by Mario Vargas Llosa (2006)
Qu'elles sont séduisantes, ces deux petites chiliennes, outrageuses, comme elles dansent bien, qu'elles sont fascinantes ! Tous les garçons du quartier de Miraflores au Pérou les observent, les filles les jalouses, et Ricardo est fou amoureux de Lili, la plus spectaculaire, la meilleure danseuse de mambo. Quel beau pays que le Chili, si libre, si frais pour les regards adolescents. Mais en fait les deux chiliennes n'ont jamais rien vu du Chili, ce ne sont que de petites péruviennes pauvres, tentant d'infiltrer les riches familles de Miraflores. On découvre la supercherie, on les chasse. Bientôt Ricardo part à Paris, la ville de ses rêves, la seule vocation de sa vie ; qu'importe qu'on soit un modeste traducteur pourvu que ce soit à Paris.
Mais deux ans à peine passent et voici que la petite chilienne débarque à Paris. Devenue Camarade Arlette, prête à partir pour Cuba où doit la conduire une bourse d'entraînement à la révolution communiste. Premières retrouvailles d'une série qui durera toute une vie...
Vargas Llosa a reçu le prix Nobel il y a quelques mois, après avoir été longtemps cité durant les quinze dernières années ; pas une surprise. Je n'ai jamais lu de livres de lui, même si son nom résonne connu, un habitué des salons littéraires, des étalages de libraires en poche. J'aime bien lire les livres de prix Nobel, pour avoir au moins un repère - et espérant souvent tomber sur un chef d'oeuvre marquant. Cent Ans de Solitude ou The Golden Notebook ont constitué de véritables chocs esthétiques, guidés par le simple fait que leur auteur apparaissait dans la liste Nobel.
Hélas, les prix Nobel n'écrivent pas que des chefs d'oeuvre, surtout à la fin de leur carrière.
Petite erreur naïve de ma part d'avoir choisi un des derniers livres de Vargas Llosa. Un livre pas désagréable, bien écrit (tout de même, ce n'est pas un scribouillard), aux épisodes plutôt bien trouvés, de belles petites idées. Mais qui m'a laissé une terrible impression d'auteur en pilote automatique, se faisant doucement plaisir, mais sans vraiment proposer grand chose au lecteur. Un auteur facile, peu exigeant avec le contenu de son livre, pourvu qu'il soit doucement distrayant et lui permette de brasser quelques souvenirs.
Le gentil Ricardo retrouve ainsi sa vilaine fille de Lily, à peu près tous les 5 ou 10 ans, selon des schémas assez similaires. Elle le retrouve, lui explique ses problèmes, il est ravi de la retrouver même si les années le rendent mois poreux aux méthodes de la fille, plus cyniques ; il la couvre de mots doux, ils couchent ensemble, vivent un peu ensemble ; et elles s'échappent avec un riche personnage, car c'est cela qu'elle cherche, l'argent, en ex-petite fille pauvre voulant assurer sa vie. Schéma reproduit dans différents lieux, Pérou de l'adolescence, Paris des années 50, Swinging London des sixties, le Japon, le Madrid cosmopolite des années 80 : un vrai album de Tintin ou film d'Indiana Jones, chaque lieu offrant son petit regard sur l'air du temps, les hippies ou la Nouvelle Vague parisienne.
On comprend vite que Vargas Llosa joue avec ses souvenirs, ayant longtemps vécu à Paris, ayant sûrement passée par Londres. Mais chaque lieu ne correspond qu'à un chapitre, et chaque description paraît bien superficielle, à la limite du cliché : hé oui, il y avait des hippies à cheveux longs fumant des joints à Londres en 1965. On a même droit à la mort d'un peintre homosexuel du SIDA...
L'obsession amoureuse se trouve terriblement diluée dans ces enchaînements, ces bonds temporels pas tellement bien gérés. On ne touche jamais à la passion aussi profondément que dans Ada de Nabokov, autre roman passionné et voyageur, étiré sur la vie d'amants sans cesse séparés. On peut admettre que l'obsession ne soit pas vraiment le thème majeur du roman, finalement, mais plutôt l'interaction entre les deux personnages, plus focalisé en creux sur la course de la fille, jamais satisfaite, sa fuite en avant, son appétit pour l'argent, son goût pour la manipulation ; mais les amants qu'elle choisit sont là aussi passablement caricaturaux, haut gradé de l'UNESCO, propriétaire de cheval anglais, trafiquant japonais porté sur les pratiques érotiques pétomanes. Tout cela pourrait sembler burlesques, mais pas vraiment, juste léger, distrayant, mais jamais vraiment acide ou sarcastique.
Bon sang, où veut-il en venir ?
La critique du New York Times parue en 2008 évoque une réécriture de Madame Bovary, rien que ça. Le goût de Vargas Llosa pour Flaubert est connu, un de ses modèles littéraires, il a même publié un long essai sur le maître français. Mais les connexions avec Madame Bovary semblent bien tenues, la gentillesse de l'époux, la fuite en avant superficielle de la Bovary... Mouais... Pas facile de faire un vrai parallèle... Et on peut difficilement accuser mes mauvais souvenirs, mes lointaines lectures d'école : j'ai lu Madame Bovary il y a moins d'un an. Cette mauvaise ne parvient jamais à créer un rythme similaire à celui de Flaubert, un élan, pas même à générer une vraie empathie pour ses personnages. A la fin, la vilaine fille est cassée, physiquement détruite, et honnêtement, je m'en foutais.
Ma seule interprétation du livre est une suite de petits plaisirs d'écrivain. Car certains passages sont très plaisants et bien trouvés, comme cette description d'un vieillard capable de guider la construction des digues brise-lames car il sait écouter la mère. Vargas Llosa a un joli carnet où il reste capable de noter des idées très intéressantes & agréables. Mais l'ensemble ne prend pas vraiment, ne conduit pas à grand chose, et surtout pas à la pirouette finale, d'une profonde paresse.
Le prix Nobel 2010 mérite une deuxième chance, il faudra goûter à ses ouvrages plsu reconnus.
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