur ses joues.

Montrer ses larmes paraît d'une indécence assez gratuite, surtout par rapport au reste du film terriblement pudique et sous contrôle. Je ne suis pas parvenu à me réjouir de cet instant apparemment imprévu, une impression de voyeurisme.

Cependant, cette scène un peu bizarre laisse une impression poignante. Jack chante "She looked like a ghost", et Meg pleure, pleure, ne peut s'arrêter. Jack la prendra de ses bras à la fin, et l'écran se fait noir, le film s'arrête. Cette scène impudique, pas totalement bien gérée par le réalisateur, je pense, reste pourtant essentielle pour le film. Elle véhicule un vaste mystère, tellement de questions ; et donne envie de songer encore et encore à Meg, timide et effacée capable d'exploser à la batterie, de pleurer sur une chanson jouée au piano.


11 mars 2010

Hot Chip pour la vie

One life stand
by Hot Chip (2010)

Hot Chip, groupe de geeks faisant de la dance music un peu classe, un peu rock, un peu raide, mais capables de tisser des singles à l'efficacité fascinante. Quelques notes synthétiques quasi pure, une rythmique simple mais léchée, un ou deux accords de guitares, et un petit binoclard bondissant pour s'occuper des chansons : comment pourrait-on imaginer une telle réussite pop avec un tel assemblage ?

Le nouvel album poursuit l'exploration, abandonnant doucement les grosses chansons "funk raide de petit blanc" pour tisser de jolies chansons pop au synthé, rapidement touchantes pour peu qu'on y prête l'oreille. Sur leur premier album, Hot Chip disait conduire une Peugeot en écoutant Yo La Tengo, ici les années passées se font sentir, la maturité douce. C'est l'importance d'un frère qui est évoquée, la profondeur d'un engagement amoureux. Des geeks un peu trop sérieux maintenant ?

Simplement une question d'alliage, d'équilibre, car les grandes déclarations sont introduites dans des mélodies léchées, montées sur des arrangements minimaux et millimétrés. Seuls ceux qui écouteront trop rapidement pourront proclamer à la va vite : "mais c'est bien superficiel et de mauvais goût". Je n'ai pas goûté à l'album complet, mais une moitié des chansons s'écoute encore et encore avec plaisir.

D'autant que Hot Chip a toujours su bidouillé des vidéos rigolotes, petits systèmes à effets malins plus que tapageurs, en mettant en valeur leur valeur ajoutée. Leur musique, bien sûr, mais aussi leur investissement et sens de l'humour : les danses qu'improvisent les 5 membres aux silhouettes uniques prouvent leur passion pour leur musique, et leur sens de l'autodérision. Une sorte de gros soirée délirante entre pote, mais qui aboutirait sur une grande chanson pop en plus d'une gueule de bois étriquée.


9 mars 2010

Quelle épopée sépia que celle de George Sprott

George Sprott
by Seth (2009)


L'album s'offre immense au lecteur, format improbable à couverture épaisse. Un projet peu commun que cette biographie en comics proposée par Seth.

George Sprott est bonhomme tout rond, ventru, à la moustache joviale, une petite célébrité de télévision locale dans les années 50 - 60. Pendant des années, il a présenté une émission hebdomadaire traitant du grand Nord canadien. Il y diffusait des films, tournées pendant ses expéditions dans les années 30, troussait anecdotes sur les paysages, les Inuits, les aurores boréales. Le livre nous offre l'histoire de sa vie, à la manière d'une enquête de collectionneur ou des recherches pour un documentaire.

Peu à peu, le rond Sprott offre ses faces d'ombres, mariage triste et fille engrossée, son amour perdu, les difficultés avec ses parents. Seth tente de capter une vie par petite touche, offrant scènes de récits, aphorismes du Maître Sprott, témoignages de proches, pièces d'archives. Un véritable puzzle défile au fur et à mesure des pages, approche non linéaire du récit d'une vie, magnifique, fascinant.

On retrouve les marottes de Seth, son goût pour les objets sortis du passé ; vieux programme de télé des années 50, architecture des petites villes nord-américaines, le goût de l'aventure façon Jules Vernes, les vieux disques, le petit théâtre perdu, les restaurants populaires. C'est l'histoire de Sprott, des ses facettes et de ses mystères, de ses états que l'on devine juste dans l'alternance des interviews contemporains, de reconstitutions sépia ou des prises des paroles du narrateur entre les pièces d'archives.

La variété des approches rappelle bien sûr la folie amusante de Wimbledon Green, le petit livre où Seth dressait le portrait du plus grand collectionneur de comics du monde. Même interviews, même récits, même goût pour les pièces de collection. Mais Wimbledon Green était un suite de quasi brouillons, petits croquis sortis du carnet à dessin, et le soin apporté à ce George Sprott donne le vertige. Les cadres comme les couleurs alternent tout en gardant une cohérence, une exploration magnifique des possibilités du comics sans jamais tomber dans une quête du réalisme. Documenté, respectueux des tendances du passé, mais fier de son style de BD, ouvertement revendiqué, presque squelettique. Hergé n'aurait jamais osé de tels gros plans de visages tracés en une poignée de lignes en noir et blanc, immenses sur la page. Seth fascine pour sa capacité à inventer des collections imaginaires ; mais il n'est jamais aussi impressionnant qu'en remplissant une page entière d'un même visage, figure de quelques traits dont les variations rendent les subtiles hésitations.

George Sprott a été initialement publié dans le New York Times, et de nombreuses planches peuvent être visualisées à ce lien.



7 mars 2010

Un petit livre classique des années 70

Play it as it lays
by Joan Didion (1970)

Qu'est-ce qui fait que Iago est mauvais ? demandent les gens. Mais Maria ne pose jamais la question. Depuis l'hôpital psychiatrique, Maria ne pose pas de questions, je cherchent pas d'explications aux faits, ne croit pas aux motivations et au principe de cause à effet ; les explications s'appliquent si peu aux situations spécifiques.

Maria vient du Nevada, son père jouait, jouait, il avait même gagné une ville au jeu. Un future centre touristique, c'était certain ; dommage que l'autoroute ne soit jamais construite comme prévu... Alors Maria était partie à New York, avait joué les modèles et fait beaucoup de rencontre. Puis ces dernières années, elle habitait sur Hollywood, mariée à un jeune réalisateur.

Joan Didion offre une description d'Hollywood à la fin de son dernier âge d'or, les producteurs, les acteurs, les soirées, les petites frappes gays, les fêtes et les combines ; les avortements, les regards désabusés. Maria flotte de pages en pages, courts fragments, dialogues saisis en cours de route et devenus purement absurdes, toute signification estompée. Le show business est un monde étrange et malsain, joueur, avide de plaisir, à la morale biscornue.

L'impact du livre n'est peut-être plus aussi important que lors de sa publication ; la décadence du monde du spectacle ne semble pas d'une originalité folle, le sujet paraît parfois convenu. L'écriture elle-même intrigue un peu, tout en fragment, petites scènes, comme un script de cinéma ; Joan Didion écrivait des scénarios avec son maris. L'écriture est cohérente avec le thème, ainsi qu'avec le flottement permanent de Maria, mais on souhaiterait parfais plus de détails.

Subsiste tout de même une poignée de passages saisissants. Maria, déboussolée, roulant chaque jour sur l'autoroute, du soir au matin, se nourrissant d'un oeuf dur ou deux, dépiauté une main encore sur le volant. L'image fait mouche, on saute d'une voie à l'autre avec Maria, et s'arrêtent pour partager avec elle un Coca-cola dans une station service.