24 septembre 2009

La politique moderne effroyable drôle

In the loop
by Armando Iannucci, with Peter Capaldi (2009)

"Je ne voudrais pas me perdre dans le micro-management. Mais tout de même, inclure 'I HEART Huckabees' dans les DVD distribués aux troupes... Ce film est d'un cul-cul"
Le secrétaire d'état américain vient de discuter de guerre pendant tout le film et le générique de fin n'hésite pas à persister dans ses les blagues stupides et hilarantes.

C'est le mélange réjouissant offert par "In the loop", une plongée dans la politique internationale contemporaine saupoudrée de vannes acides et percutantes.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni négocient la possible tenue d'une guerre au Moyen-Orient, les discussions naviguent entre les ministères des affaires étrangères, les diplomaties, les Nations Unies, à coup de réunions, rapports, communiqués de presse. Londres, Washington, New York, les lieux du pouvoir international où gravitent les hommes politiques, leurs conseillers et les petits jeunes. Se nouent ainsi des jeux complexes de réunions et de fuites dans les médias, pratiques par lesquelles les petits débutants se brûlent les ailes égarés dans leur maladresse, leur mauvaise maîtrise de la séduction et des discussions off record.

Tout cela pourrait résonner de manière austère pour tous ceux que l'affaire Clearstream ou les sommets internationaux ne passionnent pas. D'autant que l'image tremble souvent pour suggérer le documentaire, donnant juste un cachet télé un peu pauvre pour un grand écran.

Mais le film pousse l'hystérie du monde politique à un degré rarement vu, mêlant une sarabande de gags irrespectueux à des dialogues survitaminés et incisif. Voici l'ambassadeur anglais à l'ONU rentrant sur la pointe des pieds dans le Conseil de Sécurité, pour demander un avancement du vote sur les ordres du chef de la communication ; report qu'il obtient après de longues minutes ; mais les directives ont changé, il vaut maintenant reporter la réunion : revoici l'ambassadeur pénétrant tout aussi penaud dans le Conseil de Sécurité. Et cet enchaînement n'est rien comparé à cette réunion informelle improvisée à la Maison Blanche, dans la chambre d'un gamine : le général s'empare d'une calculatrice rose et musicale pour recompter les 12.000 troupes supplémentaires requises.

Les acteurs sont impressionnants dans leur capacité à garder leur sérieux dans ses situations absurdes, et en même temps effrayantes par les sous-entendus politiques. Le spin doctor en chef du premier ministre anglais promène sa silhouette surexcitée tout au long du film ; élancé, les tempes grisonnantes, la mâchoire agressive et le regard cocaïné, il éructe sans fin ses remontrances et ses directives. Voici un personnage qui prononce plus de fuck à lui tout seul qu'un film entier de Tarantino. Peter Capaldi excelle dans monologues grossiers et hauts en couleur, son allure mêlant le voyou chic et le caporal autoritaire. Les spin doctors, ce sont bien eux les hommes clés du pouvoir moderne, l'Angleterre l'a bien compris et le montre dans des films comme The Queen. La logique est poussée ici à son maximum : le premier ministre n'apparaît jamais à l'écran.



23 septembre 2009

Margaret Atwood devra proposer un peu plus pour me convaincre

Surfacing
by Margaret Atwood (1972)

"Un des meilleurs romans du XXème siècle", proclame le New York Time en quatrième de couverture. Force est de constater que mon premier contact avec Margaret Atwood est loin d'être aussi enthousiaste.

Deux couples partent pour quelques jours dans une cabane isolée sur une île, perdue dans la nature canadienne. La narratrice y a passé son enfance, maison construite par ses parents, et la voici de retour suite à la disparition de son père. Les habitants du village ne retrouvent plus trace du vieil homme, et elle vient donc savoir ce qu'il en est, accompagnée de son compagnon et d'un couple d'amis, groupe de citadins.

Le court roman s'écoule à travers les monologues de la jeune femme, à l'esprit plutôt déboussolée, vaguement naïve, sans prise dans la société ou dans sa vie. Illustratrice peu convaincue. Revenue d'un mariage peu convaincant. Vivant depuis quelques temps avec Joe, sans conviction. Elle remet les pieds dans le monde de son enfance, retrouves les gestes de la nature, du jardinage et des excursions en canoë, pour le plaisir un peu bête de ses camarades sans expérience de la nature. Les demi-hippies découvrent la vie naturelle.

