Concerts au Black Sheep Inn, pub de Wakefield (Québec)
Samedi 30 mai 2009
- C'est une fusion country - reggae ?
Clin d'oeil de mon camarade allemand, taquin, mais pas trop éloigné de la vérité ; fusion country - funk, plutôt, basse ronde et forte tourbillonnant autour du chant nasal et nonchalant, nostaligique. Ce premier passage au Black Sheep Inn de Wakefield a répondu à nos attentes en matière de dépaysement musical, en particulier avec les Peter Voith Music.
Le Black Sheep Inn est un pub de Wakefield, posé face à la rivière Gatineau dans la rue principale du village, en plein coeur du Parc naturel. Le site Internet annonce qu'il suffit de 25 minutes pour rejoindre Ottawa, mais il s'agit majoritairement d'autoroute, la distance est conséquente ; une promenade sur la voie ferrée le long du lac distille doucement l'atmosphère paisible de l'endroit, végétation omniprésente et à la verdure printanière, vaste étendue d'eau à peine perturbée par un canot de trois personnes ou un chien allant chercher un ballon vert fluo, s'ébrouant sur un petit ponton. Une sortie du samedi soir en pleine nature, sans détail urbain, et pourtant le Black Ship Inn jouit d'une réputation musicale conséquente d'importance. Dénicheur de talents, programmation réputée, la radio nationale CBC vient régulièrement y enregistrer des lives, et une scène entière du festival de Blues de juillet est même offerte aux programmateurs du pub. Paisible, forestier, et branché : plongeons-y vite.
Concert débutant vers 21h, et à 19h50 toutes les tables de la salle sont déjà occupée, nous nous glissons vers l'espace snack avec mes camarades. Un dîner simple, quesadillas de poulet, and the best veggie-burger you'll ever have ; notre camarade italienne a évité les macaroni, dont la cuisson nord-américaine ne lui inspire pas confiance. Quatre ou cinq petites tables tout au plus dans ce petit espace, des menus peints sur les murs, tout en haut, en couleurs, et une immense baie vitrée pour admirer l'eau et la forêt, juste séparée par la route ; nous n'y verrons passer aucune voiture, il me semble. Nous pouvons rejoindre la salle principale, le bar, la large scène, recouverte d'instruments. Toute lumière éteinte, juste des bougies éparpillées dans l'ombre, un écran télé au fond diffusant mollement la finale de la Coupe Stanley de Hockey sur glace, l'ambiance séduit.
Eric Vieweg monte alors sur scène, jean sous T-shirt orange à numéro 13, juste un batteur derrière lui pour soutenir sa guitare. Accords limpides sur la guitare arrondie, très légèrement électrifiée, juste assez pour permettre quelques distorsions douces, la batteries gambade doucement, écrin pour le chant aux accents légèrement lyriques. Accents de U2 dans ses balades les plus douces, de Jeff Buckley avec une orchestration minimale, des vignettes rêveuses coulant sur du velours ; douce entrée en matière, presque endormie parfois, car sans vrais sursauts, mais agréable.
La bière n'est pas donnée et l'ATM noyé dans l'ombre, les touches à éclairer à la lueur du téléphone portable, et le trio suivant s'affiche plus énergique dès les réglages sons. Multiples pédales d'effets à ajuster, le batteur règle encore et encore tous ses éléments, il va aligner des combinaisons rapides ; le bassiste vérifie encore et encore la lourdeur profonde de son son, très concentré sur son instrument ; des réglages de basses bien arrogant, aux yeux du camarade allemand, bassiste régulier lui aussi. L'ambiance s'annonce plus tonique et plus jeune, cheveux ras et T-shirts rocks, voici un groupe plus adolescent & plus rock.
Et brassant plus large, ce Peter Voigt Trio manie la fusion avec une boulimie manifeste : le bassiste manie le funk et les rythmes groove, le batteur frappe en tout sens, rappelant parfois ce sketch classique du Muppet Show, Peter Voigt lance des solos électriques aux accents de Guns'n'Roses, tout en délivrant un chant discret, aux accents parfois country, le groupe tire en tous sens avec énergie. Les musiciens sont brillants, manifestant une technique souvent virtuoses, entraînant même parfois une poignée de danseuses bondissant devant la scène. Et pourtant, un parfum étrange émane de cette performance, faite de morceaux aux étages multiples, surgissant sans parfois sans fin pour un même titre : impression presque surréaliste de découvrir deux minutes de solos de guitare "classic metal FM" à la suite d'un chant placide, et juste avant quelques instants de groove ; moments de patchwork, comme si les musiciens ne parvenaient pas bien à se décider et faire le tri dans leurs idées, en plaçant un maximum dans leur performance. Un brillant trio manquant d'un metteur en scène, regard extérieur pour tracer une vraie ligne directrice dans leurs chansons ; car que pourrait-on dire qu'ils racontent, au coeur de leurs explosions musicales brillantes ?
Voilà ce que nous nous demandions en rejoignant la voiture. Quarante-cinq bonnes minutes devant nous dans l'ombre des routes du parc, le temps de déposer chacun chez soi ; une belle exploration, nous goûterons à nouveau au Black Ship Inn, c'est certain.