28 décembre 2009

Clint ne sait pas trop quoi faire de Mandela

Invictus
by Clint Eastwood, with Morgan Freeman & Matt Damon (2009)

Afrique du Sud, début des années 90, fin de l'apartheid, voici Nelson Mandela libéré après 27 ans d'emprisonnement, le voici bientôt élu président de la République. Le plus dure est-il fait ? Ce sont 43 millions de personnes qu'il faut réconcilier et guider vers de nouveaux idéaux, en plus de résoudre les graves problèmes économiques et réinsérer le pays dans la communauté internationale. Forger une identité, tout un défi.

Une partie de cette construction identitaire s'est lancée grâce à la Coupe du Monde de rugby de 1995, remportée par les Springpbocks sur leur sol. Le rugby, cet emblème blanc, détesté par les noirs ; mais lors de la finale, Nelson Mandela descendra sur le terrain en maillot Springbock devant une foule enfin arc-en-ciel. En fin politique, le prix Nobel de la paix a tiré profit de l'événement pour créer un peu de vivre ensemble, en particulier en demandant l'aide de François Pienaar, capitaine de l'équipe.

L'histoire est belle et naturellement, voici un film pour la conter. Affiche ambitieuse avec l'ami Clint Eastwood à la réalisation et deux grosses têtes d'affiche pour le casting. Les deux comédiens se glissent parfaitement dans les costumes requis : le vieux sages noirs et le sportifs blonds et attentifs. Comme Clint sait toujours construire des plans magnifiques, c'est un spectacle haut de gamme qui s'écoule à l'écran, mêlant paysages, population, sport mondial et réunions politiques soft.

Difficile de ne pas comparer cette leçon politique avec le "Milk" de Gus Van Sant, les hésitations et ruses tactiques du député gay de San Francisco. Entre autres choses, Harvey Milk s'investissait dans le nettoyage des crottes de chien pour recevoir les grâces des électeurs et faire accepter sa réforme des droits homosexuels ; il tâtonnait dans son militantisme de proximité, échangeaient des paroles dures avec ses opposants au conseil municipal. Rien de tout cela ici : la gestion de l'Afrique du Sud post-apartheid semble bien plus simple que celle du conseil municipal de San Francisco dans les années 70 ! Le film d'Eastwood manque terriblement de tension, jouant uniquement le sous-entendu pour évoquer les enjeux politiques et les obstacles. Voici Nelson Mandela fronçant soudain les sourcils et maugréant : "mais bon sang, comment allons-nous faire pour stopper Jonah Lomu ?"

Le contenu historique et politique laisse donc un peu le spectateur sur sa faim, celui qui aurait aimé voir un peu plus loin que la belle histoire sportive et sociétale. Doucement superficiel dans son élan général, le film flotte cependant magnifique durant ses quelques passages dans les townships, dans les superbes plans de rugby, des images sportives d'une qualité rarement vue sur grand écran.

Mais la meilleure idée du film n'a rien à voir avec le casting de stars, les travellings d'Eastwood ou la qualité du chef op'. A son arrivée au pouvoir, Nelson Mandela est entouré de gardes du corps noirs, bien peu nombreux ; le président réembauche donc les anciens agents de sécurité afrikaner, générant une forte tension raciale, pleine d'anciennes rancoeurs. Voilà un exemple simple d'une collaboration nécessaire entre noirs et blancs, un exemple terriblement frappant. La progressive collaboration de ce petit groupe se goûte comme une miniature métaphorique et simple, une jolie perle dans ce film pas totalement convaincant.


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