Oui, Jackie.
Jackie, bien sûr. Jackie Kennedy.
Quelle autre Jackie ?
L'assemblage joue sur les stars. Jackie Kennedy l'icône. Dans un texte d'Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature. Mis en scène par Denis Marleau, ancien directeur du Theâtre frnçais au CNA, habitué d'Avignon, récemment passé par la Comédie Française. Avec Sylvie Léonard, actruce multiprimée.
Mais l'important, oui, c'est Jackie. Jackie, la Jackie, son long monologue.
Sa présence.
Sa silhouette, son image. Une telle figure, une image médiatique, dont tout le monde a capté l'image, la photo, ici, ailleurs, depuis des années. Une femme d'image, et la mise en scène embrasse l'aspect médiatique frontalement : un caméraman la suit sur scène, pour maintenir en permanence un gros plan sur grand écran Noir et Blanc en fond de scène ; la femme en interview, en représentation, et son image transmise, ses lèvres mobiles immenses, ses sourires, ses regards contrôlés à la caméra - en contrepoint de ses paroles - l'image et le verbe.
Oui, un flot du verbe, comme d'infinies tirades cousues les unes aux autres par coutures imperceptibles ; comme un seul immense monologue d'une heure cinq, presque sans reprendre son souffle au coeur des mouvements. Un ton presque doux, posé, comme plat, à la limite du neutre ; une presque voix blanche. Pourquoi pas ?
C'est un spectre qui s'adresse à nous, une figure du passée, un personnage qui ne cache son statut de morte. Seule survivante - selon la légende du clan Kennedy décimé et riche en tragédies ; survivante même morte, la dernière, seule qui à continuer tout droit.
Et peut enfin s'exprimer. Sortir du cadre de l'image et des couvertures de magazine, et parler, parler, partager enfin sa condition de première dame ; première dame, l'expression consacrée, si creuse, et si vraie : celle vue en premier, en permanence.
Voilà tout un beau programme. Tout est bien assemblé, les symboles bien amenés : le côté médiatique, renforcé par des photos jaillissant sans fin des magazines qu'elle feuillète, et le flot de parole, le jaillissement, la profondeur caché qui parle toute seule, comme inarrêtable. Et pas n'importe quelles paroles, les paroles de Jelineck, la poète des femmes tiraillées, écrasées par la société et les désirs conventionnels dont elles ne peuvent se détacher.
Et tout cela n'a aucunement capté mon attention.
Jackie, lançant sa glossolalie de manière étouffée, puis prenant pied tout doucement par les répétitions, comme une parole tournant en boucle là-bas, on ne sait où, pour faire continuer son show, même si c'est enfin un show intime.
Jackie évoquant ses robes, son obsession du vêtement, sa seule marque. Glissant des paroles sur les autres Kennedys, sur la cervelle de Jack s'échappant après le coup de feu ; glissant une obsession sur Maryline - bien sûr, comment ne pas en parler, Maryline ?
Enfin, il y avait certainement bien plus que tout cela, mais je n'ai pas écouté plus d'un tiers de la pièce. Une pièce dont le rythme m'a semblé bien monocorde ; choix conscient, je n'en doute pas, figure sous contrôle toute sa vie, et revenant des morts : pas étonnant que la parole soit offerte égale, souvent égale. Une mise en scène dont les jeux de regard entre public et caméra ne m'ont pas intéressé ; encore un choix de mise en scène maîtrisé, pour offrir un peu de variation, et souligner le côté médiatique et la connaissance de Jackie de ce jeu. Une mise en scène dont le soin des costumes et des accessoires m'a paru fort superficiel, flattant le petit public, proche des obsessions bêtes des biopics de cinéma ; force est de constaté, avouns-le, que retrouver autant de numéros du magazine Life, autant de robes parfaites, est un jolie travail d'accessoiriste et de costumière.
Un spectacle dont le texte lui-même ne m'a jamais donné envie d'être suivi, d'en suivre les variations et les méandres ; oui, Jack, oui, les Kennedy, oui, la première dame et ses toilettes, oui, les fausses-couches, oui, Maryline - and so what ?
Non, Jackie Kennedy ne m'intéressait pas vraiment auparavant, et le spectacle ne m'a pas offert d'angle d'accroche pour m'y intéresser. Ne m'a pas proposé d'ouverture à approfondir sur le statut de la femme bourgeoise des années 50-60, sur le jeu médiatique, sur la politique américaine, sur le goût du paraître.
Beaucoup d'éléments assemblés, et si peu au final.
Jackie, voyons.
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