Rapidement, le schéma du livre se dessine assez clairement, les vagues flashbacks de la voix centrale, les jeunes gens plutôt superficiels, et ce jusque dans leur anti-américanisme mécanique.

Mais le livre ne semble pas transcender les thèmes rapidement posés, le roman des angoisses de la narratrice, les romans médiocres des jeunes stupides, l'accumulation des détails acides. L'élan manque, d'autant plus que le style est volontairement dépouillé et simple, à travers la voix de la narratrice au regard vaguement perdu. Oh, tout cela est joliment agencé, belle construction de chapitres et phrases réglées avec justesse, intrigue déroulée avec douceur et sens de la nouveauté. Un artisanat fin et assez ennuyeux, finalement.

Car cette presque virtuosité plate m'a semblé manquer totalement de poids pour un lecteur des années 2000. L'ennui vient certainement de l'aspect très convenu de la situation et des thèmes, qui semblent bien vieillots et dépassés, très datés "début des années 70". Retourner à la nature, les hippies perdus dans la vraie nature, les citadins envahissant la campagne comme des conquérants ; mais encore ? Le constat était assurément plus percutant à la sortie du livre, mais le roman ne parvient pas vraiment à sublimer le regard sur la société de l'époque, à en tirer vraiment plus ; vers la fin, la jeune fille voit sa raison fluctuer, pencher vers la folie, et ces visions sont juste ridicules. Il ne reste donc plus grand chose à se mettre sous la dent.

Bon, je l'avoue, le regard sur la nature m'a parfois fait soner à "Vendredi ou les limbes du Pacifique", et la comparaison n'était pas flatteuse pour ce "Surfacing" assez moyen.

13 septembre 2009

Coppola en joyeux artisan de cinéma

Tetro
by Francis Ford Coppola, with Vincent Gallo (2009)

Bennie retrouve son frère Angelo dans un port d'Amérique du Sud. Angie lui avait promis qu'il reviendrait le chercher, qu'il ne l'abandonnerait pas, et puis, bien sûr. Mais peut-on parler de retrouvailles ? Angelo s'appelle maintenant Tetro.

Coppola présentant une histoire de famille et de rivalité, le voici retrouvant un thème cher, pourrait-on dire. Presque autobiographique, peut-être, même : le père proclame qu'il ne peut y avoir qu'un seul génie dans la famille et le spectateur sourit ; dans un film réalisé par le père de Sofia et Roman... Une histoire de clan et de patriarche, donc, une histoire un peu biscornue, tissés de falshbacks oniriques présentés dans une couleur de Super 8. Le père et les fils, les secrets, rien de bien nouveau, et le scénario ne fait pas grand chose pour se rendre aimable, par quelques rebondissements épais, quelques idées surlignées, une perte de rythme sur la fin.

Coppola semble prendre plaisir à bidouiller sa petite histoire et à manipuler les personnages, ainsi qu'à glisser des marottes personnelles, scènes de théâtre et de danse symbolique, extraits de films expressionnistes. Parfois, tout ce bricolage cela n'est pas très clair, ou au contraire, semble offrir un symbolisme trop évident et superficiel.

Mais qu'importe ce mélange étrange car des plans magnifiques s'affichent à l'écran, jolis cadres au noir et blanc fin, jeu de miroirs, d'ombres et de lumières au milieu desquels flotte la présence sourde et forte de Vincent Gallo. Un superbe artisanat de l'image où le sens devient presque accessoire, en fait : on pourrait certainement analyser les tourments d'un écrivain qui écrit ses manuscrits à l'envers, ou se plaindre d'une telle idée d'adolescent ; l'idée génère un plaisir esthétique simple sur l'écran, le jeu d'un miroir par dessus des lettres maladroites à l'encre noir.


7 septembre 2009

Plants and Animal, impressionnant (mais peut-être à régler)

Plants and Animals
Concert au Blacksheep Inn, Wakefield, QU - 06/09/2009

Grosse affluence au Blacksheep, malgré le long week-end de Labor Day, les Plants and Animals de Montreal ont rempli la salle et l'enthousiasme est sensible. Les chansons du trio bondissent, le batteur ondule tentaculaire et les guitaristes manient les effets, quelques échos shoegaze, cristal de cordes, forte électricité. L'énergie se répand entre les tables et rapidement, le premier range n'y tient ; il ne peut rester sagement assis par terre, le voici debout et dansant.

