22 janvier 2010

La douce profondeur d'une belle adaptation de roman

A single man
by Tom Ford, with Colin Firth, Julianne Moore, Nicholas Hoult (2009)

George ne parvient pas à effacer Jim de sa mémoire, sa mort tragique sur une route verglacée, et sa vie de professeur de littérature ne parvient pas à lui offrir aucun espoir. Une magnifique maison, une vieille copine-maîtresse et quelques mignons étudiants, mais que faire ?

Mais arrêtons vite le pitch qui risque de faire fuir les spectateurs allergiques aux films pour Oscars. Professeur homosexuel déprimé offrant une performance d'acteur magnifique, banlieue américaine des années 60 et l'esthétisme au diapason, une adaptation sérieuse de roman, tellement de cases cochées, un élève sérieux pour la saison des prix. N'avons-nous pas déjà eu droit à Revolutionnary Road l'an passé ? Et le réalisateur est un ancien designer de Gucci en plus ? Quelle histoire.

Et pourtant il arrive parfois qu'Hollywood sache tirer partie au mieux d'un joli texte littéraire. "A single man", roman de Christopher Isherwood publié en 1964, offre ainsi une jolie structure, des personnages incarnés, le rythme et la cohérence de ses 186 pages, la profondeur fait plaisir à voir. C'est un certain classicisme narratif qui défile à l'écran, l'unité de temps d'une journée émaillée de flash-back, et l'on retrouve le plaisir des adaptations classiques des années 50 comme "The long week-end". Un sens de la scène et des caractères familier mais plutôt profond.

Ce joli goût de littérature est parfaitement incarnés par les acteurs, et bien entendu Colin Firth, présent sur presque chaque scène. Il est l'homme célibataire et joue parfaitement des oscillations d'humeurs du personnage, troublé, aimant, fragile, souriant, un peu perdu, charismatique aussi. Les critiques parlent certainement du rôle de sa carrière, il a reçu le premier prix du festival de Venise et devrait être nommé aux Oscars, aucun doute ; par delà la liste de superlatifs, la performance est délicieusement offerte, souvent exquise.

Mais le film serait certainement convenu sans la réalisation léchée de Tom Ford, à l'esthétisme très travaillé, très régulièrement fascinant. Le designer joue avec les cadres, les ralentis, les moments silencieux, les filtres de caméra - gris dans la déprime du présent et tremblants comme au Kodacrhome dans les flashbacks ; et il peut être taxé à raison d'un certain maniérisme, d'une obsession du paraître qui peut en agacer. Pourtant, l'originalité des trouvailles visuelles se fait rapidement plus séduisante qu'agaçante, le film happe et plonge dans les états d'âme de George. La profondeur du personnage et son flot de conscience, son monde, et le réalisateur parvient à mon avis à éviter à garder le décorum des années 60 au rang de décor, sans en faire le sujet premier du film : oui, on aperçoit l'affiche de Psycho ou la coupe James Dean d'un jeune, mais simplement comme accessoires associés aux déambulations de Georges, sans sulignage.

Le plus impressionnant peut-être est la capacité de Tom Ford a doubler ses exigences esthétiques d'un humour doux et subtil. Avec en point d'orgue un modèle de mise en scène, une séquence de suicide absurde et amusante : où vous tireriez-vous une balle dans la tête, hein, dans la baignoire glissante, sur le lit, plongé dans un sac de couchage ? Les hésitations désabusées de Georges, pistolet en main, sont drôles, touchantes, pleines de fragilité et de va-et-vient, follement humaines, comme le portrait d'ensemble de ce célibataire.


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