Performance électrisante au goût toutefois un peu étrange. Le groupe s'amuse beaucoup, assurément, et sa technique lui permet quelques folies, mais le concert semble parfois glisser vers une jam, certes plutôt maîtrisée, mais bruyante et presque décousue. Comme s'ils oubliaient de tenir le fil des chansons, par quelques coquetteries de pauses ou de solos.

Mais il s'agit plus d'une question de réglage et d'équilibre, les bonnes chansons ne manquent pas. Il ne faut ainsi pas rater le superbe "Concert à Emporter" de la Blogothèque sur Plants and Animals : jolie scène que celle du trio acoustique assis sur l'évier de la cuisine.


Un petit mot également sur le trio jouant en première partie : les frères Barr (guitare et batterie) accompagnée d'une harpiste. Le trio n'a pas de nom, vaguement issu du projet Super Little (Montréal encore une fois). De très jolies moments de guitares soutenus par une batterie délicieusement souple ; un blues acoustique saturé restera longtemps dans ma mémoire, décharge rurale et hurlante.

6 septembre 2009

Des gags et quelques beaux morceaux de cinéma, redécouvrons John Hugues

Sixteen candles
by John Hugues (1984)

John Hugues est mort il y a quelques semaines et la critique cinéphile internationale a chanté ses louanges. Le prince de la comédie adolescente des années 80, a-t-on pu lire. Surgissement étrange et saisissant pour un nom dont je n'avais pas entendu parler une seule auparavant ; trop proche assurément pour avoir eu droit à une réhabilitation critique.

En effet, le plus gros fait de gloire de John Hugues est d'avoir été l'auteur du scénario de "Maman j'ai raté l'avion". Succès immense au début des années 90, mais pas tellement attirante pour sa profonde cinématographique ; un gosse, des gags, des millions au box office et beaucoup de suites...

Mais voilà, John Hugues n'a plus réalisé un seul film après ses succès monstre. Il est juste crédité pour le scénario de quelques grosses comédies familiales. Fortune faite, il s'est retiré, tranquillement, une sorte de Salinger du ciné commercial. Il a juste publié quelques romans sous le pseudonyme d'Edmond Dantès ; indice d'une profondeur voilée par un gamin qui a raté l'avion.

Et en effet, son premier film, Sixteen Candles, est un objet assez surprenant. Effet immédiat d'un voyage temporel : couleurs étranges, musique synthétique, brushing Gabriella Sabatini romance adolescente épaisse, nous voici bien dans les années 80. Samantha fête ses 16 ans et sa famille oublie l'événement ; grosse déprime dans le regard fraîchement maquillé, d'autant que son amour pour le beau Jake semble totalement impossible.

Mais les scènes séduisent peu à peu par leur puissance comique, un sens du rythme et du gag, une outrance, une absence de retenue. Voici une ado dont la liberté de mouvements est restreinte par une minerve et on la voit peiner pour boire à une fontaine. Voici un chinois hystérique sortant avec une athlête d'une tête de plus que lui, maniant haltères et vélo d'appartement. Voici une brochette de geeks avec gadgets électroniques désuets, matant les filles aux lunettes infra-rouges. Voici une hallucinante scène de fête dans une maison détruite. Voici un jeune sans permis mis au volant d'une Rolls décapotable. Voici une mariée dérivant ivre dans l'église pour un excès de cachets. Une folie profonde et un sens du détails à l'efficacité indéniable.

Le rire rend ainsi la sucrerie adolescente plus digeste et quelques scènes libèrent une jolie puissance cinéphile, de beaux cadres, des travelling justes. Et le dosage du gag et du sens parvient parfois à un équilibre superbe, telle une longue discussion en tête à tête dans une voiture en réparation : de l'humour bête, des dialogues subtilement au service du récit, de jolis regards d'acteurs, et un subtil clin d'oeil théorique. En effet, belle vision déconstruite de la drague en voiture, dans ce garage où la voiture n'a plus que deux sièges, deux portes et un volant, pas beaucoup plus.

Pas mal pour un produit que l'on aurait cru terriblement formaté.


5 septembre 2009

Du disco abstrait par dessus l'Atlantique

Business acumen
by In Flagranti (2009)

Un duo à distance, un DJ à Brooklyn, son compère en Suisse, ils s'échangent des morceaux de son par Internet, ils constituent le duo In Flagranti. Tissage de longues plages disco instrumentales, quasiment instrumentales, un ou deux riffs sur des coups de cowbell.
Du disco abstrait des années 2000.